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Tao Dance Theater – 6 et 7

Le chorégraphe chinois Tao Ye n’est pas un genre à céder aux sirènes des tendances du moment. Ses pièces ne cherchent pas à plaire, mais à expérimenter. Il ne s’embarrasse pas de titre d’ailleurs pour ses chorégraphies, mais leur donne des numéros. Le Tao Dance Theater de passage au Théâtre de la Ville a ainsi présenté ses deux dernières créations, 6 et 7. Une même phrase chorégraphique mais des ambiances résolument opposées : noir et sombre pour la première, blanche et pure pour la deuxième. Quelque chose du  Yīn et du Yang où se mêle la transe de ses interprètes. 

6

6 – Tao Dance Theater

Que ce soit pour 6 et 7, le principe est le même. Ambiance minimaliste : décor noir et costume noir pour la première pièce, décor blanc et costume blanc pour la seconde. Tao Ye ne s’embarrasse pas du dispensable. Les six interprètes sont en ligne, dos au public. Les pieds sont solidement ancrés au sol, ne s’y détachant quasiment jamais si ce n’est parfois pour une demi-pointe. Le geste part d’abord du bassin, pour se ployer en avant, sur les côtés, les genoux pliés. Puis le point de gravité se divise en deux pour se poser aussi au milieu du dos. La même phrase chorégraphique se répète, avec quelques infimes variantes et au fur et à mesure des reprises. Les corps semblent comme sans os, pouvant se plier et se déplier inlassablement, avec une force puisée dans le sol où sont ancrés les pieds. Pas d’émotion sur le visage, pas de climax. L’interprétation réside dans la concentration ultime du geste et de l’énergie du groupe montant en puissance petit à petit.

6, ce sont les ténèbres. La musique est lourde, puissante, marquant lourdement chaque temps. Les danseurs et danseuses en noir ne se laissent voir que par intermittence par une lumière obscure, d’autant plus mangée par le décor sombre. La blancheur de 7 n’en est que plus aveuglante (des cris de surprise émanent ainsi de la salle quand la chorégraphie commence, même si le dispositif scénique n’est pas en soi impressionnant). Le geste en paraît d’autant plus fluide et tellurique. Ici, ce sont les artistes qui produisent leur musique : des micros suspendus amplifient les plus petits gestes des corps, avant que les danseurs et danseuses se ne mettent à chanter, ou plutôt à psalmodier d’une voix rauque. La danse se transforme en transe, et 6, dure et angoissante, apparaît comme sa préparation nécessaire.

7 - Tao Dance Theater

7 – Tao Dance Theater

Le travail du Tao Dance Theater est définitivement plus dans la recherche du corps, la recherche du geste, que de l’émotion. Ceci-dit, l’émotion peut naître de cette recherche, quand elle est comme ici poussée à son extrême. On est plutôt dans une sorte de séance hypnotique, même si les artistes sont complètement dans leur monde, se souciant peu de qui est en face d’eux.elles (les quelques fauteuils qui ont claqué bruyamment n’ont pas fait sourciller l’un des six interprètes). À chacun.e ou non de se laisser emporter par ce travail de recherche dénué d’émotion. Mais la danse tranchante, sans concessions et très personnelle de Tao Ye, tout comme la puissance de ses interprètes, laisse admiratif.ve.

6 - Tao Dance Theater

6 – Tao Dance Theater

 

6 et 7 de Tao Ye par le Tao Dance Theater au Théâtre de la Ville. Avec Fu Liwei, Mao Xue, Li Shunjie, Yu Jinying, Ming Da, Huang Li et Hu Jing (uniquement sur 7). Mercredi 11 novembre 2015 (à voir jusqu’au 14 novembre, puis en tournée à Vernier et à Châlons-en-Champagne en novembre). 

 

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