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Ballet du Capitole – Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot

Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot fait son arrivée au Ballet du Capitole. Depuis sa première en  1996, cette version est un tube des Ballets de Monte-Carlo dirigés par le chorégraphe. Depuis 25 ans ans, elle a fait le tour du monde et est maintenant au répertoire d’une quinzaine de compagnies dans le monde. Le Ballet du Capitole à son tour s’est glissé, et avec aisance, dans le vocabulaire de Jean-Christophe Maillot, qui a confié les rôles titres à l’Étoile Natalia de Froberville et au demi-soliste Minoru Kaneko. Un duo soutenu par d’excellents seconds rôles auxquels la chorégraphie fait la part belle, ainsi que par l’Orchestre du Capitole dirigé par Garrett Keast.

Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot – Ballet du Capitole

Roméo et Juliette est une des plus belles pièces musicales du répertoire de la danse. À l’exception des trois ballets de Marius Petipa composés  par Tchaïkovski, aucun ballet ne peut rivaliser. S’y ajoute le livret basé sur le chef-d’œuvre de Shakespeare. Pourtant, depuis sa création en 1938, il n’y a pas eu pléthore de versions. Après une première dans une rédaction abrégée à Brno en Tchécoslovaquie, Léonid Lavrovski signa la chorégraphie de référence pour le Mariinsky en 1940. Plus de 80 ans plus tard, elle est toujours au répertoire à Saint-Pétersbourg. John Cranko, Kenneth MacMillan et Rudolf Noureev ont ensuite créé leur propre version, qui toutes les trois s’inspirent de celle de Lavrovski. Ces trois chorégraphes se partagent l’essentiel du marché dans les grandes compagnies classiques. Sans doute, le poids d’un chef-d’œuvre et les qualités de toutes ces versions ont-ils freiné l’attrait des chorégraphes pour Roméo et Juliette. Alexeï Ratmansky a livré à son tour sa vision, proche de l’originale, à la demande du Ballet du Canada, version reprise ensuite par le Bolchoï.

Jean-Christophe Maillot, qui n’a peur de rien, s’est confronté dès 1996 à Roméo et Juliette. C’est l’un de ses premiers grands ballets narratifs et ce fut une réussite. Tube de son répertoire, il est régulièrement à l’affiche des Ballets de Monte-Carlo, joué en tournée. Et il arrive enfin au Ballet du Toulouse, première troupe française à s’emparer d’une oeuvre du chorégraphe. Jean-Christophe Maillot a toujours une vision personnelle des ballets du répertoire qu’il décide de chorégraphier. Il en fait une lecture singulière et propose un point de vue sur l’œuvre, ce qui rend son travail passionnant. Et 25 ans après sa création, sa version de Roméo et Juliette n’a pas pris une ride. Sans s’inspirer de la version princeps, le chorégraphe revient à Shakespeare et déplace le centre de gravité du récit. La rivalité meurtrière entre les Capulet et les Montaigu n’est plus le vecteur de l’action déplacée sur le personnage de Frère Laurent. Si ce dernier avait prévenu Roméo à temps que Juliette était plongée dans un sommeil imitant la mort, les amants de Vérone ne se seraient pas suicidés. C’est lui qui porte la culpabilité dans la rédaction de Jean-Christophe Maillot. Il rôde ainsi un peu partout du début à la fin du ballet. Il n’est plus le sauveur qui marie le couple dans la clandestinité mais l’artisan du drame. 

Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot – Minoru Kaneko et Natalia de Froberville

Pour cette entrée au répertoire au Ballet du Capitole, c’est Rouslan Savdenov qui a endossé ce rôle pivot de Frère Laurent avec assurance. Il promène tel un fantôme sa tristesse et ses remords. C’est d’ailleurs le seul personnage sombre quand Jean-Christophe Maillot préfère mettre l’accent sur la comédie et les aspects comiques des personnages. Le trio, composé de Roméo et de ses deux amis, Mercutio et Benvolio, mène la danse en permanence. L’Étoile Ramiro Gómez Salmón (Mercutio) et le soliste Philippe Solano (Benvolio) y sont remarquables l’un et l’autre : ampleur des sauts, investissement dramatique dans une veine comique, ils dévorent la scène. Tout aussi drôle est la nourrice campée par Nancy Osbaldeston., formidable comédienne. On oublierait presque la tragédie qui s’annonce, d’autant que Jean-Christophe Maillot n’a guère le goût du drame ni de l’emphase amoureuse. Les amants semblent plus mûrs, moins enfantins. Juliette apparaît davantage comme une jeune femme et non pas l’adolescente dépeinte par Shakespeare. Natalia de Froberville, Étoile de la compagnie, y resplendit avec ses lignes idéales et sa technique sans failles. Au fil des productions du Ballet du Capitole, elle acquiert aussi des qualités dramatiques incontestables.

Jean-Christophe Maillot lui fait ôter les pointes dans le dernier acte, ce qui lui permet d’acquérir de la vitesse de déplacement et d’accentuer son jeu dans ce final dramatique. Cassant la hiérarchie, Jean-Christophe Maillot a choisi le demi-soliste Minoru Kaneko pour danser Roméo. Il y montre un bel engagement et de superbes qualités techniques. Il excelle dans les scènes de comédie mais on aurait aimé davantage de poids dramatique dans les pas de deux. Le chorégraphe fait aussi un pas de côté avec le personnage de Lady Capulet, plus sensuelle et magnifiquement dansée sur pointes par Alexandra Surodeeva.

Tout va à toute allure dans ceRoméo et Juliette. La partition est jouée à un tempo rapide sans presque aucune pause. Jean-Christophe Maillot ne s’est encombré d’aucun accessoire. Ernest Pignon-Ernest a conçu une scénographie très épurée composée de grands panneaux concaves qui enserrent un espace vide. Un banc, un lit au dernier acte, une rampe mobile qui fait office de balcon, mais pas de capes, ni d’épées. Jérôme Kaplan a quant à lui dessiné des costumes qui renoncent à toute forme d’apparat et n’affirment aucune date. Ce parti-pris permet de se concentrer sur le récit, débarrassé de quelconques afféteries. Le Ballet du Capitole, qui faisait sa rentrée à Toulouse, semble y prendre beaucoup de plaisir. Nous aussi !

 Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot – Ramiro Gómez Samón, Alexandre de Oliveira Ferreira, Philippe Solano

Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot par le Ballet du Capitole. Avec Natalia de Froberville (Juliette), Minoru Kaneko (Roméo), Rouslan Savdenov (Frère Laurent), Ramiro Gómez Samón (Mercutio), Philippe Solano (Benvolio), Alexandre De Oliveira Ferreira (Tybalt) et Alexandra Surodeeva (Lady Capulet). Vendredi 28 octobre 2022 au Théâtre du Capitole. À voir jusqu’au 3 novembre

 



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