TOP

Hors Cadre de 3e Étage avec François Alu déchaîne le Théâtre Antoine

François Alu est la tête d’affiche du dernier spectacle de 3e Étage, écrit et chorégraphié par Samuel Murez qui dirige avec brio cette compagnie depuis 2004. Les deux artistes se connaissent bien, ils dansent l’un et l’autre à l’Opéra de Paris où Samuel Murez est Quadrille et François Alu Premier Danseur. C’est de cette connivence et de cette amitié qu’est né Hors Cadre imaginé par François Alu pour sortir,  le temps d’un spectacle,  des règles habituelles de l’institution et explorer ce qui se passe hors du cadre, avec l’envie chevillée au corps de partager sa joie d’être sur scène et son désir de danser avec un public qui lui est fidèle et ne cesse de s’élargir.

Hors Cadre de 3e Étage – François Alu

Il faut être culotté pour se produire dans un théâtre privé parisien et parvenir à le remplir jusqu’au fond des galeries pour deux soirées, sur son seul nom, sans même mettre en exergue le label “Opéra de Paris”. Peu de danseur.se.s pourraient en faire autant. Hors Cadre nous dit que François Alu a une tête qui fonctionne bien et dont il se sert. Cela suffit à le catégoriser “forte tête”. D’autres avant lui ont été taxé.e.s de rebelles, se sont sentis parfois bridé.e.s par la rigidité extrême de l’institution, choisissant de prendre la clef des champs pour rejoindre des cieux plus… étoilés ! François Alu continue lui à se produire sur la scène de l’Opéra de Paris où il brille en ce moment – sans jeux de mots ! – dans Joyaux (Rubis) de George Balanchine, y montrant une technique solide et un jeu fantastique. Ce sont ces qualités-là qu’il livre à foison dans Hors cadre, entouré de ses camarades du corps de Ballet Takeru Coste, Clémence Gross, Simon Le Borgne, Lydie Vareilhes et Hugo Vigliotti.

Et ça déménage à tous les étages sur la scène du Théâtre Antoine. D’entrée, l’on retrouve les gimmicks de 3e Étage : une scénographie sobre avec des lumières soignées, les costumes sombres et chemises blanches pour les danseurs, l’humour qui est comme un fil rouge du spectacle. Les tic-tac de l’horloge qui scandent le premier ensemble donne le ton de la soirée : s’amuser en nous faisant entrer dans l’arrière-cuisine d’une compagnie classique, de ses petites manies, voire de ses mesquineries, et de son extraordinaire discipline sans laquelle il n’y a pas d’excellence. Les danseur.se.s classiques sont souvent très autocentré.e.s, tant leur vie quotidienne est rythmée par la danse, de la classe matinale au soir de la représentation. Alors décentrons !

Hors Cadre de 3e Étage – Simon Le Borgne, François Alu, Takeru Coste, Clémence Gross, Hugo Vigliotti et Lydie Vareilhe

À travers Hors Cadre, nous voilà ainsi regardant par le trou de la serrure, “comptant de 1 à 8, jamais de 9, surtout jamais de 9″. La classe justement, ou les répétitions, la nécessaire émulation entre artistes plus ou moins bienveillante. Comme il sait le faire, Samuel Murez met en scène aussi bien des pas de deux que des pièces d’inspiration hip-hop. La troupe y excelle et passe d’un registre à l’autre avec facilité. Tout s’enchaine avec fluidité pour un spectacle qui compte quelques très grandes réussites. Une saynète à mourir de rire met ainsi en scène une chorégraphe, plus obsédée par le buzz et le “faire savoir” que  le savoir-faire. Au bout du compte, ce sont l’éclairagiste, l’ingénieur du son et le danseur qui feront le spectacle. On sent qu’il y a là comme la réminiscence d’un épisode vécu (toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé…). Autre moment alliant bravoure et drôlerie, un retour en arrière pour François Alu sur le concours de Premier Danseur. Et la fameuse cloche bien sûr, sans laquelle il ne pourrait y avoir de concours réussi. Et puis l’interprétation d’une variation de Don Quichotte. Exécution parfaite ! Puis une 2ème version baptisée “quatre fromages” où se multiplient les mauvaises réceptions, les à-peu-près, les trébuchements. C’est presque aussi bien que la première interprétation.

