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L.A. Dance Project – Théâtre des Champs-Élysées (programme 2018)

C’est peu dire que la venue du L.A Dance Project dirigé par Benjamin Millepied constitue un événement. Programmée comme lors de sa précédente venue il y a deux ans au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre de TranscenDanses, la compagnie de l’ex-directeur de la danse du Ballet de l’Opéra de Paris présentait un programme composé de Second Quartet, pièce de Noé Soulier créée en 2017 à la Fondation LUMA (lieu de résidence française du L.A Dance Project), Bach Studies (Part 1), dernière création de Millepied himself et Yag, pièce créée en 1996 par la Batsheva Dance Company d’Ohad Naharin. Comme un casting impeccable ne fait pas forcément un bon film, dix interprètes investi.e.s à la technique solide ne suffisent pas à créer l’alchimie d’une soirée remarquable. D’une intensité inégale, le programme tire en longueur, laissant un sentiment mitigé, y compris dans le public visiblement venu surtout applaudir son fils prodigue, très discret dans les médias.

Second Quartet de Noé Soulier – L.A. Dance Project

En ouverture de soirée, Second Quartet de Noé Soulier captive d’emblée par son étonnant rapport à la musique, avant de tourner, hélas, un peu à vide. Devant un immense carré translucide qui diffuse une lumière froide, une danseuse et trois danseurs évoluent sur les digressions du percussionniste Tom de Cock. Chacun semble explorer leurs capacités physiques sans ligne de conduite bien déterminée, avec un côté expérimental très libérateur. C’est assez inventif, bouillonnant et séduisant. Parfois, leur mouvements précèdent la musique ou lui répondent étrangement… Les interprètes semblent aussi se donner la réplique tout en laissant une curieuse impression de danser chacun dans son coin. Sans que l’on en comprenne réellement l’intention.

Au cœur de la pièce, le duo entre Nathan Makolandra et Rachelle Rafailedes, finement maitrisé, éclaire soudain le parti-pris du jeune chorégraphe. Conçu comme une espèce de jeu de construction, ce duo démontre comment chaque geste de l’un des partenaires peut nourrir le geste suivant de l’autre. L’une prend appui sur la hanche de l’autre, puis met son front dans le creux de son coude puis déplace le poids de son corps et l’entraîne avec elle. Ils enchaînent chaque mouvement comme une mécanique parfaitement huilée. Quand chacun repart dans ses explorations solitaires dans une sorte de jeu de miroir collectif, leurs déambulations un peu répétitives finissent par lasser.

 

tSecond Quartet de Noé Soulier – L.A. Dance Project

Bach Studies (Part 1) est la dernière création de Benjamin Millepied. Présentée pour la première fois en France, elle se situe dans la lignée des précédentes pièces du chorégraphe. Toujours ce mélange de classicisme, de gestuelle plus contemporaine, de clins d’œil acrobatiques avec ici quelques incursions baroques. Sur le plateau nu avec coulisses à vue, éclairée par des barres de néons suspendues, la totalité de la compagnie est réunie pour cette exploration de la Partita pour violon N°2 de Bach jouée en direct par le violoniste Eric Crambes, au milieu des artistes.

Très bien servie par des interprètes choisis par Benjamin Millepied, cette pièce est d’une facture élégante, bien calibrée où chacun brille d’une lumière singulière au bénéfice du collectif. Le velours de certains pas contraste avec la rugosité de certains accords. Cette confrontation fonctionne bien. On pourrait s’arrêter là. Mais soudain passage au noir. On perçoit les déshabillages furtifs des danseurs et danseuses qui reviennent pour un deuxième volet à la tonalité très différente. Sur un extrait de la Passion selon Saint Matthieu, Bach Studies (part 1) prend un tour très mystique avec une gestuelle circulatoire et des postures qui évoquent la Pietà. Un sentiment de déjà vu vient affadir cette pièce qui avait pourtant bien démarré.

Créée en 1996 par la Batsheva Dance CompanyYag de Ohah Naharin est une pièce qui, par certains aspects, tranchent avec ce que l’on connaît du chorégraphe israélien. On découvre ce ballet – il n’a jamais présenté en France – avec curiosité. Sur un plateau nu, six danseurs et danseuses prennent la parole – en français – les uns après les autres, pour se présenter et répéter sur différents tons : “Ma famille aimait – aimait beaucoup – beaucoup, beaucoup danser”. Et l’on comprend vite qu’un drame familial va se nouer, ou se dénouer, sous nos yeux.

Yag de Ohad Naharin – L.A. Dance Project

Beaucoup de scènes se succèdent pour constituer ce puzzle psychologique complexe et déconcertant. Limite atone par rapport à la vitalité explosive à laquelle on est habitué chez le chorégraphe israélien. On s’ennuie, attendant le moment où tout va s’embraser. Il arrive enfin quelques minutes avant la fin comme une catharsis. La danse jaillit enfin euphorique, joyeuse, libératrice. On s’est un peu perdue dans cette forêt de symboles. J’en sors fourbue, pas convaincue de ce parti-pris, avec l’envie de demander au directeur du L.A. Dance Project ce qui a motivé ce choix.

 

L.A Dance Project au Théâtre des Champs-Elysées. Directeur artistique : Benjamin Millepied. Second Quartet de Noé Soulier, avec Aaron Carr, David Adrian Freeland Jr., Nathan Makolandra, Rachelle Rafailedes ; Bach Studies (Part 1) de Benjamin Millepied avec Aaron Carr, David Adrian Freeland Jr., Kaitlyn Gilliland, Axel Ibot, Nathan Makolandra, Francisco Mungamba, Rachelle Rafailedes, Janie Taylor, Patricia Zhou ; Yag de Ohah Naharin avec Aaron Carr, David Adrian Freeland Jr., Daisy Jacobson, Nathan Makolandra, Rachelle Rafailedes, Patricia Zhou . Mardi 24 avril 2018. Le L.A. Dance Project sera au Parc des ateliers (Fondation Luma) à Arles en juillet 2018.

 

Commentaires (1)

  • Isabelle

    Millepied présente une création qui suscite un sentiment de déjà vu ?
    Comme je suis étonnée…!

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