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Uprising et In your rooms de Hofesh Shechter – Ballet de l’Opéra de Paris

Après The Art of Not Looking Back, entré au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 2018, Hofesh Shechter revient avec deux pièces créées au milieu des années 2000. Choix judicieux que d’associer au sein d’une soirée Uprising et In your rooms, très emblématiques du style du chorégraphe israélien. En plus d’entrer en résonance avec les fureurs de l’actualité, elles offrent aux danseurs et danseuses un terrain de jeu qui leur permet d’expérimenter une physicalité qu’ils s’approprient avec beaucoup de brio et d’engagement.

In your rooms de Hofesh Shechter – Ballet de l’Opéra de Paris

Éclairés par derrière par une rampe de projecteurs, ils débarquent tous les sept avec une démarche guerrière. Ils font bloc avant de s’affronter, imposant très vite leur présence les uns aux autres. Créée en 2006, Uprising porte déjà en germe tout le style de Hofesh Shechter, cette physicalité très ancrée dans le sol, cette violence d’abord contenue mais qui finit par irradier les corps, cette façon de saturer l’atmosphère d’une musique amplifiée. Chacun se toise, se cherche, se défie comme s’il voulait prendre l’ascendant sur le reste du groupe, comme si une pulsion lui dictait de s’imposer comme chef de cette meute constituée. Parfois, ils semblent jouer, comme lorsque les enfants se lancent des défis à coup de “On dirait que”. Derrière le jeu de lumières, le groupe se disloque, puis se reconstitue avec une violence qui va crescendo.

L’écriture est fragmentée, le rythme soutenu. Il y a tout ce qui fait la marque de fabrique du chorégraphe, ces tremblements, ces corps désarticulés, ces mouvements frénétiques, cette humanité dansante qui lutte pour ne pas sombrer. Chez Hofesh Shechter, il y a une urgence à danser qui prend racine dans chaque ondulation, chaque sursaut, chaque aspiration vers le sol. À tous moments, l’on sent que ça peut déraper mais ce “soulèvement” des corps et des âmes est réglé au cordeau. La fin en clin d’œil à Gavroche partant à l’assaut des barricades fait figure de cliffhanger.

Uprising de Hofesh Shechter – Ballet de l’Opéra de Paris

Hofesh Shechter a-t-il voulu reprendre le fil de Uprising en créant un an plus tard In your rooms ? Toujours est-il que le choix de faire entrer en même temps ces deux pièces au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris semblait s’imposer. Dans celle-ci, le groupe s’élargit à 19 interprètes et s’ouvre aux femmes. On retrouve les sept danseurs de la pièce précédente. L’écriture et la scénographie de In your rooms est plus enchevêtrée, moins évidente. Un orchestre à cordes et percussions semble flotter dans l’air, tandis qu’en contre-bas sur la scène, les danseurs et danseuses se lancent à corps perdus dans les différents tableaux qui se succèdent comme des flashes. Parfois, ils se figent dans un mouvement suspendu, puis reprennent leur course folle.

Est-ce l’actualité qui nous pousse à trouver des résonances avec ce qui se joue sur cette scène ? Ou est-ce l’intemporalité de la pièce qui nous ramène vers ce que le monde est en train de traverser ?  Parfois, la douceur affleure dans le déchainement. À travers un couple qui s’enlace, une main qui se tend. Mais elle se perd dans le tumulte. À la fin, l’un des danseurs s’avance avec une pancarte sur laquelle est inscrit “Ne suivez pas les leaders” avant de la retourner pour nous permettre de découvrir un ironique “Suivez-moi“. Qui faut-il suivre ? De qui faut-il se détacher ?

In your rooms de Hofesh Shechter – Ballet de l’Opéra de Paris

N’ayant pas vu The Art of Not Looking Back en 2018, j’avais hâte de découvrir la façon dont les interprètes du Ballet de l’Opéra de Paris mettaient leurs pas dans ceux imaginés par le chorégraphe Hofesh Shechter. La greffe a visiblement pris. Ils s’approprient la gestuelle avec beaucoup d’implication et d’intelligence. Tranchants, gardant une netteté du mouvement même quand la partition s’emballe. Sur les visages, on peut lire les stigmates laissés par la chorégraphie. Exsangues, sonné.es, mais ravi.e.s d’avoir pris part à cette aventure, la jeune garde semble en redemander.

 

Soirée Hofesh Shechter par le Ballet de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. Uprising avec Alexandre Gasse, Jack Gasztowtt, Simon Le Borgne, Hugo Vigliotti, Takeru Coste, Loup Marcault-Derouard, Antonin Monié. In your rooms avec Marion Barbeau, Letizia Galloni, Clémence Gross, Caroline Osmont, Ida Viikinkoski, Laurène Lévy, Marion Gautier de Charnacé, Awa Joannais, Héloïse Jocqueviel, Alexandre Gasse, Jack Gasztowtt, Axel Ibot, Antoine Kirscher, Simon Le Borgne,  Mickaël Lafon, Hugo Vigliotti, Takeru Coste, Loup Marcault-Derouard, Antonin Monié. Mardi 15 mars 2022. À voir jusqu’au 3 avril.

 



Commentaires (1)

  • E.L.

    Personnellement mon expérience de cette soirée a été largement gâchée par la musique enregistrée. Pas que la musique en tant que telle m’ai déplu… mais bon dieu quel besoin pour les équipes techniques de mettre la bande sonore à 2000000000 décibels ???
    Difficile de se concentrer sur la chorégraphie lorsqu’on passe les 10 premières minutes à alterner doigts dans les oreilles et recherche de boules quies dans son sac… Sans parler du léger malaise induit par les vibrations totalement abusées des basses.
    Ce n’est pas la première fois que j’ai ce genre de soucis avec les musiques enregistrée à Garnier (et peut être que je suis plus sensible que la moyenne aux problématiques de volume) mais là c’était pompon. Les sondiers de l’ONP feraient bien de repasser leur CQP Gestion sonore….
    Bref, mon conseil pour essayer de profiter de cette soirée : protégez vos oreilles.

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