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[Montpellier Danse] Nederlands Dans Theater – Léon&Lightfoot/Pite/Geocke

La belle édition 2018 de Montpellier Danse s’est terminé par l’une des têtes d’affiche du festival et incontournable de la scène contemporaine mondiale : le Nederlands Dans Theater. La compagnie avait proposé un programme attendu avec ses grands classiques en termes de chorégraphes : Sol León et Paul LightfootCrystal Pite pour une création et Marco Goecke. Trois pièces qui montraient le savoir-faire de leurs protagonistes tout comme l’immense virtuosité technique et dramatique des artistes du NDT, décidément jamais pris à défaut. Pas de profonde découverte, mais trois pièces admirablement construites, représentant bien les chorégraphes et l’imagination qu’ils et elle puisent chez les interprètes de la compagnie néerlandaise. Une soirée de haute volée.

Shut Eye de Sol León et Paul Lightfoot – Nederlands Dans Theater

Le duo Sol León et Paul Lightfoot produit tellement de pièces que le duo ne peut mathématiquement pas produire un chef-d’oeuvre à chaque fois. Mais leur science du mouvement, ce talent pour mêler danse et dramaturgie, ce sens pour habiller leurs interprètes de lumières, font mouche à tous les coups. Shut Eye travaille sur deux couples, l’un à la danse vive et sombre, l’autre plus lyrique et léger. Au fur et à mesure de la pièce, les couples se multiplient, escortés par des ensembles qui renforcent leurs gestes. Et si le premier couple n’était pas si tourmenté que ça, comme le deuxième pas si sobre ? Les deux partenariats se mélangent, deviennent moins ambivalents, plus complexes, un peu comme une tranche de vie de n’importe quelle longue histoire d’amour, où le chemin n’est pas toujours facilement tracé. Comme à leur habitude, Sol León et Paul Lightfoot jouent des effets de lumières pour créer un espace scénique fort, presque un interprète à lui seul. Les danseurs et danseuses arrivent sur le plateau par la fosse d’orchestre, ou une porte en fond de plateau qui semble sur la fin être comme un gouffre qui emporte tout le monde. On ne danse pas pour danser chez Sol León et Paul Lightfoot, le pur plaisir du mouvement n’existe pas vraiment. Tout existe d’abord pour créer une force dramatique, un univers – onirique ou angoissant – qui fait l’unité de la danse. Le duo a pour cela un talent rare, qui emporte à tous les coups. 

L’incontournable Crystal Pite propose ensuite sa nouvelle pièce, Partitia for 8 Dancers. À l’inverse de la pièce précédente, la chorégraphe s’inspire ici de la musique pour une danse qui célèbre d’abord le mouvement. La partition de Caroline Shaw a été créée pour Crystal Pite. “Sa musique sonne juste, aussi juste que la géométrie et l’amour. Il y a une infinité de façons de rendre ceci visible… En voici une“, explique la chorégraphe sur son parti-pris. De fait, la musique semble représenter la danse de Crystal Pite. Tout commence par des voix qui parlent, et qui au fur et à mesure se transforme en chant a capella. Le groupe donne la force de la musique, même si chaque tessiture arrive à se faire entendre. Tout comme la danse de Crystal Pite qui fonctionne sur la puissance du groupe, même si chaque interprète arrive à y impliquer sa marque. Loin de l’ambiance fin du monde qui perce souvent dans ses pièces, la chorégraphe propose ici une oeuvre lumineuse, tout comme la musique. L’inspiration semble passer de l’un à l’autre des huit interprètes avec une force sans cesse renouvelée, presque joyeuse par moment, avant de rebondir sur le public puis de revenir sur scène. Il en ressort de Partitia for 8 Dancers une énergie enthousiasmante, une pièce qui semble vous prendre par la main pour vous emmener dans sa danse, avant de vous redéposer sur votre siège et de repartir aussitôt. Crystal Pite pose décidément un regard neuf sur l’utilisation du groupe, et très actuel. Chacun veut faire partie d’un tout sans cesser d’exister, et c’est un sentiment que sait retranscrire de façon lumineuse la chorégraphe. 

Partitia for 8 Dancers de Crystal Pite – Nederlands Dans Theater

Woke up Blind de Marco Goeke est plus léger chorégraphiquement. La pièce prend son inspiration par deux chansons de Jeff Buckley, la première lente et étirée, la deuxième dans une énergie plus effrénée. Le chorégraphe se sert habilement des inspirations de la musique comme des formidables qualités de ses interprètes pour une pièce vraiment pas désagréable, même si aux effets parfois un peu faciles. Le public ne boude cependant pas son plaisir et réserve la plus belle ovation de la soirée pour ce troisième ballet. Le Nederlands Dans Theater et ses chorégraphes n’ont décidément pas fini de régner sur la danse. 

 

Le Nederlands Dans Theater au Corum de Montpellier dans le cadre de Montpellier Danse. Shut Eye de Sol León et Paul Lightfoot, avec Jorge Nozal, Marne van Opstal, Chuck Jones, Prince Credell, Meng-Ke Wu, Myrthe van Opstal, Jianhui Wang et Roger Van der Poel ; Partitia for 8 Dancers de Crystal Pite, avec Chloé Albaret, Myrthe van Opstal, Sarah Reynolds, Meng-Ke Wu, Jon Bond, Chuck Jones, Gregory Lau et Marne van Opstal ; Woke up Blind de Marco Goeke avec Lydia Bustinduy, Aram Hasler, Prince Credell, Olivier Coeffard, Chuck Jones, Jorge Nozal et Jianhui Wang. Vendredi 6 juillet 2018. 

 

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