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Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers, quand la harpe se fait contemporaine

Danièle Desnoyers, chorégraphe Montréalaise, présente au Théâtre National de Chaillot sa dernière création, Paradoxe Mélodie, pièce pour cinq danseurs, cinq danseuses et une harpiste. Ayant fondé sa compagnie, Le Carré des Lombes, en 1989, elle est une des figures emblématiques de la danse contemporaine québécoise. Dans ce nouvel opus fort réussi et remarquablement interprété, elle poursuit son travail basé sur les rapports entre musique et mouvements.

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Il est rare qu’une pièce soit aussi bien résumée par son titre. La mélodie, d’abord. Pour cette création, tout est parti du désir de Danièle Desnoyers de travailler avec une harpiste, sur scène. ” Pour moi, c’était très intéressant d’aller jouer avec cette imagerie là, peut-être pour un peu la court-circuiter” dit-elle. Et en effet, aux sonorités classiques, mélodieuses et délicates du somptueux instrument d’Évelyne Grégoire-Rousseau, répond la musique électroacoustique, contemporaine et parfois dissonante du compositeur Nicolas Bernier. Comme à la jeune femme au long et volumineux jupon couleur du temps, allongée sur scène sous une douche de lumière une harpe miniature dans les mains, répond très vite la course circulaire de danseurs et danseuses en costumes de ville.

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Mélodieux sont également les rapports humains qu’illustre cette pièce. Car si chacun semble afféré à poursuivre sa route, les interactions sont nombreuses, souvent sous formes de duos, et à défaut d’être toujours tendres, au moins curieuses et bienveillantes. Lorsqu’un groupe d’hommes se forme, quatuor lié, bras dessus bras dessous, et qu’un cinquième arrive, il n’en est pas exclu très longtemps, parvenant à se faire une place dès qu’il acquière la gestuelle, le vocabulaire commun.

Mais les paradoxes sont aussi nombreux dans cette œuvre, jouer de la harpe comme on triturerait une guitare électrique n’est pas le seul. Ordre et désordre, d’abord, cohabitent constamment. Cercles, diagonales, lignes parfaites ne cessent d’être formées par les interprètes, puis déformées par l’un qui marche à contre sens, ou l’autre qui s’échappe du groupe. Et quand l’ensemble reste homogène, la forte personnalité des danseurs et danseuses continue de s’exprimer pleinement. Quant à la danse elle-même, elle est aussi faite de contrastes. Mouvements lents ou rapides, pliés encrés dans le sol ou portés aériens ne cessent d’alterner.

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Enfin, ce qui marque dans cette pièce, outre le talent presque pictural de la chorégraphe pour occuper l’espace scénique de formes abstraites et mouvantes, est la musicalité des corps. Les cordes de la harpe comme les basses de Nicolas Bernier semblent, à de nombreuses reprises, littéralement les animer. Qu’Évelyne Grégoire-Rousseau ou le compositeur aient participé à la création n’y est sans doute pas étranger. La chorégraphe ne déclare-t-elle d’ailleurs pas que leur présence en studio “a été suffisante pour laisser une empreinte vraiment marquée dans le corps des danseurs” ?

La danse traverse puissamment mes sens. Elle est fuite et imagination. Elle est un état à la fois optimiste et dément. Elle agit telle une réponse au silence. Elle sème le désordre. Et je reconstruis à partir de ce désordre.” Entre humour et tendresse, passé et présent, harmonie et chaos, c’est à un bien séduisant voyage que Danièle Desnoyers et ses excellents interprètes convient le public du Théâtre de Chaillot.

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers

 

Paradoxe Mélodie de Danièle Desnoyers au Théâtre National de Chaillot. Chorégraphie de Danièle Desnoyers. Direction des répétitions : Sophie Corriveau assistée d’Emmanuelle Bourassa Beaudoin. Musique de Nicolas Bernier. Lumières de Marc Parent. Costumes de Denis Lavoie. Maquillages d’Angelo Barsetti. Créé et interprété par Tal Adler, Karina Champoux, Molly Johnson, Jason Martin, Brice Noeser, Pierre-Marc Ouellette, Nicolas Patry, Clémentine Schindler, Anne Thériault, Élise Vanderborght et Évelyne Grégoire-Rousseau (harpiste). Jeudi 28 mai 2015.

 

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