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[Montpellier Danse 2022] Philippe Decouflé et Marcelo Evelin

L’ouverture de Montpellier Danse 2022 s’est décidément faite dans des tonalités musicales. Après Pontus Lidberg qui a travaillé sur Kurt Weill, Philippe Decouflé est allé chercher du côté des concerts de rock pour sa nouvelle pièce Stéréo, créée pour ce festival qu’il connaît si bien. À mi-chemin entre le concert, la performance, la danse et l’acrobatie, l’oeuvre est avant tout un hommage au rock, à son énergie brute et l’envie folle de faire la fête après ces deux ans de pandémie. La danse en soi y est plutôt en retrait. Mais la musique bien balancée, les artistes soudés et l’air doux de l’été dans le Théâtre de l’Agora en plein air font le reste. Un véritable spectacle “feel-good”, qui résonne comme un exutoire aussi bien pour les artistes que pour le public.

Stéréo de Philippe Decouflé

Pour sa première pièce après la pandémie – il y a décidément un avant et un après Covid – Philippe Decouflé a choisi une forme presque simple : trois musiciens et musiciennes, trois danseurs et deux danseuses, quelques vidéos en fond de scène pas trop envahissantes. Ce qui trône au centre de la scène du Théâtre de l’Agora ? Une batterie. Le ton est donné : Stéréo, sa nouvelle création montée pour Montpellier Danse, aura le goût du rock.”J’ai pensé à Drastic Classicism de Karole Armitage (ndlr : pièce créée en 1981). Une énergie punk rock foisonnante, au bord de la rupture, où danseurs et musiciens se mêlent et s’emmêlent“, explique le chorégraphe pour raconter cette nouvelle création. 

De fait, la pièce se situe à la frontière de plusieurs genres : concert, spectacle de danse, moment de cirque, cabaret. Et c’est ce qui fait son charme. Le fil conducteur ? Très clairement la musique, une bande-son percutante, rock ‘n’ roll et point fort du spectacle, menée avec énergie et humour par le guitariste Arthur Satàn, la bassiste Louise Decouflé et le batteur Romain Boutin. Autour, ce sont comme des sortes de numéros qui se mettent en place, autour de cinq performeurs et performeuses. Baptiste Allaert, Vladimir Duparc, Eléa Ha Minh Tay, Aurélien Oudot et Violette Wanty viennent aussi bien de la danse que du cirque. Certains connaissent bien l’univers de Philippe Decouflé, d’autres y arrivent avec cette création. La danse se mêle ainsi le plus simplement du monde à l’acrobatie, cette gestuelle circassienne ne faisant qu’enrichir la palette chorégraphique. C’est ainsi un duo entre étrangeté et poésie et se met en place, un dialogue avec la bassiste qui quitte un moment son piédestal, des moments un peu loufoques, un peu barrés, où l’on ne sait pas très bien où ça va mais où l’on se laisse embarquer. L’on y retrouve l’aspect cabaret dans cette succession de numéros, avec un des danseurs prenant parfois la place de Monsieur Loyal.

Stéréo de Philippe Decouflé

Stéréo n’échappe pas cependant au défaut qui est si fréquent dans ce genre de concert musical : la musique prend clairement le pas sur le reste. Et la danse, parfois, ne sert que d’illustration à la musique. Un sentiment infiniment frustrant, surtout que l’on a affaire à cinq personnalités fortes en scène, qui ont de quoi montrer leur tempérament, et le montrent parfois mais sont comme en manque de place. L’on cherche ainsi un geste chorégraphique un tant soit peu sortant de l’ordinaire ou qui ne soit pas écrasé par la bande-son durant toute la pièce. Néanmoins, force est de constater que les deux heures de Stéréo passent à toute allure, portées par la musique comme par l’ambiance rock à laquelle rien ne manque. Des guitares saturées, un slow romantique (peut-être le plus joli duo chorégraphique du spectacle), de l’air-synthé, des concours de headbang, des tatouages et des leggings à paillettes : il y a tout ce qu’on aime. Y compris cet effet exutoire d’un bon concert, d’autant plus en plein air, qui fait que l’on en ressort plus léger qu’en arrivant. En ces temps troublés, cela ne fait jamais de mal.

Stéréo de Philippe Decouflé

Un peu plus tôt, Marcelo Evelin a montré sa création Uirapuru, qui tourne en rond. Les quelques mots de la note d’intention avaient pourtant de quoi aiguiser la curiosité. Le chorégraphe brésilien s’est inspiré de la légende du Uirapuru, oiseau chanteur des forêts, qui serait selon le mythe une personne amoureuse transformée en oiseau, faisant délirer tous ceux et celles entendant son chant. Que de poésie et de mystère à mettre en scène ! Las, cependant. Les sept interprètes, faisant perpétuellement le même pas (sorte de pas chassés avec ondulation du bassin, qui semble rappeler la base de la samba), cherchent et se trouvent des résonances en scène, se rattrapant sur le plateau, s’échangeant des places, se regardant ou s’ignorant. Chacun semble avoir un rôle, une personnalité affleurant, ils ne sont jamais sur scène les copies l’un de l’autre, malgré le même mouvement geste effectué tout du long. Mais Marcelo Evelin se contente d’une performance, certes impressionnante, mais qui ne touche en rien les ressentis. Le chorégraphe semble surtout s’être amusé à savoir combien de temps pourraient tenir ses interprètes à répéter le même geste. Pourquoi pas après tout, mais l’intérêt pour le public reste bien mince.

Uirapuru de Marcelo Evelin

 

Stéréo de Philippe Decouflé par la Compagnie DCA dans le cadre de Montpellier Danse. Avec Baptiste Allaert, Vladimir Duparc, Eléa Ha Minh Tay, Aurélien Oudot, Violette Wanty, Arthur Satàn (guitare), Louise Decouflé (basse) et Romain Boutin (batterie). Lundi 20 juin 2022 au Théâtre de l’Agora. À voir en tournée, les 22 et 23 juillet à Chateauvallon-Liberté, puis lors de la saison 2022-2023.

Uirapuru de Marcelo Evelin dans le cadre de Montpellier Danse. Avec Bruno Moreno, Fernanda Silva, Gui de Areia, Marcelo Evelin, Márcio Nonato, Rosangela Sulidade et Vanessa Nunes. Lundi 20 juin 2022 au Théâtre la Vignette.

Le festival Montpellier Danse continue jusqu’au 3 juillet.

 



 

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