Cette séquence résume la lettre et l’esprit de Hors Cadre : montrer l’excellence, l’impossible recherche de perfection, le travail que cela exige, et puis s’en détacher pour ne pas en être prisonnier, apprendre à accepter ses faiblesses pour les corriger. C’est toute une petite histoire de la danse dans une compagnie classique à travers les regards de Samuel Murez que donne à voir Hors Cadre. Avec rigueur mais sans se prendre au sérieux. Samuel Murez sait chorégraphier. Il sait aussi écrire. Les dialogues sont savoureux, tour à tour  drôles ou poétiques.

Hors cadre de 3e Étage – François Alu et Lydie Vareilhes

Tous les interprètes sont excellents et François Alu, en chef de bande, est irrésistible de virtuosité et de générosité. Il conclut seul sur scène le spectacle avec Les Bourgeois de Ben Van Cauwenbergh sur la chanson de Jacques Brel. Pourquoi reprendre cette pièce de gala, usée jusqu’à la corde, pourrait-on s’interroger ? Mais François Alu la danse comme personne. Il en fait un petit moment de théâtre malicieux faisant presque paraître nouvelle cette chorégraphie. Il la mime, la parle, et bien sûr enchaine les sauts acrobatiques dont il n’est jamais avare. La balletosphère, toujours prompte à s’enflammer, s’inquiétait ces jours-ci quand la rumeur persistante disait que François Alu ne danserait pas Don Quichotte programmé à la fin de l’année. Bien sûr, tout le monde voudrait le revoir dans le rôle de Basilio qui est taillé pour lui, sa fougue et sa virtuosité. Mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour François Alu : il démontre avec Hors Cadre qu’il est dans une forme éclatante, qu’il regorge de talent et qu’il est un danseur avec lequel il faut compter. 

Hors cadre de 3e Étage -Lydie Vareilhes et Hugo Vigliotti

 

Hors Cadre de Samuel Murez par la compagnie 3e Étage au  Théâtre Antoine à Paris. Avec François Alu, Takeru Coste, Clémence Gross, Simon Le Borgne, Lydie Vareilhes et Hugo Vigliotti. Dimanche 8 octobre 2017. À revoir le samedi  14 octobre.

 

Commentaires (7)

  • Aude

    Est ce que l’on peut s’attendre a de nouvelles dates aux vues du succès de la 1ère representation et des bonnes critiques?

    Répondre
    • Jean-Frédéric Saumont

      Rien n’est annoncé pour le moment mais on peut penser que ce spectacle poursuivra sa route, se peaufinera, évoluera. Allez régulièrement sur le site de 3eme étage et ici sur danses avec la plume, nous vous informerons dès que nous en saurons davantage.

      Répondre
  • Jean Marc

    J’ai passé un merveilleux moment! Quelle belle surprise que ce spectacle drôle mais excellemment exécute. Tous les danseurs sont magnifiques et rappellent que la compagnie dispose de sacrés talents même dans les “bas” grades. Il faudrait les utiliser à bon escient …
    J’ai lu sur un forum que François Alu aurait préféré faire Play à Don Quichotte. C’est complètement faux ,après avoir discuté avec ce jeune homme à la sortie des artistes, et en plus il aurait été possible de combiner les 2 (la direction ne se gênant pas à d’autres moments de surdistribuer certains danseurs et leur faire passer du classique en contemporain en une seule journée).
    J’espère qu’il ne se découragera pas et aura la carrière qu’il mérite (car en plus de sa brillante technique, il propose à CHAQUE fois une interprétation
    riche et personnelle, ce qui est rare et impressionnant pour quelqu’un qui n’a même pas 24 ans)

    Répondre
  • Léa

    Un tel triomphe mérite en effet quelques dates supplémentaires, et, plus tard, un théâtre plus grand et surtout moins aléatoire en termes de visibilité. Saluons le travail minutieux et généreux de l’équipe qui a exploré tous les sièges ou presque pour offrir un système de billetterie très performant et honnête.

