TOP

Constanza Macras allume le feu à Berlin

La capitale allemande est un carrefour de la création pénétrante, d’où émane un vivier  de chorégraphes contemporains et de collectifs qui ne cessent d’explorer, d’expérimenter. Si l’emblématique Sasha Waltz ne s’est plus satisfaite des subventions berlinoises et a pris le nord (bon vent !), Constanza Macras tire son épingle du jeu en n’abandonnant pas Berlin. La chorégraphe argentine, aussi prolifique que loquace (mais loin d’être intelligible), habite à Berlin depuis 1995 où elle a fondé ses compagnies tamagotchi Y2K (1997) et DorkyPark (2003). Elle scrute les comportements sociétaux, dégage l’essence des émotions humaines sans jamais tomber dans le trop plein de bons sentiments. Sa nouvelle pièce On Fire est le résultat d’un long travail d’artistes à résidence entre Berlin et Johannesburg, débuté en 2014.

on fire_macras© John Hogg AugustinPR

On Fire – Emil Bordás en sissone attitude

À la recherche perpétuelle de nouvelles aventures, Constanza Macras sillonne la planète pour créer des pièces foisonnantes, parsemées de virevoltants Roms (Open For Everything) ou d’acrobatiques Chinois (The Ghosts). Ses missions ont été jusqu’à présent diverses et variées : tâter le pouls des métropoles (The Past), explorer la mémoire d’un peuple (Open For Everything), tester un environnement inconnu (Forest: The Nature Of Crisis), dénoncer l’indifférence d’une société (The Ghosts)…

On Fire (co-production du Maxim Gorki Theater et du Dance Umbrella de Johannesburg) livre leurs réflexions sur le genre et les traditions d’un pays encore trop méconnu. Comment les mœurs et coutumes sud-africaines ont-elles été influencées par le christianisme ou par des croyances ancestrales ? Comment ont-elles évolué, de l’époque coloniale à l’ère post-apartheid ? Entre danses zoulou et gumboot (danse percussive qui se pratique en bottes en caoutchouc et véritable mode de communication non verbal : par exemple, deux claques sur la cuisse signifie “Le patron arrive !“), entre danses contemporaine et hip hop, entre popping et waving, Constanza Macras concentre sa pièce essentiellement sur la danse. Ironique, elle va même jusqu’à laisser ses danseur-se-s s’évader sur des airs d’opéra, à faire des sissones et des pirouettes… assez ridicules.

Pour orienter son propos, la chorégraphe, qui aime mélanger les arts dans ses créations, ne déroge pas à la règle et s’inspire des clichés de l’Afro-américaine Ayana V. Jackson. Cette photographe immortalise les stéréotypes historiques avec finesse. Tout en métaphore, Constanza Macras fait poser ses protagonistes devant le public /objectif. Photo d’un instant, d’une époque révolue ? Les danseur-se-s transfigurent leurs pensées énigmatiques en mouvements, accents, inflexions non-identifiés. D’une tonicité extrême, ils-elles se contorsionnent, chutent puis s’enlacent… Une scène de surexcitation générale fait place à une bataille interprétée au ralenti. Les visages se déforment, les corps se déconstruisent, jamais le mouvement ne s’arrête. La chorégraphe laisse tourbillonner sa troupe dans des costumes chamarrés : académique léopard, robe de soirée, short de tennisman, costumes qui feraient rougir les sapeurs congolais, etc.

on fire_macras© John Hogg AugustinPR_2

On Fire est finalement une savoureuse satire qui se joue des clichés avec éloquence et humour. Ainsi, l’actrice Fernanda Farah (omniprésente !) proclame sans équivoque : “Je ressemble à une blanche mais je n’en suis pas une !” Il est évident que la confrontation entre Sud-Africains blancs et noirs demeure cependant problématique. Constanza Macras tente de refléter cette réalité à travers de nombreux textes (en anglais !). On Fire, dont la première a eu lieu en février dernier à Johannesburg, regorge d’allusions et de références que le public européen, en grande partie, ne peut malheureusement comprendre. Et les tableaux fusent, entre vidéos écœurantes et chorégraphies un peu envahissantes : trop de vélocité nuit à l’analyse du sujet. C’est captivant, intrigant, mais le public se perd dans ce brouhaha aussi verbal que corporel.

 

On Fire de Constanza Macras / DorkyPark, en collaboration avec Ayana V. Jackson et Dean Hutton (artistes visuels), et Carmen Mehnert (dramaturgie) au Maxim Gorki Theater de Berlin. Avec Louis Becker, Emil Bordás, Lucky Kele, Jelena Kuljić, Fernanda Farah, Diile Lebeko, Mandla Mathonsi, Thulani Mgidi, Melusi Mkhwanjana, Felix Saalmann, Fana Tshabalala et John Sithole. Mardi 29 septembre 2015.

En reprise, vendredi 22 et samedi 23 janvier 2016 à Berlin, au Thalia Theater de Hambourg le mardi 26 janvier 2016.

 

Poster un commentaire