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Abou Lagraa – Le Cantique des Cantiques

Pour sa nouvelle création, Abou Lagraa s’est attelé à une montagne : Le Cantique des Cantiques. Un texte biblique du IVe siècle avant JC, un long poème sur l’amour, le sexe, surtout la volonté de vivre en suivant ses désirs (pensée d’une incroyable modernité il y a encore moins de 100 ans en Europe). C’est un cri de liberté, une pensée féministe aussi. Une montagne, donc. Un peu trop élevée pour le chorégraphe ? Sa danse est ciselée et profonde. Mais le message se perd en chemin. Ou plutôt les messages. Abou Lagraa a voulu beaucoup en dire, trop peut-être. Finalement, le propos a du mal à se frayer un chemin.

Le Cantique des Cantiques - Abou Lagraa

Le Cantique des Cantiques – Abou Lagraa

Je ne me vois pas faire de la danse pour faire de la danse“, déclare Abou Lagraa. De fait, la pièce assume son identité féministe. Il y est souvent questions de femmes, de celles qui se mettent debout, qui résistent malgré la violence des hommes et du monde, qui se mettent face au vent pour vivre leur amour, même si l’amour reste pour elles un grand questionnement. Dans ces moments, l’espace scénique se fait sobre, laissant toute sa place aux interprètes et à une danse profonde. Certaines font penser aux femmes puissantes de Marie NDiaye. Elles assument leur désir, leur passion, contre tout. Même contre la violence d’un viol, scène quasiment insoutenable mais nécessaire, tant cet acte sert d’asservissement des femmes par les hommes. Et que c’est aussi contre ça que se lèvent ces héroïnes.

Le texte se fond ici à la chorégraphie. Mélanger texte et danse est souvent casse-gueule. Le Cantique des Cantiques a la chance d’être porté par deux comédiennes formidables, qui dansent également. La frontière entre elles et les danseurs-se-s ne est ténue, chacun-e se répond. Le texte est plus qu’une musique, il a parfois la place d’un danseur.

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Le Cantique des Cantiques d’Abou Lagraa

Curieusement, cet équilibre ne fonctionne plus lorsque les danseuses et actrices ne sont plus seules en scène. Le Cantique des Cantiques veut aussi montrer les rapports amoureux sous toutes ces coutures, les duos sont donc nombreux. Souvent, la danse y est violente (“mais l’amour, c’est violent“, souligne Abou Lagraa). Les danseurs ont souvent des gestes d’évitement, de fuite, quand les femmes regardent droit devant elles.

C’est dans ces moments-là que le propos se perd dans trop de choses. Déjà, sur scène, il y a trop de choses. Le texte est omniprésent, alors que la danse d’Abou Lagraa est assez forte pour dire beaucoup de choses (cela donne d’ailleurs la curieuse impression que le chorégraphe n’avait pas assez confiance en sa chorégraphie). Les vidéos en arrière-scène noient les danseurs et danseuses plutôt que de les mettre en valeur. Les idées semblent comme fuser avant de s’emmêler et retomber. Le final, diffusant la Convention européenne des Droits de l’Homme, laisse perplexe (pourquoi là ? pourquoi maintenant ?). Restent huit interprètent formidables et puissant-e-s, au plus près de leur histoire.

Le Cantique des cantiques d'Abou Lagraa

Le Cantique des cantiques d’Abou Lagraa

 

Le Cantique des Cantiques d’Abou Lagraa, mise en scène de Mikaël Serre, à la Maison de la Danse de Lyon avec le soutien de la Fondation BNP Paribas. Avec Pascal Beugré-Tellier, Ludovic Collura, Saül Dovin, Diane Fardoun, Charlotte Siepiora, Antonia Vitti, Maya Vignando et Gaïa Saitta. Mercredi 16 septembre 2015.

 

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