    Longue route à 3e étage, et surtout espérons que l’ONP donne le titre et surtout les rôles que mérite François Alu, forte tête ou pas. Je suis un peu déçue, je l’avoue, par les réactions pâlichones du public devant le scandale de la non-distribution d’Alu en Basilio, surtout si vous confirmez que ça n’est en rien un choix de sa part.

    Répondre
  • Audrey

    Pour ma part j’adore François Alu comme danseur et je suis la première à me désoler que le cadre strict de l’Opéra ne lui donne pas toute la visbilité qu’il mériterait. Et j’avais envie de voir un spectacle de 3e Etage depuis un bon moment déjà.

    Mais j’ai franchement été déçue/gênée.
    Je ne savais pas si je regardais spectacle de danseurs professionnels, un spectacle de fin d’année de collège, un manifeste contre le système et la direction du ballet de l’Opéra ou une séance d’idôlatrie (certes avec beaucoup de second degré) de François Alu.

    Les extraits de ballets de Murez sont en général très bien. J’ai été ravie de voir mis en valeur des danseurs comme Takeru Coste et Hugo Vigliotti que j’adore et qui sont également absurdement sous employés à l’Opéra.

    J’ai aussi globalement apprécié l’humour qui irradie tout le spectacle et le côté justement “hors cadre” (les commentaires sur les danseurs en temps réel, les interventions depuis les coulisses,…).
    Mais enfin les sketchs, franchement, quel bide! (particulièrement celui avec la chorégraphe) Un danseur peu être un bon interprète par sa danse : ça n’en fait pas un comédien capable d’interpréter un texte.

    Le côté “spectacle pour happy fews” m’a également posé problème :pour un néophyte qui ne connait pas les bruits de couloirs et les gue-guerres de l’Opéra, beaucoup de sous-entendus et de blagues devaient être particulièrement obscurs.

    Enfin, j’imagine que ça ne va pas améliorer la situation globale de François Alu à l’Opéra. C’est son choix me direz vous, mais quitte à bruler ses vaisseaux, et avec l’immense talent qui est le sien, autant le faire par et pour une vrai proposition artistique…

    Répondre
  • Léa

    Partagée en effet entre l’excellente soirée, le constat de tant de talent et de bon travail, et le sentiment d’avoir passé un moment “entre soi” où il était surtout question de poursuivre le bas de fer entre Alu et l’institution. Que restera-t-il de ce spectacle dans quelques mois? un esprit, quelques très beaux passages, de supers danseurs. Et une trace d’un épisode de la vie tumultueuse de l’Opéra dans ses grandes heures d’injustice, sujet qui ne préoccupe que les concernés et quelques passionnés (dont je suis, certes). En tournée, tout le monde peut comprendre et apprécier la critique très intelligente de l’univers de la danse, mais qui comprendra tout ce qu’Alu nous dit de lui-même et de l’ONP?
    En tout cas je prends date pour les prochains spectacles de 3e étage, ou la ressortie des anciens. Une belle troupe.

    Répondre
  • Choï

    Bonjour,j’ai vu le spectacle samedi 14 octobre. Point de sketch sur Bm ( et cela ne m’a pas manqué : passons à autre chose ), juste des allusions par l’intermédiaire d’écrans qui dialoguaient en anglais et c’était très marrant. Oui il y avait un côté potache mais je n’ai pas boudé mon plaisir. Avec aussi un très beau pas de deux avec le retour son de la régie lumière. L’occasion de voir les individualités s’exprimer, et quelles personnalités ! 3ème étage fait beaucoup pour le rayonnement de l’Opéra, il rend la danse accessible, qu’elle soit drôle ou émouvante. Elle met les danseurs en avant. Ils sont la richesse de la troupe et l’institution ne veut voir qu’un corps d’armée. Quelle erreur ! Quel dommage !

    Répondre

Poster une réponse Annuler la réponse