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Kiss me, Kate de Cole Porter

Les comédies musicales proposées par le Théâtre du Châtelet ont un seul mauvais aspect : à chaque nouvelle production, je dois me creuser la tête pour écrire une chronique originale ne réemployant pas toujours les mêmes termes tels que “Formiadable” ou “Troupe excellente et enthousiaste“. Car il faut bien le dire, les musicals made in Châtelet sont toujours, inlassablement, aussi savoureux. Kiss me, Kate de Cole Porter ne fait pas exception. Le spectacle, présenté en février, mélange une partition savoureuse, un scénario jouant habilement du théâtre dans le théâtre, une chorégraphie signée Nick Winston multipliant les clins d’oeil à l’âge d’or de Broadway et une troupe aussi enthousiaste qu’excellente… Damned, encore raté.

Kiss me, Kate

Kiss me, Kate

Créé en 1948, Kiss me, Kate est un hommage à William Shakespeare. Fred Graham s’apprête à mettre en scène La Mégère apprivoisée, version musical. Son actrice principale est son ex-femme (Lilli Vanessi), avec qui tout n’est pas encore fini. Même si elle s’apprête à se marier avec un ponte de Washington. Et que lui-mêem fait les yeux doux à la jeune première Lois Lane (rien à voir avec Superman) (ne faites pas l’étonné.e, vous y avez tous et toutes pensé), qui interprète dans la pièce de Shakespeare le rôle de Bianca. Lois Lane est elle-même amoureuse de Bill Calhoun, même s’il est un peu trop joueur, qui est aussi son prétendant dans la pièce.

Bref, tous les ingrédients sont là pour un quiproquo amoureux et théâtral. Car si l’action démarre dans les coulisses, elle va très vite sur scène, pour la première de cette Mégère apprivoisée. Forcément, les personnages vont un peu trop s’investir, et confondre la scène avec leur vraie vie. Ajoutez à ça deux mafieux qui se prennent d’amour pour le théâtre, des claquettes (forcément, Broadway !), une musique typiquement américaine en coulisse, inspirée des tarentelles italienne en scène. Le tout s’enchaîne à un rythme décapant, où tout bien sûr finira pour le mieux malgré quelques gifles et glissades sur un gâteau de mariage. Le théâtre dans le théâtre est finement amené, avec une mise en scène de Lee Blakeley qui joue avant tout sur l’efficacité. La frontière entre la vraie vie et la pièce est souvent mince, la trame passe sans cesse d’un côté à l’autre, ce qui accentue le comique de situation.

Kiss me, Kate

Kiss me, Kate

Fine aussi la frontière entre le premier et second degré sur le sexisme de la pièce. Que ce soit dans la trame de Kiss me, Kate ou de celle de La Mégère apprivoisée, il s’agit d’un regard sur la femme qui apparaît comme bien rétrograde à notre époque. Les acteurs et actrices accentuent le trait pour bien faire comprendre qu’ils se détachent de cette pensée, mais les choses pourraient être plus claires. Les comédies musicales des années 1950 correspondent à leur époque, elles sont souvent lourdes de clichés sexiste et ethniques. Et il est bon de prendre un peu plus de distance avec ces propos, même si l’humour en est le fondement.

Ces réticences ont bien du mal toutefois à venir à bout de l’immense plaisir (coupable ?) que procure Kiss me, Kate. la partition est merveilleuse, riche et remplie d’airs que l’on fredonne avec entrain (je vous mets au défi de ne pas reprendre en choeur Brush Up Your Shakespeare lors des derniers saluts). Les chorégraphies sont irrésistibles, si typiques là encore de l’époque avec ces accents jazzy, rappelant l’énergie de Jerome Robbins. La troupe, aussi excellente qu’enthousiaste (Damned, décidément), montre le haut niveau demandé aux artistes de Broadway, pouvant à la fois assurer une voix presque lyrique et des chorégraphies de haut niveau, tout en restant toujours très théâtrales. Un vrai plaisir, décidément.

Kiss me, Kate

Kiss me, Kate

 

Kiss me, Kate de Cole Porter (musique et chansons), Bella et Samuel Spewack (livret), Lee Blakeley (mise en scène) et Nick Winston (chorégraphie) au Théâtre du Châtelet. Avec Christine Buffle (Lilli Vanessi/Katharine), David Pittsinger (Fred Graham/Petruchio), Francesca Jackson (Lois Lane/Bianca), Alan Burkitt (Bill Calhoun/Lucentio), Jasmine Roy (Hattie), Fela Lufadeju (Paul), Martyn Ellis (Gunman 1),Daniel Robinson (Gunman 2), Jack Harrison-Cooper (Gremio), Thierry Picaut (Hortensio), Joe Sherridan (Harry Trevor/Baptista), Damian Thantrey (Ralph/Nathaniel), Franck Vincent (Stage Doorman/Haberdashe), Thomas Boutilier (Cab driver), Ryan-Lee Seager (Gregory), (Phillip), John Paval (Harrison Howell) et l’Orchestre de Chambre de Paris. Lundi 1er février 2016 (répétition générale), à voir jusqu’au 12 février

 

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