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Sur le fil, Nacera Belaza ouvre Montpellier Danse

Comme les montréalais de Patin Libre ou la Dresden Frankfurt Dance Company de Jacopo Godani, Nacera Belaza était programmée en ouverture du festival Montpellier Danse. La chorégraphe, accompagnée de deux danseuses, a investi l’intime Studio Bagouet pour présenter sa nouvelle création, Sur le fil. Un moment rare et intense.

Le Trait de Nacera Belaza

Le Trait de Nacera Belaza

Née en Algérie de parents musulmans pratiquants et arrivée en France à l’âge de cinq ans, Nacera Belaza a dû se battre, résister, pour acquérir la liberté et le droit de danser. Autodidacte, elle fonde sa compagnie en 1989 après des études de lettres modernes. Refusant avec force les clichés dans lesquels on voudrait l’enfermer, celui de la danseuse orientale version Mille et une nuits comme celui de l’immigrée maghrébine forcément hip hop, elle trace son propre sillon, éminemment singulier. Se nourrissant de sa double culture et de sa religion, dans un élan unificateur, elle crée des pièces qui ont à voir avec l’intime, dans une sorte de minimalisme répétitif, de mouvement perpétuel.

Longtemps, de Périr pour de bon sa première pièce aux Oiseaux créée en 2014, Nacera Belaza a écrit des duos joués avec sa sœur. Depuis La traversée, elle se confronte aussi à d’autre corps, aux apprentissages plus académiques. C’est le cas pour Sur le fil où elle partage le plateau avec les danseuses Anne-Sophie Lancelin, fidèle de Thomas Lebrun, et Aurélie Berland. Dans cet opus, la chorégraphe poursuit son exploration en cherchant à faire advenir, à partir d’une écriture et de contraintes rigoureuses, de gestes répétés à l’envi, un abandon, un lâcher prise extrême, pour elle-même et ses interprètes.

Une à une les danseuses investissent une scène que la nuit borde, parfois envahit. Elles tournent presqu’inlassablement, comme aspirées dans une course née de déséquilibres. Quand l’une s’évanouit dans la pénombre, une autre prend sa place, effectuant les mêmes mouvements. Toutes sont habillées de costumes sombres, un peu informes, masquant leurs corps. Car ce ne sont pas eux qui sont réellement en jeu pour Nacera Belaza, mais plutôt l’être qui les anime. Et de fait, cette uniformité de gestes et de vêtements ne fait que marquer avec plus d’acuité la personnalité, le style de chacune. Jusqu’a ce que, pris.e.s aussi par ce tourbillon, par cette sorte de transe, et la lumière baissant, on ne parvienne plus à les différencier.

Il se dégage du travail de Nacera Belaza, et de l’engagement de ses danseuses, quelque chose de vital, d’essentiel. D’une recherche intime, personnelle, de totale liberté dans la contrainte, elle parvient à créer une pièce qui touche et fascine. “Afin de parvenir à faire résonner en l’Autre l’expérience de cette transcendanse, l’interprète doit avoir en permanence conscience de cette tension dramatique qui peu à peu lui donne la sensation de l’amener au bord de lui même” dit-elle. “Alors seulement, en équilibre sur un fil, pour un temps indéfini, on accepte de ne plus savoir.”

 

Sur le fil de Nacera Belaza au Studio Bagouet de l’Agora dans le cadre du festival Montpellier Danse. Avec Nacera Belaza, Aurélie Berland et Anne-Sophie Lancelin. Vendredi 24 juin 2016. Le festival Montpellier Danse est soutenu par la Fondation BNP Paribas.

 

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