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Morphed – L’Ode pour sept danseurs masculins de Tero Saarinen

Morphed de Tero Saarinen est un des événements du Festival Nordique, qui durant deux semaines présente au Théâtre de Chaillot un panorama de la danse contemporaine de l’Europe nordique. Le chorégraphe finlandais propose dans cette pièce créée en 2014 une réflexion sur le danseur masculin, son corps et ses possibilités et plus généralement sur “ce que signifie être un homme aujourd’hui”comme il le revendique dans le programme. Chorégraphié pour sept danseurs, Morphed est une œuvre majeure dans le répertoire de Tero Saarinen, une réussite esthétique et un bonheur de balletomane.

Morphed de Tero Saarinen

Tero Saarinen fait partie de ces chorégraphes qui croient encore dans les vertus de la musique et du mouvement, convaincu que l’un et l’autre sont une source d’inspiration permanente. Dans un univers de la danse contemporaine inondé par des projets trop conceptuels, ce parti-pris artistique est de très bonne augure. Tero Saarinen est aussi un fin musicien qui sait choisir les œuvres qu’il souhaite chorégraphier. En toute logique, il s’est attardé sur les partitions de son concitoyen Esa-Pekka Salonen, chef d’orchestre réputé mais aussi compositeur. Morphed se construit sur trois œuvres : le Concerto pour Cor solo, Foreign Bodies et le Concerto pour violon (qui récemment a aussi inspiré Saburo Teshigawara pour le Ballet de l’opéra de Paris).

Formé à la danse classique et danseur du Ballet National de Finlande, Tero Saarinen a rapidement éprouvé une frustration face au répertoire académique qui offre peu de rôles aux danseurs masculins. Rudolf Noureev, qui ressentait le même manque, a augmenté sa rédaction des œuvres de Marius Petipa avec des variations masculines. Tero Saarinen a pris un chemin plus radical en s’orientant vers une danse contemporaine qui, sans renier son ancrage classique, s’ouvrirait à d’autres techniques et savoir-faire tels que les arts martiaux.

Morphed de Tero Saarinen

Tero Saarinen avait déjà écrit un pièce avec une distribution exclusivement masculine il y presque 20 ans : Westward Ho ! qui est toujours au répertoire de sa compagnie. Mais fort de ses 30 ans de carrière comme interprète, il a souhaité se remettre à l’ouvrage avec cette même thématique. Retour gagnant avec une œuvre d’une infinie beauté, avec une scénographie signée Mikki Kunttu composée de rideaux de cordes qui entourent le plateau en noir et blanc à l’image des costumes de Teemu Muurimäki .

Morphed débute dans le noir absolu alors que résonne le cor solo du Concerto d’Esa-Pekka Salonen. Le rideau s’ouvre sur les sept danseurs qui sont déjà en mouvement, marchant dans un sens ou dans l’autre, tournant à angle droit et sans jamais se croiser. Capuches sur la tête, on ne voit pas leurs visages. On pressent un univers urbain qui par certains aspects rappelle celui de Glass Pieces Jerome Robbins, un va-et-vient comme une métaphore de la solitude. Puis cette géométrie implacable se dissout, les danseurs se découvrent et entament une danse où la sensualité va grandissante. Tero Saarinen veut montrer les possibilités physiques des danseurs mais aussi leur tréfonds d’artistes Il utilise pour cela tout le vocabulaire qui est à sa disposition : la technique classique qui forme le cadre et où s’instillent son travail sur les arts martiaux avec des clins d’œil vers le hip-hop.

Morphed de Tero Saarinen

Il y a évidemment beaucoup d’homo érotisme dans Morphed : les corps se cherchent, se touchent, se frottent mais sans aucune vulgarité ou revendication sexuelle. Tero Saarinen s’attache davantage à montrer ce regard en miroir d’un homme sur un autre. Le point d’orgue est livré dans le deuxième mouvement du Concerto pour violon d’Esa-Pekka Salonen avec un duo d’une grande sensualité. Les danseurs, tous membres de la compagnie de Tero Saarinen, ont des parcours artistiques divers et sont d’âges différents, ce qui ajoute une profondeur de champ à la chorégraphie. Ils sont tous excellents dans le registre qui leur est propre. Au final, voilà l’oeuvre d’un chorégraphe important qui a développé depuis 25 ans un vocabulaire et un style qui lui sont propres, avec une exigence esthétique constante. Tero Saarinen a déjà collaboré avec des compagnies françaises, l’on souhaite le revoir très vite avec sa compagnie… ou une autre !

Morphed de Tero Saarinen

 

Morphed de Tero Saarinen au Théâtre Chaillot. Avec Ima Iduozee, Mikko Lampinen, Jarkko Lehmus, Pekka Louhio, Jussi Nousiainen, Heikki Vienola et Won-Won-Myeong. Vendredi 18 janvier 2018, dans le cadre du Festival nordique

 

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