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A la découverte du ballet Igor Moïsseïev

Lundi 19 décembre 2011. Le ballet Igor Moïsseïev au Palais des Congrès (répétition générale).

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Le plaisir d’assister à une belle soirée est parfois d’autant plus grand qu’on ne s’y attendait pas forcément. Les troupes russes en tournée en France ne manquent pas cet hiver, d’une qualité inégale. Et je ne savais pas trop où se situait dans cette échelle le ballet Igor Moïsseïev.

Si la troupe était régulièrement venue à Paris, voilà 18 ans qu’elle n’y avait plus mis les pieds, pour des raisons essentiellement budgétaires. Les choses s’oublient vite, et pour la jeune génération de Danse addict, le nom de Moïsseïev ne signifiait pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout.

Mais les quelques réserves s’envolent vite, face à la grande qualité du spectacle présenté.

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Tout d’abord, mais qui est Igor Moïsseïev ? Comme l’explique une (plutôt grandiloquente) introduction au début du spectacle, c’était un danseur classique, soliste au Bolchoï. Passionné par les danses folkloriques de son pays, il fonde Le Ballet Igor Moïsseïev. Nous sommes en 1937, et il dirigera cette compagnie jusqu’à sa mort, en 2007, à l’âge de 101 ans.

Durant toutes ces années, Igor Moïsseïev a sillonné la Russie de fond à comble pour apprendre les danses folkloriques des différentes régions, pour en faire de véritables petits ballets d’une prouesse technique impressionnante pour sa troupe. C’est ce qu’on appelle la danse de caractère : des danses inspirées du folklore, transposées sur scène de façon virtuose. 

Le spectacle se compose ainsi de 14 danses, amenant le public de l’Ukraine au Caucase, en passant par la Crimée, la Moldavie, vers le peuple tzigane ou chez les Nanaï, à l’extrême Nord de la Russie. Le tout accompagné par l’orchestre de la troupe (même si je soupçonne quelques micros, l’acoustique de la salle n’étant pas forcément faite pour cette configuration).

Ce qui frappe dès le premier tableau, une danse russe classique avec une bonne quarantaine de danseur-se-s, c’est la très haute qualité technique de la troupe. La plupart viennent de l’école de la compagnie, qui impose la même rigueur qu’une école de ballet classique, et cela se voit. Au-delà des ensembles d’une parfaite coordination, on reste impressionné par la dextérité des artistes. 

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Ce spectacle m’a parlé d’autant plus que j’ai pratiqué pendant une bonne dizaine d’année la danse de caractère. Si nos professeur-e-s nous racontaient l’esprit d’une danse et son histoire, nous n’avions pas de modèle. Ce soir, j’ai reconnu les pas que j’avais si longtemps travaillé (ahhhh, les clés, les ficelles, les jetés tactés, la matelote…), mais exécutés avec une pureté et une virtuosité que je n’imaginais pas.

Les tableaux réunissant beaucoup de danseur-se-s sont ceux qui fonctionnent naturellement le mieux, portés par l’énergie collective. Mais le spectacle en compte finalement assez peu, entrecoupé aussi de trios et quatuors, mettant plus en valeurs certain-e-s solistes. Mais face à l’immense scène du Palais des Congrès, et à l’absence totale de décor, quelques passages ont toutefois un peu de mal à occuper tout l’espace.

S’il fallait donner quelques coups de cœur parmi les 14 pièces ? Citons la joyeuse danse russe d’ouverture, et le gopak (danse ukrainienne) final propre à toutes les virtuosités. Le tableau Les Partisans est lui aussi impressionnant, où grâce à un pas spécial, les danseurs donnent véritablement l’illusion de glisser sur le sol, les pieds cachés sous un long manteau. 

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Retenons aussi le charmant Vieux Quadrille Citadin, débarrassé de toutes prouesses et qui revient aux sources des danses folkloriques : quelques couples sur la place d’un village. Il y a eu aussi la danse tzigane, entre tragédie et sorcellerie, le style sûrement le plus difficile à saisir pour une danseuse européenne, ainsi que La lutte des deux gamins, petit moment de drôlerie dont il est impossible de dévoiler le “truc” avant de l’avoir vu. 

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Cette représentation du ballet Igor Moïsseïev, si réussie soit-elle, pose néanmoins quelques questions. Dont une : comment faire vivre aujourd’hui toutes ces danses d’hier ? Ces ballets ne sont pas du chiqué, et en cela ils sont intéressants car ils permettent de découvrir une belle part de la culture russe. Mais on le sait, la danse ne peut pas vivre figée. Et ce fut parfois le défaut de certains tableaux, qui paraissaient quelques peu désuets.

Le ballet Igor Moïsseïev doit finalement résoudre la question que se sont posée le Béjart Ballet Lausanne ou le Tanztheater de Pina Bausch il y a peu. Comment faire vivre la troupe, donc la faire évoluer, sans son créateur ?  Une interrogation qui reste visiblement en suspens côté russe.

On ne pourra non plus passer à côté d’une certaine ambiance chauvinisme. Après tout, cette troupe a été créée par le gouvernement soviétique dans les années 1930. Et si elle ne put tourner dans le monde que dans les années 1950, son but était aussi de défendre la culture russe traditionnelle un peu partout. La fierté de défendre leur patrimoine est palpable chez les artistes, ce qui n’est pas un mal en soi, mais pourrait peut-être en fatiguer certain-e-s.

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