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[Le Temps d’Aimer] Aspen Santa Fe Ballet- Jorma Elo/Alejandro Cerrudo/Cateyano Soto

14 ans après leur première apparition à Biarritz, l’Aspen Santa Fe Ballet a enflammé les festivalier.ère.s du Temps d’Aimer avec un programme composé de trois pièces chorégraphiées par le finlandais Jorma Elo (1st Flash), l’espagnol Alejandro Cerrudo (Silent Ghost) et le catalan Cayetano Soto (Huma Rojo). Un “Triple Bill” comme les affectionnent les compagnies américaines mais avec un note résolument européenne. Ces trois artistes ont en effet en commun d’avoir transité par le Nederlands Dans Theater. Et si ces trois pièces affichent un style très différent, on y décelait partout l’aura de Jiří Kylián.

1st Flash de Jorma Elo – Aspen Santa Fe Ballet

Ce retour à Biarritz allait un peu de soi. Jean-Philippe Malaty, le directeur de la compagnie, est un enfant du pays ayant étudié au Conservatoire de Bayonne avant de prendre à 19 ans  la clef des champs pour rejoindre les cieux américains; ceux de la côte Ouest en particulier, en étant danseur au Ballet de Los Angeles. Son comparse, le directeur artistique Tom Mossbrucker, a fait ses classes au sein des  prestigieuses School of American Ballet à New York et de la Joffrey Ballet School de Chicago. Pourtant, on leur doit une programmation qui regarde davantage vers l’Europe plutôt que de puiser dans le répertoire balanchinien qui fait l’ordinaire de la plupart des compagnies classiques américaines. Ce parti-pris se révèle payant, proposant ainsi au public américain des chorégraphes qui ont rarement droit de cité aux USA. Cette ligne artistique s’appuie sur une compagnie jeune dont on perçoit d’entrée le tropisme américain : une excellente technique classique à laquelle s’ajoute des qualités athlétiques d’autant plus nécessaires que ces danseuses et danseurs sont multi-distribués, présents sur scène pour les trois pièces du programme.

1st Flash de Jorma Elo, qui ouvrait la soirée, est la pièce la plus aboutie. Elle fut créée il y a 15 ans pour le NDT où le chorégraphe finlandais dansa durant 15 ans. Il y fut à bonne école pour apprendre à construire un ballet,  régler les lumières, savoir comment organiser les entrées et les sorties et choisir une partition. Jorma Elo a jeté son dévolu sur la musique de son compatriote Jean Sibelius avec les deux derniers mouvements du Concerto pour violon en  ré mineur.

1st Flash est encore abondamment nourri de l’héritage et de l’esthétique de Jiří Kylián. C’est en effet la première pièce que Jorma Elo créa lors d’un de ses ateliers du NDT où les danseurs et les danseuses sont invitées à se lancer dans l’exercice chorégraphique. Mais il ne fait pourtant pas un copier/coller du maître. On repère déjà dans 1st Flash une singularité forgée lors de sa formation qui passe par la plus grande école du monde, l’Académie Vaganova de Saint-Petersbourg. De cet apprentissage, il a gardé un goût pour la danse académique et cela transparait dans la chorégraphie. Les trois danseuses et les trois danseurs se croisent dans une succession d’ensembles, de duos et de solos riches en arabesques, en hyper-extensions et en portés acrobatiques. Toutes et tous ont des lignes superbes et la musicalité qui convient pour danser des phrases très longues. Comment ne pas regretter que Jorma Elo ne soit pas présent sur les scènes françaises ? Chorégraphe en résidence au  Boston Ballet, une de ses pièces avait été programmée pour la venue de la compagnie au Théâtre des Champs Elysées cette saison. Elle a été hélas retirée au profit de William Forsythe.  Dommage !

Silent Ghost d’Alejandro Cerrudo – Aspen Santa Fe Ballet

Alejandro Cerrudo est lui-aussi passé par le NDT avant de s’envoler pour les États Unis où il poursuit avec succès une carrière de chorégraphe invité par les grandes compagnies américaines. Silent Ghost fut créé pour l’Aspen Santa Fe Ballet en juillet 2015. L’univers du chorégraphe espagnol s’inscrit parfaitement dans  la soirée, la verve post-Jiří Kylián est bien là avec des résonances plus pop. On décèle de beaux moments : des ensembles bien ficelés et un pas de deux final sur un tempo d’adage fort réussi. Mais il eut été judicieux de placer cette pièce en ouverture. Elle aurait constitué un hors d’oeuvre alléchant. Placée après Jorma Elo, elle perd de sa substance.

Il ne faut jamais oublier ce talent unique des Américains pour l’entertainment. Le catalan Cayetano Soto – qui a lui aussi flirté avec le NDT – et qui s’invite volontiers dans le monde de la mode, avait tout cela en tête lorsqu’il écrivit Huma Rojo en 2016 pour la compagnie. Sur un patchwork musical qui va de Nat “King” Cole à Pérez Prado, il aligne quelques standards américains que tout le monde a dans l’oreille (ça aide !) dans une pièce qui fait ouvertement de l’oeil à Broadway. Les costumes sont  rouge vif, pantalons et pulls à cols roulé. Ça swingue du début à la fin et c’est volontiers grivois, toujours drôle et  distrayant. On est très loin du chef-d’oeuvre bien sûr, mais c’est une conclusion idéale pour cette soirée sur-vitaminée.

Huma Rojo de Cayetano Soto – Aspen Santa Fe Ballet

 

L’Aspen Santa Fe Ballet au Théâtre du Casino de Biarritz, dans le cadre du festival Le Temps d’Aimer. 1st Flash de Jorma Elo, Silent Ghost d’Alejandro Cerrudo et Huma Rojo de Cayetano Soto. Avec Sadie Brown, Jenelle Figgins, Seia Rassenti Watson, Anthony Tiedeman, Pete Leo Walker, Joseph Watson, Katerine Bolanos, Austin Reynolds, Evan Supple et Jenny Winton. Samedi 8 septembre 2018. Le Temps d’Aimer continue jusqu’au 16 septembre

 

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