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Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn, un délicieux voyage coréen

Après Dancing Teen Teen et toujours dans le cadre de l’Année France-Corée, le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne à Paris présentent Dancing Grandmothers. Autre volet de la trilogie voulue par l’excentrique Eun-Me Ahn (Dancing Middle-Aged Men suivra à la Maison des Arts de Créteil), la pièce met en scène, aux côtés des danseurs et danseuses, une douzaine de fringantes personnes âgées, dont un seul homme. Et c’est une réussite !

Dancing Grandmothers d'Eun-Me Ahn

Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn

Tout commence en 2010 quand Eun-Me Ahn, qui n’a jusqu’alors jamais travaillé avec des amateurs, décide de parcourir les provinces coréennes à la rencontre de femmes âgées, paysannes pour la plupart. Accompagnée de quatre complices et dotée de trois caméras, elle les invite à danser et capte leurs gestes spontanés. Entre joie de se mouvoir et rudesse de leur condition, “les corps ridés de ces grand-mères étaient comme un livre où aurait été consignées des vies vécues depuis plus d’un siècle.” La chorégraphe raconte encore : “À chaque rencontre avec l’une d’elles, nous regardions l’histoire de la Corée moderne qui s’incarnait dans son corps.” C’est ainsi que nait Dancing Grandmothers, inspiré à Eun-Me Ahn et ses interprètes par ces courts films et entrevues. Et c’est ainsi que naitront par la suite, sur le même modèle, les deux autres volets de la trilogie, consacrés aux adolescents et hommes mûrs.

Sur le plateau, c’est d’abord Eun-Me Ahn, vêtue d’un costume traditionnel coloré, qui danse seule. Sa fine gestuelle semble s’échapper de temps anciens. Rejointe par danseurs et danseuses, elle entame avec eux une marche où chacun suit son propre chemin, puis disparait. Tous continuent, après son départ, de trottiner gaiement. Malgré les dos courbés, les bras tombants, leurs pas paraissent légers sur une réjouissante musique répétitive. La danse alors se déploie, de plus en plus alerte, énergique. La marche devient course, les interprètes s’envolent ou se jettent à terre, comme s’ils rajeunissaient, remontaient sous nos yeux le cours de leur histoire. Et c’est bien l’histoire de la Corée, faite d’occupation, de guerre et de dictature militaire qu’on voit poindre ça et là dans les corps. Notamment lorsque tous convulsent frénétiquement au sol.

Dancing Grandmothers d'Eun-Me Ahn

Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn

Puis ils quittent la scène et vient le temps d’un film, projeté en silence. De charmantes femmes, âgées de 60 à 90 ans, dansent espiègles ou timides. De champs en boutiques,  de salons de coiffure en gares, leurs gestes attendrissants  et la réaction parfois drôle de ceux qui les regardent se ressemblent étrangement. Une fois l’écran éteint, danseurs, danseuses, grand-mères et grand-père se rejoignent sur le plateau, pour de tendres danses de couples, de joyeux déhanchements, ou un énorme fou rire. Avant, sous des boules à facettes, d’inviter le public à prendre part à la fête.

Tout d’ailleurs, dans ce spectacle est une fête et une invitation au partage. Eun-Me Ahn et ses interprètes semblent avoir été particulièrement inspirés par les vies, les danses et la vitalité de ces femmes modestes, qui ont connu les vifs tourments de l’histoire coréenne avant la démocratie et l’embellie économique. Tous et toutes l’incarnent avec force et talent sur scène. La chorégraphie est bien plus aboutie que celle de Dancing Teen Teen, et danseurs et danseuses s’en emparent avec aisance et même brio pour certain(e)s d’entre eux. À voir défiler les paysages sur l’écran et le sourire de ces dames, l’accueil chaleureux que l’équipe au complet réserve au public pour un moment dansé sur la plateau, on irait volontiers découvrir un peu mieux le pays du matin calme. Dont Eun-Me Ahn est une bien belle ambassadrice.

Dancing Grandmothers d'Eun-Me Ahn

Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn

 

Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn au Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’Automne à Paris et de l’Année France-Corée. Chorégraphie, mise en scène, scénographie et costumes d’Eun-Me Ahn. Musique de Younggyu Jang. Conseil artistique, Chun Wooyong. Lumière de Jang Jinyoung. Vidéo de Tae Suk Lee. Costumes et décors, Yunkwan Design. Avec Eun-Me Ahn, Hyung-Kyun Ko, Nam Hyun Woo, Youngmin Jung, Si Han Park, Hyekyoung Kim, Jihye Ha, Hyo Sub Bae, Ee Sul Lee, Ki Bum Kim, Moon Seok Choi. Les grand-mères Mi Sook Lee, Lee Sub Shin, Mi-Kyoung Lee, SunDeok Kim, Chang-Nang Ahn, Jung Hee Yoon, Hee Seok Choi, Dal Wha Chung, Kung Nim Jang, Myunghee Lee, Hong Bun Son. Et le grand-père Sang Won An. Dimanche 27 septembre 2015.

 

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