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Mathias Heymann, un Corsaire français à l’American Ballet Theatre

Quel plaisir ! Un danseur français sur la scène du Metropolitan Opera pour la saison de printemps de l’American Ballet Theatre. Cela ne s’était pas vu depuis très longtemps, trop longtemps. L’ABT lorgnait jusque-là du côté de la Russie pour bâtir ses affiches, mais quelque chose semble avoir changé. Le soliste britannique du Mariinsky Xander Parish a inauguré la première semaine en abordant le rôle du berger Aminta dans le chef-d’œuvre de Frederick Ashton Sylvia. Puis c’est au tour de Mathias Heymann d’interpréter début juin le rôle-titre du Corsaire pour deux représentations. Et pas le moindre signe de trac dans sa danse. Mathias Heymann a été ovationné par le public qui découvrait un danseur, en espérant qu’il reviendra les saisons prochaines.

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Le Corsaire – Mathias Heymann et Gillian Murphy (saluts)

Le Palais Garnier accueillera fin juin Le Corsaire de l’English National Ballet, remontée par Anna-Marie Holmes. C’est cette même chorégraphe qui signe la production de l’ABT. Chorégraphié d’après la version d’origine de Marius Petipa, Le Corsaire est un ballet dont chaque balletomane connaît les variations. Les pas de deux ou de trois comptent parmi les plus célèbres du répertoire classique sans même avoir vu le ballet en entier : aucun gala digne de ce nom ne peut en effet se faire sans l’incontournable variation de l’esclave. Mais tout cela assemblé ne fait pas forcément un chef-d’œuvre. Marius Petipa a certes écrit des pièces magistrales, mais la musique empruntée à pas moins de cinq musiciens (Adolphe Adam, Cesare Pugni, Léo Delibes, Riccardo Drigo et Prince Oldenbourg) est souvent une épreuve pour l’oreille. Quant au livret de Jules-Henri de Saint-Georges et Joseph Mazilier, vaguement inspiré de Lord Byron, c’est un tissu d’invraisemblances sur fond de marché aux esclaves qui devrait en principe horrifier ceux et celles qui se scandalisent devant la Danse des Négrillons de La Bayadère. 

Mais Le Corsaire est truffé de morceaux de bravoure et c’est ce qui en fait le charme désuet. C’est de surcroît un ballet exigeant car il nécessite une palette de grands solistes. Danseur noble par excellence aux lignes d’un classicisme parfait, Conrad n’était pas forcément le rôle qui venait d’emblée à l’esprit dans le vaste répertoire de l’ABT pour Mathias Heymann, l’un des plus talentueux danseurs de la génération actuelle d’Étoiles françaises. D’autant qu’il ne fait pas partie de son répertoire habituel. Mais le danseur a montré un savoir-faire purement français que l’on voit assez peu à New York. Une danse d’une propreté absolue, sans la moindre scorie, une ampleur de sauts remarquable, des manèges étourdissants et une batterie étincelante. Ajoutez à cela cette élégance dans l’épaulement et ce raffinement du port de bras et vous aurez compris que Mathias Heymann a subjugué le public du Metropolitan Opera. Malgré un temps de répétition limité, le partenariat avec Gillian Murphy est optimal : pas la moindre tension perceptible lors des nombreux portés acrobatiques qui scandent le ballet. Il y a entre eux une belle osmose et une joie perceptible  de danser ensemble.

Gillian Murphy-Le Corsaire

Le Corsaire – Gillian Murphy

La distribution était dans son ensemble impeccable et brillante, et c’est déjà le gage d’une soirée réussie pour un ballet dont on n’attend rien d’autres qu’une succession pyrotechnique. Gillian Murphy, la partenaire de Mathias Heymann qui dansait Medora, est l’une des danseuses les plus expérimentées de l’ABT, elle vient d’ailleurs de fêter  sur scène ses 20 ans dans la compagnie. Idem pour Stella Abrera dans le rôle de Gulnare. Le sémillant Daniil Simkin avait une nouvelle fois endossé l’habit de l’esclave qui lui va à ravir. Aux côtés des ces trois Principals de l’ABT, deux beaux solistes complétaient la distribution : Aaron Scott (Birbanto, l’ami de Conrad) et Gabe Stone Shayer (Lankendem, le marchand d’esclaves).

L’acte deux est avant tout une suite de divertissements qui confine au concours de gala avec risque de surenchère. On y échappe à peine avec Daniil Simkin dans la sacro-sainte variation de l’esclave, qui n’est guère plus qu’un numéro de cirque. Certes, magnifiquement exécuté, mais c’est de la haute pyrotechnie sans grand enjeu artistique. La partie la plus intéressante reste le pas de trois entre Conrad, Medora et l’Esclave. Mathias Heymann, Gillian Murphy et Daniil Simkin sont à l’unisson pour délivrer une danse fluide, élégante et techniquement impeccable. Stella Abrera dans le rôle de Gulnare est peut-être celle par qui passe un peu d’émotion dans ce gros pavé coloré. Cette ballerine, qui fêtera elle aussi ses 20 ans dans la compagnie lors d’une représentation de La Belle au Bois Dormant le mois prochain, dégage une spiritualité dans chacun de ses pas. Il ne faudra pas la manquer dans le rôle d’Aurore lors de la tournée de l’ABT à Paris ! Dans celui plus  ingrat du marchand d’esclaves, Gabe Stone Shayer est excellent : à la fois virtuose dans ses variations et bon acteur comique tout au long du ballet. Enfin Aaron Scott donne une belle réplique à Mathias Heymann dans le rôle de l’ami de Conrad et du traitre.

Stella Abrera in Le Corsaire. Photo: Rosalie O'Connor.

Le Corsaire – Stella Abrera

Certain.e.s se souviennent sans doute du magnifique Jardin animé de la version d’Alexeï Ratmansky et Yuri Burlaka qui étaient allés puiser à la source de la création du ballet. Cet épisode de la version du Corsaire de l’ABT est bien terne et archi conventionnelle. Par chance, la danse infiniment musicale de Gillian Murphy évite de sombrer dans l’ennui. Elle incarne avec passion ce personnage rêvé, double éthéré de Medora. Gillian Murphy dansera Aurore à Paris avec Cory Stearns et c’est tant mieux.

 

Le Corsaire de  Konstantin Sergeyev d’après Marius Petipa par l’American ballet Theatre au Metropolitan Opera New York. Avec Mathias Heymann (Conrad), Gillian Murphy (Medora), Daniil Simkin (L’Esclave), Stella Abrera (Gulnare), Arron Scott (Birbanto) et Gabe Stone Shayer (Lankendem). Mercredi 1er juin 2016.

 

Commentaires (4)

  • Karine Guille

    Bonjour,
    Vous avez l’air d’avoir des infos sur les distributions de l’ABT pour septembre à Paris… Avez-vous des précisions ?
    Merci 🙂

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  • Joelle

    Mathis is the best! Mais ça on savait…. Il faut nous le renvoyer vite fat à Paris ! On en a besoin dans Giselle !!!!!!!!!!!!!!!

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  • Karine

    Merci Jean-Frédéric ! Si vous avez des infos n’hésitez pas !!! Je n’ai pas encore pris de billets mais venant de province je penche pour le 10/09 mais ça sera à l’aveugle sur les distri !

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