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Le grand Gala de Jérôme Bel

Ils.elles sont jeunes ou vieux.ielles, petit.e.s ou grand.e.s, gros.se.s ou maigres, valides ou handicapé.e.s, professionnel.le.s ou amateur.rice.s, agiles ou malhabiles. Leurs couleurs de peaux sont bigarrées, comme les costumes joyeusement kitch et dépareillés qu’ils.elles arborent. Jérôme Bel les a réuni.e.s pour célébrer la danse dans une pièce bien nommée Gala, présentée au Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’Automne. Et c’est une formidable réussite !

Gala de Jérôme Bel

Gala de Jérôme Bel

Tout commence quand Jeanne Balibar propose à Jérôme Bel d’animer des Ateliers danse et voix en Seine-Saint-Denis. Le chorégraphe n’a jamais enseigné mais n’ignore pas pour autant le travail avec des amateur.rice.s. En effet, il a mis en scène dans Disabled Theater une troupe d’handicapé.e.s mentaux.ales, et dans Cour d’Honneur d’ancien.ne.s spectateur.trice.s du Festival d’Avignon. Il tente l’expérience et la trouve finalement si riche qu’il décide de la poursuivre sur scène. C’est ainsi que naît Gala, qu’il crée en mai 2015 à Bruxelles.

Poursuivant sa recherche sur les codes du spectacle vivant, pour mieux les déconstruire, Jérôme Bel donne à voir dans ce spectacle 16 amateur.rice.s et 3 danseur.se.s professionnel.le.s, tou.te.s logé.e.s à la même enseigne. Dans une première partie, chacun.e réalise à son tour une pirouette, un grand jeté, une valse, un moonwalk… Autant de mouvements que les pros exécutent avec aisance et facilité tandis que les non pros, manquant du bagage technique nécessaire, ne font que ce qu’il.elle.s peuvent… Ce qui s’avère être beaucoup. Qu’il.elle.s osent avec tant de naturel et de joie se montrer, s’offrir au public, vulnérables, ne sachant pas, touche et force l’admiration. Des personnalités, toutes attachantes s’esquissent : l’une a l’entrain communicatif, l’autre a l’air d’un clown pressé et dégingandé,  une troisième semble plus timide… Et si l’on rit, ce n’est pas d’eux.elles mais avec eux.elles.

Gala de Jérôme Bel

Gala de Jérôme Bel

La deuxième partie du spectacle réunit les 19 interprètes. Alors que l’un.e d’entre eux.elles réalise une chorégraphie qui lui ressemble, une danse sur mesure, la joyeuse compagnie essaie, derrière lui.elle, de l’imiter. Les rires fusent quand l’un des professionnels perd malicieusement sa troupe dans de virtuoses figures hip hop. L’émotion affleure quand tous et toutes courent à en perdre haleine après une fillette, et plus encore lorsqu’il.elle.s exécutent une danse au sol, accompagnant ainsi une jeune femme descendue de son fauteuil roulant. L’étonnement pointe lorsqu’on remarque que finalement, les “vrai.e.s” danseur.se.s ne sont pas plus habiles que quiconque lorsqu’il s’agit d’imiter les gestes désordonnés d’amateur.rice.s ou ceux adroits d’une majorette. Puis enfin, dans un final digne de Broadway, ce bouquet varié d’interprètes se met à danser à tue-tête sur Liza Minnelli, leurs voix remplaçant les New York, New York par des Paris, Paris, touchant ainsi le public en plein cœur.

Impossible d’ailleurs d’évoquer cette représentation du 1er décembre sans parler du public, qui prit à part entière son rôle dans l’alchimie si particulière de cette soirée de Gala. Est-ce l’urgence de se sentir vivant.e.s, uni.e.s et réuni.e.s, tous et toutes ensemble ? Est-ce l’intelligence, la générosité de la proposition de Jérôme Bel ? Est-ce l’énergie, la joie palpable d’être sur scène de ses interprètes ? Sûrement un peu de tout cela… Toujours est-il que jamais je n’avais vu le Théâtre de la Ville vibrer à l’unisson avec autant de joie, s’exprimer avec autant de ferveur. C’est vrai, Il y a des jours comme ça où Paris est une fête !

Gala de Jérôme Bel

Gala de Jérôme Bel

Gala de Jérôme Bel au Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. De et par (en alternance) Taous Abbas, Cédric Andrieux, Sheila Atala, Michèle Bargues, Ryo Bel, Coralie Bernard, La Bourette, Vassia Chavaroche, Houda Daoudi, Raphaëlle Delaunay, Diola Djiba, Shadé Djiba, Nicole Dufaure, Chiara Gallerani, Nicolas Garsault, Lola Gianina, Stéphanie Gomes, Peggy Grelat-Dupont, Marie-Yolette Jura, Salvador Kamoun, Akira Lee, Aldo Lee, Françoise Legardinier, Jude Letullier-Grelat, Magali Saby, Marlène Saldana, Oliviane Sarazin, Frédéric Seguette, Simone Truong, Marceline Wegrowe et Shuntaro Yoshida. Mardi  1er décembre 2015. À voir au Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France le 5 décembre  2015 avant une tournée internationale en 2016.

Un extrait de Gala (30 mn) est donné au sein du Musée d’art moderne de la ville de Paris, le 10 décembre.

 

Commentaires (2)

  • Laetitia

    Ca avait l’air extraordinaire !! Merci Delphine pour cette chronique !

    J’ai vu la semaine dernière “Il n’est pas encore minuit” de la compagnie XY, et le spectacle se terminait par un très beau discours d’un des interprètes de la compagnie, sur ce que cela signifie aujourd’hui de créer “en compagnie”, sur les enjeux politiques de ce choix ; à la fin du discours, un proverbe en forme de devise “Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.” Ce spectacle n’avait évidemment rien à voir avec Jérôme Bel, mais il y a quelque chose de très beau je trouve dans la manière dont ces deux entreprises, aussi différentes soient-elles, entremêlent recherche artistique et volonté de construire une société plus solidaire et joyeuse.

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  • Delphine Baffour

    Merci Laetitia pour ton commentaire ! C’était en effet un moment rare qui restera longtemps gravé dans ma mémoire, et sûrement un des spectacles de l’année qui m’a le plus touchée. Je n’ai pas vu “Il n’est pas encore minuit” mais en ai lu de très bons retours. Nous avons en effet, aujourd’hui plus que jamais, besoin de ce genre de spectacles, mettant en scène l’entraide et l’acceptation joyeuse de l’autre dans toutes sa singularité !

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