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Soirée Jeroen Verbruggen/Sidi Larbi Cherkaoui – Ballets de Monte-Carlo

Les Ballets de Monte-Carlo ont pour habitude d’étirer leur saison jusqu’au coeur de juillet. C’est encore le cas cette saison, avec un dernier programme proposant deux créations de deux chorégraphes habitués des lieux : Jeroen Verbruggen et Sidi Larbi Cherkaoui. Soit un jeune chorégraphe à l’imaginaire inventif et un créateur expérimenté. Cela s’est vu sur scène. Le premier s’est penché sur Le Sacre du printemps (oui, encore un) pour un ballet surprenant même si parfois brouillon. Le deuxième a déroulé son savoir-faire, pour un ensemble qui reste efficace mais n’en oublie pas pour autant la poésie. 

Massâcre de Jeroen Verbruggen – Ballets de Monte-Carlo

Que dire qui n’a pas déjà été dit sur Le Sacre du printemps ? Avec Massâcre, Jeroen Verbruggen n’essaye pas de proposer une énième relecture du mythe, mais de s’amuser un peu. Et cela commence par un excellent choix musical : la reprise de la partition de Stravinsky ré-arrangée versions jazz par Benjamin Magnin. Sur scène, quelques danseurs ambiance cabaret gentiment décadent rejouent la danse sombre et macabre, qui se finit forcément de façon tragique. Bienvenue dans le monde de la nuit, avec sa faune qui n’appartient qu’à lui, son ton un poil branchouille aussi, mais avec une sorte de vérité crue non dénuée d’humour, une façon de lâcher prise qui mêle la drôlerie au drame. Jeroen Verbruggen a l’art et la manière de dresser un univers (aussi bien dans sa danse que visuellement, dans les costumes et la scénographie), et de nous emmener le visiter par des portes dérobées. Le chorégraphe a les qualités et défauts de la jeunesse, à savoir pour les deuxièmes de ne pas savoir forcément (encore) mener un fil conducteur de bout en bout, et de nous perdre un peu en chemin. Massâcre a ainsi droit un ventre mou où l’on ne sait plus vraiment où l’on est. Mais Jeroen Verbruggen se rattrape par une pirouette sur la fin. Comment est choisi le sacrifié ? Est-ce que le groupe qui spontanément se lâche sur le plus faible, est-ce une sorte d’élection ? Et à quel moment, cette danse qui se voudrait légère et séductrice bascule-t-elle dans le drame de la mort ? La bascule se fait d’un coup, la pièce se teinte d’une ambiance sombre sans que l’on y prenne garde. 

Pas de tergiversation avec Sidi Larbi Cherkaoui. Le chorégraphe aux 20 ans de carrière – et dont cette création Memento Mori est sa troisième collaboration avec les Ballets de Monte-Carlo, sait comment monter une pièce, la tenir de bout en bout. Il sait ce qui fonctionne, et sait comment se servir de la superbe qualités de danse des interprètes de la troupe pour servir sa chorégraphie tout en spirales. Un Memento Mori en manque de surprise ? Le regard se fait certes moins intrigué que face à Massâcre. Mais le chorégraphe a la maîtrise pour lui, celle aussi de faire naître l’émotion avec peu de chose, la poésie avec un duo qui serre le coeur ou un ensemble qui fait son effet. Le sujet en soi est classique : se souvenir que l’on va mourir. Vivre sans oublier que tout a une fin. La danse ainsi ne s’arrête pas, la spirale des mouvements circule de danseurs à danseuses comme le temps qui passe. 

Memento Mori de Sidi Larbi Cherkaoui – Ballets de Monte-Carlo

Tout démarre pourtant un peu mal dans Memento Mori, entre une scène de groupe ambiance militaire aux gestes saccadés et une scénographie ambiance ovni des 80′ (vraiment, je n’ai pas trouvé d’autres expressions pour la décrire) que décidément ce n’est plus possible de voir. Puis tout devient plus coulant dans le geste, sans toutefois devenir lénifiant. Il y a dans la danse cette notion de lutte, sans agressivité, cette idée d’avancer malgré tout. Question musique, Sidi Larbi Cherkaoui mise encore sur la facilité-efficacité, à savoir la musique de Woodkid. Et difficile de faire mieux que le titre Iron pour retranscrire l’ambiance de la pièce, même si l’ensemble qui évolue sur cette musique joue plutôt sur la sobriété. La poésie naît d’un très beau duo sur I love you (ré-arrangé d’une façon bien plus sobre, qui sonne beaucoup moins pop) avant de retrouver le groupe. Mal commencée, la pièce finalement embarque, même si l’on peut reconnaître la facilité des moyens. Mais seul le résultat compte finalement. 

Memento Mori de Sidi Larbi Cherkaoui – Ballets de Monte-Carlo

 

Soirée Jeroen Verbruggen/Sidi Larbi Cherkaoui par les Ballets de Monte-Carlo à l’Opéra de Monaco. Massâcre de Jeroen Verbruggen, avec Taisha Barton-Rowledge, Anna Blackwell, Anissa Bruley, Marketa Pospìlovà, Anne-Laure Seillan, Kaori Tajima, Alessandra Tognoloni, Daniele Delvecchio, Isaac Lee-Baker, Francesco mariottini, Alexis Oliveira, Lennart Radtke, Benjamin Stone, Simone Tribuna et Christian Tworzyanski ; Memento Mori de Sidi Larbi Cherkaoui, avec April Ball, Candela Ebbesen, Liisa Hämäläinen, Mimoza Koike, Elena Marzano, Gaëlle Riou, Maude Sabourin, Katrin Schrader, Beatriz Uhalte, Edoardo Boriani, Stephan Bourgond, Edgar Castillo, Leart Duraki, Asier Edeso, Julien Guerin, Koen Havenith, Artjom Maksakov, Lucien Postlewaite et Alvaro Prieto. Mercredi 19 juillet 2017. 

 

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