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Dbddbb de Daniel Linehan

Le titre (à prononcer dibi-didi-bibi) sonne comme la poésie sonore des lettristes et sa joyeuse absurdité. Dans sa pièce dbddbb, le jeune chorégraphe américain Daniel Linehan, formé à New York et Bruxelles (auprès d’Anne Teresa de Keersmaeker), explore ces moments où la voix engendre le mouvement, où le mouvement se vocalise : cette belle euphorie d’un corps qui exulte son énergie en passant outre les conventions et les inhibitions. Créé en 2015 à l’Opéra de Lille, ce spectacle expérimental représenté au Centre Pompidou, dans le cadre de la programmation “Spectacles vivants” amuse et enthousiasme autant qu’il impressionne.

dbddbb - Daniel Linehan

dbddbb – Daniel Linehan

Dans des costumes comme à moitié cousus, à la fois masculins et féminins, les cinq jeunes interprètes (dont Daniel Linehan) scandent des sons empruntés à toutes les langues, sans jamais cesser de se déplacer. Leur voix est leur seule musique, ou plutôt leur seul rythme. dbddbb se veut aussi une recherche sur la marche, solitaire ou collective, et son lien à la parole – promenade rêveuse d’un.e marcheur.se laissé.e à soi-même, marche militaire, manifestation, parade festive… Les séquences se succèdent dans ce qui prend de plus en plus les allures d’une performance : la parfaite maîtrise des déplacements dans l’espace et un contrôle de la voix étonnant sont mis au service d’une apparente spontanéitédbddbb évoque les jeux d’un enfant fasciné par la découverte de son corps et du langage.

“Coro coro coro coro

Hanso hanso hanso hanso

Leevlo leevlo leevlo leevlo

Herra skella herra skella

Omni omni omni omni

Patsu patsu patsu patsu”

dbddbb - Daniel Linehan (en répétition)

dbddbb – Daniel Linehan (en répétition)

Peu à peu, les danseur.se.s s’individualisent, lancent pour le groupe nouveaux sons et mouvements, toujours aux frontières du sens : quand le simple bruit devient-il parole signifiante, le mouvement irréfléchi geste intentionnel ? Répétitives, les séquences se succèdent dans une circulation ininterrompue de la singularité individuelle à la création collective, à la singularité individuelle. Sous des baskets roses suspendues à une forêt de barres métalliques, décor aussi absurde que le sont les costumes ou cette chorégraphie visuelle et auditive, les interprètes créent de petits moments presque magiques. Entraînant le public à une complicité amusée mêlée d’admiration.

 

dbdddb de Daniel Linehan / Hiatus au Centre Pompidou. Avec Marcus Baldemar, Anneleen Keppens, Liz Kinoshita, Daniel Linehan et Víctor Pérez Armero. Samedi 16 janvier 2016. 

 

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