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Festival de Flamenco de Nîmes – Ballet nacional de Andalucia, Chloé Brûlé et Mario Vargas

Janvier et février sont résolument flamenco ! La Biennale du Théâtre de Chaillot a débuté le 3 février. Mais avant cela, Nîmes fut en ce début d’année le rendez-vous des aficionados. Empêché l’an dernier pour la première fois de sa longue histoire, le Festival de Nîmes a offert pour cette édition un programme somptueux, unissant les têtes d’affiche aux nouveaux venus. Rocío Molina a ouvert le bal en majesté pour le premier triomphe du festival. Lui ont succédé entre autres le très attendu Ballet Flamenco de Andalucia, qui avait enthousiasmé les nîmois-es il y a quelques années et a présenté sa dernière création autour de Federico Garcia Lorca. Du côté des créations, Chloé Brûlé et Marco Vargas ont montré leur dernière pièce Los Cuerpos Célestes, élégante variation sur la voie lactée et les étoiles.     

Ballet Flamenco de Andalucia – El Maleficio de la Mariposa

Plus qu’un festival, Nîmes est une institution dans le monde flamenco. Avant que fleurissent en France les rendez-vous consacrés au chant et à la danse flamenco ou que les théâtres les intègrent dans leur programmation, les Festival de Nîmes proposaient déjà un programme qui présente chaque année une formidable photographie de cet art. Et ce n’est pas un hasard. Nîmes est une ville aux fortes influences espagnoles, haut lieu de la tauromachie dont l’histoire se mélange avec celle du flamenco. Nîmes devient durant ces jours de festival une enclave andalouse expatriée. Et on y entend souvent parler le castillan.

Après les privations dues à l’épidémie, cette édition 2022n’était pas exempte de fébrilité : c’est une gageure aujourd’hui encore de faire venir des artistes durant deux semaines, à raison d’un ou deux spectacles par jour. Toutes les équipes étaient mobilisées autour de François Noël pour faire de ce rendez-vous une fête. Pari réussi : pas d’annulation, des salles pleines et un enthousiasme du public. C’est la reine Rocío Molina qui a ouvert le bal. Elle avait initié ici même à Nîmes il y a deux ans son travail lors d’un Impulso avec Rafael Riqueni dans le petit théâtre de l’Odéon. Ce qui fit au départ une improvisation géniale est devenu un spectacle construit pour aboutir à une trilogie vue au Théâtre de Chaillot et dont Rocío Molina a montré à Nîmes la deuxième partie, Al Fondo Riele (lo otro del Uno). Ce fut de l’avis des amateurs et amatrices le plus gros triomphe du festival. Ces deux représentations ont fait chavirer le public et le bouche-à-oreille fut tel que l’on se pressait devant le théâtre pour tenter d’arracher une place. Tous n’ont pas pu rentrer mais parions que Rocío Molina, fidèle à Nîmes, reviendra l’an prochain pour présenter la dernière partie de cette Trilogia sobre la guitarra.

Ballet Flamenco de Andalucia – El Maleficio de la Mariposa

On attendait aussi avec gourmandise la Ballet Flamenco de Andalucia. L’occasion est trop rare de voir de grands ensembles car le flamenco se décline davantage aujourd’hui en solos ou en petits groupes. Cette institution, créée en 1994, est probablement la seule troupe d’une telle envergure : une vingtaine d’artistes sur scène, musicien-ne-s, chanteur-ses- et danseur-se-s. Ils ont proposé Le Maléfice du Papillon, titre emprunté au poète andalou Federico Garcia Lorca, spectacle dirigé par Úrsula López et mis en scène par Elena Córdoba. Les artistes ne quittent d’ailleurs quasiment jamais la scène, si ce n’est pour un bref détour rapide en coulisses, le temps de changer de costumes.

Cette scène ouverte paraît reconstituer l’ambiance d’une taverne et d’un spectacle ouvert sur le public. Le Maléfice du Papillons’annonce comme un hommage au poète andalou et aux femmes de sa vie. Las ! La mise en scène n’échappe pas à un fastidieux empilement de numéros dansés et chantés dont on perçoit mal la signification. Il y a là un magnifique savoir-faire, des danseurs et danseuses impeccables, des musiciens virtuoses et deux chanteurs qui nous bouleversent par leur voix rauques et infiniment flamenca. Surgissent des moments  d’humour  et de grâce avec l’apparition de trois danseuses représentant Isadora Duncan. Certains solos sont d’excellentes factures, laissant admirer une technique sans faille. Mais que vient faire Federico Garcia Lorca dans cette histoire ? Où trouve-t-on dans ce spectacle le poète andalou au destin tragique ? Qu’apprend-on des femmes qui ont traversé sa vie ? Rien de substantiel et ce ne serait pas très grave si le spectacle ne s’éternisait au-delà du raisonnable. Les superbes prestations des artistes du Ballet Flamenco  de Andalucia suffisent à peine à effacer l’ennui qui menace de surgir. Jamais on n’effleure ce fameux duende flamenco, ces moments de grâce suspendus de communion entre les artistes et le public sur lesquels Lorca a écrit ses plus belles pages.

Marco Vargas et Chloé Brûlé – Los Cuerpos Celestes

Chloé Brûlé et Marco Vargas ont offert le jour d’après et dans ce même Théâtre Bernadette Lafont un spectacle de toute autre facture. Poursuivant leur recherche de métissage des styles en mélangeant l’art flamenco pur et la danse contemporaine, les chorégraphes canadien et espagnol ajoutent une pierre à leur édifice avec Los Cuerpos Célestes, créés à Nîmes. Comme une variation poétique sur le cosmos, la galaxie, la voie lactée et les étoiles. Un tel projet nécessitait une scénographie soignée, magnifiquement réalisée par Antonio Godoy sur des lumières délicates d’Antonio Valiente. Ils sont cinq sur scène. Chloé Brûlé et Mario Vargas se sont entourés de deux danseurs exceptionnels, Melisa Calero et Gero Dominguez, et du musicien Miguel Marin qui signe la partition.  Ils nous livrent une superbe série de vignettes chorégraphiques à deux, à trois ou à quatre comme une métaphore de la place de chacun dans l’univers. Ni castagnettes, ni robes à volants dans ce voyage cosmique mais une danse épurée, lestée de tout effet de manche sur des sons électroniques qui enveloppent la danse sans jamais l’asphyxier.

Cette édition 2022 aura tenu toutes ses promesses. On aime à Nîmes mélanger les genres, alterner nouveautés et traditions, assumer une fidélité à des artistes qui ont jalonné l’histoire du festival et se risquer à inviter les stars de demain. On y retrouve aussi la chaleur de l’accueil, une attention toute particulière au public, une ferveur bienveillante. On se réchauffe à Nîmes même en plein hiver et on repart avec les sensations des chaleurs sévillanes dans l’attente du prochain rendez-vous.

Rocio Molina – Al Fondo Riela

Festival de Flamenco de Nîmes. El Maleficio de la Mariposa par le Ballet Nacional de Andalucia. Mardi 18 janvier 2022 au Théâtre Bernadette Lafont ; Los Cuerpos Celestes avec Mario Vargas, Chloé Brûlé, Melisa Calero, Gero Dominguez et Miguel Marin. Mercredi 19 janvier 2022 au Théâtre Bernadette Laffont. À voir en tournée en Espagne en 2022.

 




 

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