TOP

Pierrre Rigal – Hasard

Comment le hasard intervient-il dans nos vies et que peut-il produire ? Pierre Rigal s’affronte à cette problématique stimulante dans sa dernière création, Hasard. Conçue pour six danseuses et danseurs, elle nous emmène dans cet improbable voyage où rien ne se passe tout à fait comme prévu. Plus encore lorsqu’il s’agit de créer du mouvement pour tenter qu’émerge du chaos initial une harmonie retrouvée. Mêlant tous les styles, appuyé par des interprètes virtuoses, Hasard est un moment irrésistible d’humour et de poésie sur fond de questionnement métaphysique. Pierre Rigal nous emmène dans cet univers de l’aléatoire, qui paradoxalement est construit sur une chorégraphie implacable et produit un spectacle jouissif et réjouissant.

Hasard de Pierre Rigal

Il y a plein de bonnes raisons d’aimer le travail de Pierre Rigal. C’est un peu un ovni qui surgit dans le monde de la danse contemporaine, venu du sport de haut niveau. Depuis, il n’a de cesse de creuser son sillon, inventant de nouvelles formes, créant des récits novateurs, refusant de s’enfermer dans un format ou un style. Ces solos lui donnèrent une visibilité méritée et une popularité qui lui permit de concevoir des pièces de groupes dont aucune ne se ressemble, d’être invité par de nombreuses compagnies dont le Ballet de l’Opéra de Paris. Pierre Rigal ne se répète pas. C’est aussi l’avantage de ne pas être passé par les circuits traditionnels. Il emprunte ce qui lui plaît dans la large palette de la danse d’aujourd’hui. On avait pu craindre une panne d’inspiration lorsqu’il revint à Asphalte, succès mondial créé en 2009 à Suresnes Cités Danse. Asphalte 2.0 en janvier 2022 ne parvenait pas à retrouver l’énergie et la fraîcheur de la pièce initiale. Hasard nous rassure complètement. La créativité, l’inventivité et la fantaisie de Pierre Rigal sont intactes.

Déjà, il nous intrigue dans sa note d’intention. “Le hasard peut déclencher des guerres ou bien des fous rires... Il vient troubler les frontières de nos croyances puisqu’il vient interroger notre destin, notre libre-arbitre et bien sûr notre dieu”, écrit le chorégraphe. Diantre ! Voilà un enjeu et un défi qui mettent l’eau à la bouche. Tout commence dans un mouvement en diagonale ininterrompu. Un danseur traverse le plateau avant le noir total pour y revenir. Puis une autre, puis un autre. Et enfin, ce qui devait arriver arrive : on se percute comme cela se produit parfois aujourd’hui dans la rue lorsque, sans avoir le nez en l’air, on est plongé dans un téléphone totémique ! De cette collision, tout peut basculer : une dispute, une bagarre, un coup de foudre, allez savoir ! Pierre Rigal introduit d’autres éléments qui complètent cette mécanique bien mieux huilée qu’on ne pourrait le penser, tel ce ballon de rugby qui tombe… au hasard en émettant un cri de douleur simulé. L’humour ne serait-il pas aussi un avatar du hasard ? Viennent ensuite six néons mobiles qui semblent vivre leur vie et s’animer comme il leur plaît, dessinant une forme aléatoire. La lumière est aussi vectrice du projet du spectacle en troublant nos perceptions en créant l’illusion d’un dédoublement.

Hasard de Pierre Rigal

Mais le coeur du spectacle, ce sont les six interprètes venus d’univers stylistiques différents, qui toutes et tous brillent sur scène. De hip-hop en breakdance, de danse contemporaine à un geste plus académique, du clubbing au popping en faisant un joli détour par l’acrobatie, Pierre Rigal aime à mélanger les cartes pour nous surprendre en permanence. Leurs corps forment parfois des figures improbables avec des angles droits étonnants. Comme il se doit, son fidèle collaborateur Gwenaël Drapeau signe la musique de Hasard. Il y a un esprit à la Jacques Tati qui s’immisce dans cette danse loufoque

Qui n’a pas assisté à une représentation pour public scolaire manque une expérience vitale dans la vie d’un spectateur ! On s’inquiète d’abord du bruit qui pourrait occasionner une gêne et on se demande s’il est bien raisonnable d’avoir mené au théâtre ces enfants dissipés. Ce sont des juges sans concession : que le spectacle les ennuie et ils le feront savoir. Or voilà que se produit un petit miracle. Alors que des rires vont retenir encore durant deux ou trois minutes, le silence se fait dans la salle de la MC93. Pour la plupart, c’est le premier spectacle de danse, Elles et ils ont une dizaine d’années. Et on ressent leur fascination. Ils se taisent, absorbés par la scène, rient de bon coeur aux blagues et aux fantaisies des interprètes. Pierre Rigal était dans la salle. On imagine qu’il fut réjoui par ce public exigeant et enthousiaste.

Hasard de Pierre Rigal

 

Hasard de Pierre Rigal, avec Yohann Baran, Clara Bessard, Emma Rouaix, Camille Guillaume, Mathilde Lin et Elie Tremblay. Vendredi  26 mai 2023 à 14h30 à la MC93. À voir en tournée la saison prochaine, en septembre à Bruxelles et en novembre à Nîmes. 

 




 

Poster un commentaire