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Le Temps d’Aimer la Danse 2016 – Relecture réjouissante des Forains

Lundi 12 septembre. Le soleil brille sur Biarritz et le festival Le Temps d’Aimer la Danse, le thermomètre flirte avec les 35 degrés. Malgré la rentrée passée, il souffle comme un vent de vacances sur la ville. Les plages sont bondées, le jardin public aussi. À la pause-déjeuner, la compagnie Rêvolution d’Anthony Égéa donne un avant-goût de sa pièce Les Forains, ballet urbain, à voir dans son intégralité le soir-même. La journée se place donc sous le signe de cette relecture du célèbre ballet de Roland Petit.

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Sur scène, ils sont sept danseurs et une danseuse, tenue de travail à cool, mais concentré.e.s sur scène. Sous l’oeil d’Anthony Égéa, les huit interprètes répètent quelques placements, se chauffent, avant d’enchaîner quelques extraits. La musique de Henri Sauguet retentit, parfois dans sa version originale, parfois complètement remixée. Les danseur.se.s sont aussi bien dans des ensembles 100 % hip hop que dans le clin d’oeil, comme cette ré-interprétation des Siamois. Voilà qui intrigue en attendant le spectacle.

Les gagnant.e.s du concours (Re)Connaissance ont toujours le droit à une soirée au Temps d’Aimer la Danse. Cette édition 2016 au Colisée laisse songeur.se, tant les deux artistes primé.e.s, Lucie Eidenbenz et Roy Assaf, sont différent.e.s. Elle est une jeune chorégraphe suisse, lui un chorégraphe israélien déjà reconnu dans le milieu. Avec deux autres danseuses, Lucie Eidenbenz présente Tschägg, racontant son périple dans une vallée reculée de Suisse, où les habitant.e.s se déguisent en sauvage à chaque carnaval et enfilent des masques étonnants. Plus proche d’une pièce de théâtre que de la danse, Tschägg vient d’une démarche personnelle, mais n’arrive pas à dépasser le stade de l’anecdotique. La Colline de Roy Assaf est d’une toute autre ampleur. Sur scène, trois jeunes danseurs bien dans leur époque évoluent sur une musique militaire israélienne des années 1970. Leurs gestes soudés mêlés à cette musique d’un autre temps donne une ambiance parfois absurde, parfois tendue. Ou tout le paradoxe d’une jeunesse embarquée dans un conflit qui la dépasse. La danse est d’une grande justesse, profonde, virtuose et sachant aller à l’essentiel.

La Colline de Roy Assaf

La Colline de Roy Assaf

Retour enfin au ballet Les Forains, ballet urbain d’Anthony Égéa, au Casino. Les Forains de Roland Petit racontait une journée d’une pauvre troupe d’acrobates. Clows, danseuse, magiciens… Ils amusent le public, mais ne reçoivent pas la moindre petite pièce quand le rideau tombe, et repartent dans un autre village. Pas de place publique ici, plutôt un salon chic. Et les saltimbanques sont les grooms qui, voyant la salle vide, s’empressent d’en prendre possession et de créer tout un univers poétique et drôle. Le maître de cérémonie – l’épatant Frank2Louise – est le maître d’hôtel, très vite transformée en DJ et pierre angulaire de cette relecture. C’est lui qui insuffle le tempo, lançant la musique soit dans sa version originale, soit en la remixant – et d’une façon géniale. Des passages de groupe, souvent liés à la musique remixée, ponctuent les différents solos et apportent un rythme propre à cette relecture.

L’acrobate, la poupée, les siamois, le magicien… Tous les personnages sont là, les deux pieds plantés dans la culture hip hop du XXI siècle, avec pourtant toujours un clin d’oeil à leurs prédécesseurs inventé.e.s par Roland Petit. Tout est réinventé, mais pourtant tout est là. On retrouve la poésie, la drôlerie, le brio d’une virtuosité qui aime et assume d’en mettre plein la vue, aussi une émotion qui serre le coeur sur les quelques notes de la chanson d’Edith Piaf. Tant pis alors pour les quelques longueurs. Dommage aussi que la danse féminine ne soit pas plus développée. La seule danseuse ne prend jamais le rôle de leader. Dans la vision de Loïe Fuller, elle semble être manipulée par les hommes quand elle devrait être la reine (même s’il s’agit peut-être plus ici d’une timidité de l’interprète). Et sa Poupée, un peu plus tard, ne fait que répondre aux injonctions de son maître.

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Les Forains, ballet urbain d’Anthony Égéa

Tant pis donc, parce qu’Anthony Égéa a décidément tout bon. Avec son propre langage, il arrive à relire à sa façon un ballet mythique du répertoire français, à en faire quelque chose de nouveau, tout en laissant toujours planer sur scène des souvenirs de la version originale. Une réussite.

 

Le Temps d’Aimer la Danse à Biarritz. Tschägg de Lucie Eidenbenz, avec Lucie Eidenbenz, Hélène Rocheteau, Margarita Kennedy et des habitants de Biarritz ; La Colline de Roy Assaf, avec Igal Furman, Avshalom Latucha et Roy Assaf ; Les Forains, ballet urbain d’Anthony Égéa, avec Sofiane Benkamla, Antoine Bouiges, Simon Dimouro, Manuel Guillaud, Jérôme Luca, Amel Sinapayen, Maxim Thach et Aurélien Vaudrey. Lundi 12 septembre 2016. Le Temps d’Aimer la Danse continue à Biarritz jusqu’au 18 septembre.

 

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