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Séquence Danse 2022 : Leïla Ka, Alessandro Sciarroni, Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin.

Durant un mois, l’édition 2022 du festival Séquence Danse, concoctée par le Centquatre, a offert un riche panorama de la danse contemporaine actuelle dans tout ce qu’elle a de plus éclectique et de plus captivant. Une vingtaine de spectacles ainsi que deux expositions/projection vidéo en accès libre ont réuni près de de 4500 spectateurs et spectatrices. À côté de Miramar de Christian Rizzo ou de Fix Me d’Alban Richard et Arnaud Rebotini, nous avons retenu trois propositions enthousiasmantes, notamment Se faire la belle, le dernier solo de la danseuse Leïla Ka, artiste associée au Centquatre, dans l’écrin de l’Institut Giacometti.

Se faire la belle – Leïla Ka

Leïla Ka compte parmi les artistes à suivre. La  jeune chorégraphe s’est fait connaître en 2018 avec un premier solo Pode Ser qui a beaucoup tourné et a été primé à de nombreuses reprises. Deux ans plus tard, C’est toi qu’on adore s’imposait comme le deuxième volet d’une trilogie, qu’elle referme donc avec Se faire la belle, présenté à l’institut Giacometti situé dans le XIVe arrondissement de Paris. Dans la continuité du travail initié avec Poder Ser, elle se livre dans ce mélange de fragilité et de force qui déconcerte. Devant nous, une femme apparaît revêtue d’une ample chemise de nuit, qui se pare au fur et à mesure de l’avancée du solo de multiples significations, tour à tour armure, camisole ou chasuble. La tension va crescendo sur fond de musique électro. Cette gestuelle saccadée, frénétique, aussi fluide que déstructurée, souligne bien les bouleversements intérieurs qui semblent agiter cette femme au visage impassable.

La chorégraphe déploie une écriture très personnelle, à la fois très ancrée dans le sol et toute en élévation. Des lignes de fuite chorégraphiques assez envoûtantes. Cette façon de se jeter à corps perdu, toute en maîtrise, dans une danse en apparence minimaliste mais extrêmement ouvragée est la signature des grandes interprètes. Se faire la belle s’impose comme le puissant dernier volet d’un triptyque fondateur d’une œuvre, avec comme fil conducteur une quête d’identité et d’émancipation des diktats pesant sur le corps féminin. Le découvrir dans l’intimité de l’ancien atelier d’Alberto Giacometti n’en est que plus précieux.

Turning_Orlando’s version – Alessandro Sciarroni

Le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni développe depuis plusieurs années une recherche sur la rotation. Il décline son  projet Turning sous différentes formes. Nouveau et ultime chapitre de ce projet, Turning_Orlando’s version questionne une nouvelle fois cette aptitude à tourner, ces rotations perpétuelles qui scandent nos vies y compris le rythme des saison et de la nature. Interrogeant la notion de mouvement perpétuel, il l’explore à sa façon avec un certain jusqu’au-boutisme.

Juchant ses cinq interprètes, filles comme garçon, sur pointes pour accentuer la rotation, il s’empare du vocabulaire de la danse classique comme d’un étonnant terrain d’investigation. Ce projet minimaliste et répétitif n’est pas sans évoquer certaines performances de la chorégraphe américaine Lucinda Childs. Au delà du challenge qui consiste à tourner sur soi-même sans fixer de point, jusqu’à l’étourdissement, ce quintette devient vite fascinant par la répétition de mouvements identiques. Un marathon giratoire très bien construit dont chacun.e ressort essoré.e mais aussi galvanisé.e.

VIA ! de Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin.

C’est toujours un réel plaisir de voir danser Raphaëlle Delaunay. Même s’il date déjà de 2018, Via !, le court-métrage signé Jacques Gamblin (qui faisait à cette occasion ses débuts de réalisateur) est un curieux objet qui fait se rencontrer musique baroque, moonwalk et danse contemporaine. En un tout petit peu plus de 3 mn, l’interprète qui a beaucoup travaillé autour de l’icône pop interroge sa singularité à travers son propre langage chorégraphique.

Dans cette performance, à l’esthétique brute tout en étant très travaillée, Raphaëlle Delaunay puise dans la gestuelle de Mickaël Jackson pour la fusionner avec d’autres inspirations, le tout avec comme bande-sonore, la célèbre Marche pour la cérémonie des Turcs de Lully ! Le résultat dégage une énergie très contagieuse. L’hommage est à la fois respectueux et frondeur. Un petit bijou de film de danse.

 

Séquence Danse Paris 2022, focus sur la danse contemporaine, 10e édition au Centquatre. 

Se faire la belle de Leïla Ka, Hors les murs, le 4 avril 2022 à l’Institut Giacometti. À voir le 15 mai à La Passerelle de Saint-Brieuc.

TURNING_Orlando’s version d’Alessandro Sciarroni le 7 avril 2022 au Centquatre.

VIA ! de Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin le 7 avril 2022 au Centquatre.

 



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