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Giselle de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole – Natalia de Froberville et Ramiro Gómez Samón

Moins de deux ans après sa création, la Giselle de Kader Belarbi créée pour le Ballet du Capitole revient dans sa maison d’origine, ce merveilleux écrin qu’est de Théâtre du même nom. Avec de nouvelles distributions ! C’est le propre des chefs-d’œuvre de pouvoir éternellement se renouveler par le biais de nouveaux interprètes. La russe Natalia de Froberville et le cubain Ramiro Gómez Samón, récemment nommé.e.s Premiers Solistes, le plus haut grade de la compagnie, s’emparent avec brio et virtuosité de ce monument du ballet romantique.

Giselle – Natalia de Froberville et Ramiro Gomez Samon

Mais avant d’en dire plus sur les interprètes, quelques mots sur la version de Kader Belarbi. Le directeur du Ballet du Capitole et Étoile de l’Opéra de Paris s’est inscrit dans les pas de la version de Jules Perrot et Jean Coralli, plus tard revisitée en Russie par Marius Petipa pour élaborer sa propre rédaction. Il a conservé du début à la fin l’architecture de ce ballet en deux actes, où l’action se concentre dans le premier alors que le second, l’acte blanc, est avant tout un moment de pure danse. Il est retourné aux sources du livret de Théophile Gautier et de Jules-Henry Vernoy de Saint-Georges et de la partition d’Adolphe Adam tels qu’il.elle.s furent écrit.e.s en 1841, année de la création de Giselle. Kader Belarbi s’est aussi plongé dans les archives de l’Opéra de Paris pour nourrir son processus créatif et revenir aux racines de l’histoire.

Il ne s’agit en rien cela dit d’une reconstruction. Le chorégraphe veut avant tout être fidèle au récit et à la danse académique tout en lui insufflant une nouvelle jeunesse, notamment dans les danses folkloriques et de caractère du premier acte. Ses collaborateurs – Thierry Bosquet pour les décors et Oliver Bériot pour les costumes – concourent à cette entreprise dont le résultat est une grande réussite. La Giselle de Kader Belarbi est rythmée, vibrante, incandescente parfois. La jeunesse du corps de Ballet ajoute évidemment à cette sensation de voir aussi sur scène du théâtre. Le chorégraphe n’hésite pas à conserver la pantomime si souvent critiquée, et qui pourtant, quand elle est jouée avec soin, permet au néophyte de suivre l’action et au balletomane d’en apprécier les nuances. Dans la fosse, l’Orchestre du Capitole sous la baguette de Nathan Fifield, est un atout majeur : décriée à tort, la partition d’Adolphe Adam dégage ici toute une gamme de nuances et de couleurs que l’on n’entend que trop rarement. Cela ne peut que contribuer à accentuer la musicalité des interprètes, qualité indispensable pour forger sur scène un personnage crédible et vivant.

Giselle – Juliette Thélin (Myrha) et les Willis

Musicalité qui ne fait défaut ni à Natalia de Froberville, ni à Ramiro Gómez Samón. Leur impeccable technique avait déjà épaté le Théâtre des Champs-Élysées lors des représentations du Corsaire. Mais Giselle représente  un tout autre défi artistique qui nécessite précisément de pouvoir oublier les difficultés techniques pour incarner un personnage complexe et nuancé. Dès son entrée, Natalia de Froberville impose une Giselle mutine, joueuse, débordante d’énergie. Droite sur ses pointes, la danseuse russe ne faiblit jamais du début à la fin de ce premier acte avec quelques points d’orgue : la fameuse diagonale sur une pointe qui s’achève par un manège, et la encore plus fameuse scène de la folie jouée avec ce qu’il faut d’intensité dramatique, de montée en puissance mais sans l’hystérie qui parfois rend cette fin de l’acte un peu excessif.

Ramiro Gómez Samón est un partenaire au diapason dans le rôle de Loys/Albrecht en optant pour une vision juvénile du rôle, parfois tout en fureur. Sa performance technique est remarquable même s’il lui faut encore peaufiner et approfondir son jeu. Il est toujours compliqué pour un danseur de savoir quoi faire et comment s’exprimer sur scène lorsqu’il ne danse pas. Le danseur apparaît encore plus à l’aise dans le second acte, propre à déployer sa virtuosité. Magnifique petite batterie qui a de quoi rendre jaloux de nombreux interprètes du rôle ! Quant à Natalia de Froberville, elle enjambe sans difficultés le passage de la petite paysanne à la créature éthérée des Willis.

Giselle – Natalia de Froberville, Ramiro Gomez Samon et Juliette Thélin

Mais le sommet de ce deuxième acte, c’est sans conteste Juliette Thélin dans le rôle de Myrtha, la Reine des Willis. Son entrée sur scène, longue traversée aller-retour de jardin à cour puis de cour à jardin, est une merveille. Des lignes parfaites, des bras interminables dont elle use à merveille pour figurer l’autorité de la Reine des Willis, Juliette Thélin “steals the show” comme on dit en anglais. Sans toutefois écraser ses partenaires. Le corps de Ballet féminin, l’autre star de l’acte blanc, est impeccable : bel ordonnancement, symétrie au couteau. Les seconds rôles sont soignés avec une mention spéciale pour Estelle Fournier, excellente comédienne dans le rôle de Berthe, la mère de Giselle et pour le danseur brésilien Norton Ramos Fantinel qui déborde de cette virilité rupestre qui sied au personnage d’Hilarion. Distribution luxueuse pour une production de grande qualité. 

À l’heure où l’on peut légitimement s’interroger sur l’avenir du ballet classique en France, Kader Belarbi pilote à Toulouse une aventure artistique exemplaire, renouvelant et enrichissant le répertoire académique avec talent et détermination. Il proposera en décembre sa vision de Casse-Noisette, autre pièce majeure pour une compagnie. Des œuvres populaires mais exigeantes, des prix abordables permettant d’élargir le public, des programmes gratuits qui donnent les clefs nécessaires pour s’approprier la représentation et la décrypter. Voilà une politique dont devraient s’inspirer de nombreuses maisons !

Giselle – Natalieade Froberville et Ramiro Gomez Samon

 

Giselle de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole, au Théâtre du Capitole. Avec Natalia de Froberville (Giselle), Ramiro Gomez Samon (Albrecht), Juliette Thélin (la Reine des Wilis), Norton Ramos Fantinel (Hilarion) et Estelle Fournier (Berthe, la mère de Giselle). Samedi 21 octobre 2017 à 20 heures. À voir jusqu’au 24 octobre

 

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