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Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker – Compagnie Rosas

En 2001, Anne Teresa de Keersmaeker créait avec Rain un ballet emblématique, son ballet emblématique, résumant au plus fort sa danse et ses inspirations. Sur la superbe musique de Steve Reich, la chorégraphe y déployait dix interprètes dans une chorégraphie virtuose, aussi précise et mathématique qu’instinctive, poussant au plus loin le jeu du contre-point et du déséquilibre. 15 ans plus tard, c’est une nouvelle génération qui s’empare de ce chef-d’oeuvre, la proposant à nouveau en tournée un peu partout dans le monde. À l’énergie intacte, Rain continue de fasciner et d’interroger. 

Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker – Compagnie Rosas

Le rideau de pluie qui encadre la scène de Rain commence à être connu en France. La pièce a en effet fait son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 2011. Il est d’ailleurs intéressant de voir la différence d’énergie entre une troupe qui s’approprie pour la première fois une oeuvre et un style, et une troupe qui la danse régulièrement. Les danseurs et danseuses parisien.ne.s appuyaient sur la beauté du geste et l’occupation de l’espace en spirale. Les jeunes interprètes de Rosas ont une énergie plus brute, viscérale, portée par une sorte d’urgence. Aux spirales s’ajoutent les nombreux et infimes déséquilibres, un jeu subtil avec la musique de Steve Reich, un jeu aussi avec le public. Et ce travail si précis du contre-point chorégraphique. 

Rain fait partie de ses pièces qui sont incroyablement construites, avec des procédés parfois mathématiques, où les choses ne sont pas laissées au hasard. Mais, et c’est justement là sa force, rien n’y paraît au public si ce n’est une danse qui semble être créée dans l’instant. Tout démarre par deux longues phrases chorégraphiques, l’une masculine, l’autre féminine. Pendant 1h10, elles se transforment et évoluent en de multiples variations, avec  la géométrie de l’espace, retournent à l’essentiel pour mieux se re-développer. La jeune génération en scène se saisit de ce matériel chorégraphique avec gourmandises, aussi une grande intelligence et un souci constant et immense de la précision. Et c’est toute une énergie collective qui émane de ce travail minutieux, quelque chose qui circule entre les êtres, qui les lient sur scène et qui leur permet de se comprendre d’un regard.

Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker – Compagnie Rosas

Rain semble parfois être comme le déroulé de la vie. Au début, la phrases chorégraphique reste simple. Chacun.e cherche sa place dans l’espace scénique, prend ses marques, développe son geste, comme un enfant ou un.e adolescent qui se cherche. Puis la danse devient plus vive, plus virtuose visuellement, plus énergique. Les échanges entre les danseurs et danseuses se font plus francs, parfois presque teintés de violence, les interprètes se mettent à jouer avec le public d’un regard. Comme si, dans une vie d’adulte, l’on sait qui l’on est, et l’on peut se permettre de vivre comme on l’entend, toujours portés cependant par l’urgence du sentiment instinctif que tout cela peut se terminer. Puis la danse redevient plus calme, plus posée. Il n’y a plus besoin d’en faire beaucoup pour en dire un maximum, que ce soit au public ou à son.sa voisin.e de scène. Le temps se suspend, mais la danse ne s’arrête pas : en repartant en coulisse pour une dernière course, la dernière danseuse joue avec le rideau de pluie qui bouge pour la première fois. Pas de point final, mais trois points de suspension, ou un point d’interrogation. Après plus de 15 ans de vie, Rain a encore de belles années devant elle. 

Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker – Compagnie Rosas

 

Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker par la Compagnie Rosas à la Maison de la Danse de Lyon. Avec Laura Bachman, Léa Dubois, Anika Edström Kawaji, Zoi Efstathiou, Yuika Hashimoto, Laura Maria Poletti, Soa Ratsifandrihana, José Paulo dos Santos, Lav Crnčević et Luka Švajda. Mercredi 21 mars 2018. À voir en tournée en Europe

 

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