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Ballet de Lorraine – Michèle Murray et Adam Linder

Pour le programme 2 de sa saison 2022-2023, le CCN-Ballet de Lorraine a convié deux chorégraphes, la Franco-Américaine Michèle Murray et l’Australien Adam Linder pour deux créations célébrant “la notion même de danse en groupe”. Si sur le papier, Dancefloor créée par la chorégraphe installée à Montpellier et Acid Gems du chorégraphe vivant à Berlin, pouvaient apparaître très différentes, elles se rejoignent par moments, avec une porosité étonnante. Pour les deux chorégraphes, le plateau se révèle un intrigant et complexe terrain d’expression dans lequel se jettent avec énergie et voracité les interprètes de la compagnie. Associées, les deux pièces composent ainsi une soirée qui met en valeur deux écritures intelligentes qui valorisent le groupe sans gommer les individualités.

Dancefloor de Michèle Murray – Ballet de Lorraine

La salle vient juste d’être plongée dans le noir. Pas encore totalement habitué.e.s à l’obscurité, l’on est cueilli.e.s par une silhouette en large veste fluo qui tournoie comme une toupie. Comme une sentinelle envoyée en reconnaissance. Le dancefloor, celui-là même qui donne son titre et sa double lecture à la pièce, apparaît. Il se peuple au fur et à mesure des vingt-quatre interprètes sobrement vêtus. Seules quelques paillettes discrètes éclairant les t-shirts évoquent l’ambiance festive. Pour cette commande du Ballet de Lorraine, Michèle Murray a souhaité mobiliser la totalité de la compagnie et les associer, comme elle a coutume de travailler, au processus de création, entre exigence technique, rigueur et liberté.

Dans une scénographie de Koo Jeong A constituée de lumières brusquement changeantes, les 24 danseuses et danseurs habitent ce dancefloor, lui insufflent leur énergie, le réchauffent. Ils déroulent l’“alphabet de mouvements” cher à la chorégraphe, dans la veine de Merce Cunningham. Cette composition mixe des figures du vocabulaire académique (sauts, déboulés, arabesques, dégagés…) et des mouvements de clubbing minimalistes. À la fois contrainte et espace de liberté, ce dancefloor est investi de différentes façons par chacun des interprètes qui s’approprient cette partition ciselée. Danse, musique, lumières, tout s’imbrique avec beaucoup de cohérence.

La musique électroacoustique de Gerome Nox fait planer sur ce dancefloor une atmosphère fluctuante, plongeant les danseuses et danseurs comme en apesanteur. Elle participe grandement à la tonalité de cette pièce qui sied parfaitement à chaque interprète. L’alchimie a visiblement eu lieu entre la compagnie et la chorégraphe. Il y a fort à parier que l’on reverra Dancefloor en tournée.

Acid Gems d’Adam Linder – Ballet de Lorraine

La deuxième pièce du programme se concentre sur un groupe de danseurs et danseuses un moins important. L’ambiance est plus pop, les couleurs plus vives, voire carrément crues. Dans son intention initiale, Adam Linder a confié s’être inspiré de Joyaux, chef d’œuvre de George Balanchine en trois tableaux pour questionner “l’hybridation des danses et leur évolution à travers les corps“. Pour Acid Gems, le chorégraphe s’est donc emparé du vocabulaire du ballet pour lui faire subir un électrochoc. Cela donne une chorégraphie ensorcelante qui hybride plusieurs styles. Ils apparaissent par flashs au gré des mouvements d’ensemble. Tout comme les interprètes dont elle imbrique les corps, cette pièce nous prend habilement dans ses filets. La musique scande chaque pas et en cadence les séquences.

Là encore, les interprètes du Ballet de Lorraine semblent comme des poissons dans l’eau dans cette composition qui les obligent à s’approprier une gestuelle déconstruite, pas si facile à danser. L’en-dehors se mâtine de déhanchés et d’isolations. Ce métissage produit un cocktail explosif. Décidément, ces Acid Gems rayonnent d’un éclat singulier. Des costumes à base d’académiques fluos déstructurés, aux deux vigies voilées juchées sur des chaises d’arbitres de tennis, il se dégage une étrangeté excitante de cette pièce de 30 minutes dont le seul défaut est peut-être le final peu trop “cut”.

Acid Gems d’Adam Linder – Ballet de Lorraine

Programme 2 du CCN- Ballet de Lorraine.

Dancefloor de Michèle Murray et Acid Gems d’Adam Linder par les interprètes de la compagnie. Samedi 1er avril 2023 à l’Opéra National de Lorraine à Nancy. À voir jusqu’au 7 avril.

Le Ballet de Lorraine est à retrouver en tournée : Twelve Ton Rose de Trisha Brown précédé de Acess to pleasure de Petter Jacobsson et Thomas Caley, le 22 mai au Musée de l’Orangerie. Danse dans les nymphéas, Discofoot de Petter Jacobsson et Thomas Caley le 28 juin  au Carreau du Temple à Paris et le 1er juillet à Nantes, Static Shot de Maud Le Pladec les lundi 10 et 11 juillet au musée du Louvre dans le cadre du festival Paris L’été.

 



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