TOP

American Ballet Theatre : Mark Morris, Frederick Ashton et Twyla Tharp ouvrent la saison d’automne à New York

Chaque année, il faut attendre l’automne pour que la compagnie de l’American Ballet Theater reprenne ses droits. La longue saison de printemps dans l’immense salle du Metropolitan Opera est en fait un festival où alternent les grands ballets du XIXe siècle portés par des stars internationales. La quinzaine automnale qui a débuté le 21 octobre dans le théâtre d’à côté, le David H Koch Theater où se produit habituellement le New York City Ballet, redonne ses droits à une troupe, à ses personnalités et à un répertoire d’une richesse inouïe. 

After You-Arron Scott, Stella Abrera et Calvin Royal III

After You – Arron Scott, Stella Abrera et Calvin Royal III

Avec plus de 450 œuvres créées depuis 1940, l’ABT n’a en effet que l’embarras du choix pour composer cette saison. Le gala d’ouverture proposait trois pièces : une reprise de The Brahms-Haydn Variations,  une oeuvre chorégraphiée  par Twyla Tharp en 2000, une entrée au répertoire de Monotones I et II de Frederick Ashton de 1965 et une création de Mark Morris, After You.

Paradoxalement, c’est cette dernière qui paraît la plus datée. Le chorégraphe américain, qui a déjà composé deux pièces pour l’ABT, a habitué le public à des partis pris plus radicaux. After You, sur la musique du compositeur autrichien Johann Hummel, élève de Mozart, met sur scène douze danseurs et danseuses dans une série d’ensembles, de solos, de pas de deux ou de trois. Le tout est assemblé comme une longue phrase qui suit les trois mouvements de la symphonie de chambre d’Hummel intitulée “Militaire”.

After You- Gillian Murphy et Sterling Baca.

After You– Gillian Murphy et Sterling Baca.

Cela va très vite. Mark Morris refuse toute virtuosité et tout effet de style : peu d‘ampleur dans les sauts, pas de portés périlleux, aucune star sur le plateau. Le chorégraphe maitrise le vocabulaire du ballet classique et donne à voir avec la troupe de l’ABT de belles arabesques et des tours parfaits. Il y a un grand plaisir à voir la compagnie dans ce qui semble davantage un exercice qu’un ballet réellement abouti. Les costumes d’Isaac Mizrahi qui opte pour des ensembles unisexes et les lumières délicates de Michael Chybowski contribuent à faire d’After You une pièce élégante, fort plaisante à regarder mais au bout du compte insignifiante. Cette conversation entre les danseurs et les danseuses ne débute jamais. Le titre After You donne la clef du ballet où les danseurs  et les danseuses, quel que soit leur rang dans la compagnie, refusent de se voler la politesse : chacun-e son tour d’être sur scène ! Du moins partage-t-on leur enthousiasme à montrer leur incontestable savoir-faire et leur technique sans failles.

C’est une toute autre dimension artistique qui est proposée avec Monotones I et II de Frederick Ashton. Cette œuvre, créée en 1965 et 1966 pour le Royal Ballet s’appuie sur les Gnossiennes et les Gymnopédies d’Erik Satie dans leurs versions orchestrées. Elles sont en fait deux pas de trois distincts. Le premier met sur scène deux danseuses et un danseur, mais les costumes sont là pour asexuer ce trio. Tous portent un justaucorps et un bonnet en tout point identiques, qui les fait ressembler à des personnages sortis d’un film d’anticipation des années 1960.

Montones I and II- Isabella Boylston, Joseph Gorak et Stella Abrera

Montones I and II – Isabella Boylston, Joseph Gorak et Stella Abrera

L’atmosphère créée par la musique répétitive d’Erik Satie induit une forme de mystère permanent. C’est presque comme une énigme à résoudre avec un tempo toujours lent qui donne tout le loisir aux interprètes de détailler leurs mouvements : tantôt en commun, tantôt se manipulant l’un l’autre. Stella Abrera, Isabella Boylston et Joseph Gorak sont à l’unisson, maitrisant parfaitement le style de Frederick Ashton empreint d’une infinie délicatesseMême réussite pour le deuxième trio composé cette fois d’une danseuse, Veronika Part, et des deux danseurs Thomas Forster et Cory Stearns

Ce répertoire éloigné de ses œuvres narratives montre avec bonheur l’étendue du génie de Frederick Ashton : il n’a rien à envier à George Balanchine dans sa maitrise de l’espace, sa gestion des symétries et des asymétries et l’enrichissement qu’il propose de la grammaire du ballet classique. Il y a dans Monotones I et II l’utilisation d’hyper extensions qui paraissent aujourd’hui encore d’une infinie modernité.

The Brahms-Haydn Variations- Gillian Murhy et James Whiteside.

The Brahms-Haydn Variations – Gillian Murhy et James Whiteside.

Tout comme Frederick Ashton, Twyla Tharp a une histoire déjà longue avec l’ABT pour lequel elle a créé plus de 15 pièces. The Brahms-Haydn Variations fut composé  en 2000 pour 30 danseurs. C’est une pièce joyeuse dans un style en parfaite cohésion avec l’univers de Twyla Tharp. Elle est l’un des rares chorégraphes à avoir mélangé avec talent différents styles : classique, jazz ou même danses de rue avec une exigence de virtuosité parfaitement exécutée par la troupe de l’ABT.

Twyla Tharp sait comment articuler habilement  un ensemble de 30 danseurs et danseuses et ne nous laisse jamais souffler. Où porter le regard quand l’action est ici et là, au centre et sur les côtés. Le mot énergie, si souvent galvaudé, convient ici parfaitement. le public ne sait plus où donner de la tête, quel danseur ou  quelle danseuse distinguer. Gillian Murphy et James Whiteside semblent s’amuser follement dans un pas de deux où ils jouent constamment au chat et à la souris. On ne pouvait rêver final plus festif pour ce début de saison qui montre une compagnie à son meilleur niveau et qui a encore beaucoup à offrir.

 

Gala d’ouverture de la saison d’automne de l’American ballet Theatre au David H Koch Theater. After You de Mark Morris, avec Stella Abrera, Joo Won Ahn, Sterling Baca, Gemma Bond, Skylar Brandt, Jeffrey Cirio, Catherine Hurlin, Gillian Murphy, Calvin Royal III, Craig Salstein, Arron Scott et Devon Teuscher ; Monotone I and II de Frederick Ashton, avec Stella Abrera, Isabella Boylston, Joseph Gorak, Veronika Part, Thomas Forster et Cory Stearns ; The Brahms-Haydn Variations de Twyla Tharp avec Isabella Boylston, Maria Kochetkova, Gillian Murphy, Sterling Baca, Herman Cornejo, James Whiteside, Christine Shevchenko, Sarah Lane, Joseph Gorak et Daniil Simkin. Mercredi 21 octobre 2015.

 

Poster un commentaire