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[Les Zébrures d’automne à Limoges] À nos combats – Salia Sanou

En ouverture du festival Les Zébrures d’automne des Francophonies à Limoges, le chorégraphe Salia Sanou a présenté À nos combats, sa dernière pièce créée en juillet 2022 au Grand R à la Roche-sur-Yon. Sur la place de la République, en plein air, un vrai ring de boxe concentrait toute l’attention pour ce spectacle pour quatre interprètes et… 75 amateurs et amatrices. Faire dialoguer la danse et la boxe pour symboliser la convergence des luttes, l’intention était belle et pleine de promesses. Dommage que la pièce, malgré l’implication collective évidente, ne soit pas l’uppercut attendu. Sa version en salles gagnera sans doute en densité pour dépasser le côté flash-mob et révéler la puissance que la confrontation entre ces deux arts peut faire émerger.

À nos combats – Salia Sanou

Salia Sanou n’est pas le premier chorégraphe à enfiler les gants de boxe et à monter sur le ring. Régine Chopinot avec son KOK, costumes Jean-Paul Gaultier, extraits de Verdi et Wagner, avait frappé un grand coup en osant se frotter au noble art à la fin des années 1980. Plus récemment, Mourad Merzouki avec Boxe Boxe, créé en 2010 à la Biennale de Danse de Lyon, avait confirmé combien cet univers se prêtait au dialogue avec la danse. Comment ne pas avoir des deux références en tête avant d’aborder À nos combats ?

Alors que le ring est encore vide, un speaker à l’ancienne, le genre que l’on trouve dans les salles qui accueillent les matchs de boxe, fait son entrée. Cet homme à la gouaille reconnaissable et au phrasé précieux, c’est la voix de la radio en Côte d’Ivoire et en France,  Soro Solo. “La boxe, c’est la dignité, l’humilité, le courage et la détermination, martèle-t-il de sa voix chaude et un peu rocailleuse. Un peu comme la danse en fait, se dit-on en l’écoutant meubler avant l’entrée des adversaires. On comprend mieux, en plus de la proximité de gestuelles, pourquoi les chorégraphes ont envie de faire se rencontrer ces deux façons d’être au monde.

Pour créer cette pièce, Salia Sanou est parti du match légendaire entre Mohamed Ali (Cassius Clay), et Georges Foreman du 30 octobre 1974 au Zaïre. Un combat mythique selon tous les commentateurs qui a vu le premier reconquérir son titre mondial des poids lourds. Le symbole est fort, le match comme le boxeur, considéré comme le plus grand boxeur de tous les temps. Mais sur son ring installé dans l’espace public, pas de boxeurs mais deux boxeuses qui se toisent. Entre esquives, poings lancés et gestes chorégraphiés, le combat est survolté.

À nos combats – Salia Sanou

Soudain les deux boxeuses se tournent vers la foule et les 75 danseurs et danseuses amateur.rices se lèvent et reprennent la chorégraphie énergique tout autour du ring. Le phénomène se répète plusieurs fois au son de la batterie galvanisée de Sega Seck. Entre temps, les deux danseuses sont rejointes par leurs coachs. Les deux binômes composent un quatuor qui s’empare de la gestuelle punchy de ce sport pour la réinventer. Tout n’est pas complètement lisible (est-ce bien utile que les garçons s’affublent de perruques féminines ?) même si on perçoit l’intention de déconstruire la vision virile de cet univers. Ici, les deux héroïnes sont deux femmes, Marlène Guivier, ancienne vice-championne de France, et Fatou Traoré, danseuse professionnelle. Que ce soit elles qui se fassent les ambassadrices de la somme des combats à mener dans notre société actuelle, on ne peut que valider ce choix.

Est-ce l’équilibre entre soulèvements collectifs des amateur.rices et ce qui se passe à quatre sur le ring qui est à repenser ? Peut-être. Car si l’intention et l’énergie sont là, la chorégraphie ne sert pas jusqu’au bout le propos de la pièce. Il faut sans doute faire davantage dialoguer ces deux violences sourdes pour laisser émerger quelques chose de plus spectaculaire et dénoncer davantage. Le prochain round, en salles, permettra peut-être de combler ce sentiment d’inachevé.

À nos combats – Salia Sanou

À nos combats de et avec Salia Sanou, dans le cadre du festival Les Zébrures d’automne. Avec Séga Seck, Marlène Guivier, Fatou Traoré, Marius Sawadogo, Soro Solo et 75 amateur·rice·s. Musique : Séga Seck. Mercredi 23 septembre 2022. À voir en tournée le 19 novembre à Espace des Arts, Chalon-sur-Saône. Les 11 et 12 février 2023 au Manège Scène nationale de Reims. 




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