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Caligula, épisode 1

Les temps sont durs : même pour Caligula (ballet contemporain peu promu), et même un soir de première (où normalement les retours sont légions), il n’y a eu que deux misérables Pass le 31 janvier. Tant pis, je monte me percher dans les quatrième loges désertes du Palais Garnier et profiter de la belle vue d’en haut.

Caligula, ballet de Nicolas Le Riche, était une découverte pour moi. J’en suis ressortie avec une impression globale mitigée. Pourtant, je vais commencer par tout un tas de compliments. 4258_2010-11-CALIG-097.jpg
D’abord, je trouve le concept du ballet très intelligent : quatre ans de règne, quatre parties, les Quatre saisons de Vivaldi. Simple, mais efficace, surtout quand le morceau est aussi bien joué. J’ai donc quelques toutes petites réserves sur l’acte V qui ne me semble pas bien utile, mis à part la mort du personnage, mais comme il n’est pas trop long, ça passe.

Visuellement, c’est ensuite un ballet qui frappe souvent. Je ne sais pas trop s’il s’agit ici du travail de Nicolas Le Riche ou du scénographe Daniel Jeanneteau, mais il y a beaucoup d’images fortes qui restent. L’arrivée de Caligula, qui descend doucement d’un escalier illuminé en fond de scène, est saisissante. Son duo avec la Lune est très beau, la démarche de Caligula en crabe bien trouvée, les suivantes illuminée… Il y a quelques instants – pas nombreux certes, mais ils sont là – où l’on retient son souffle parce que c’est beau, tout simplement.

Les personnages sont également très bien pensés, et servis par des interprètes investi-e-s et très en forme. Stéphane Bullion m’impressionne décidément de jours en jours. Si j’étais septique sur sa nomination l’année dernière, j’avoue qu’il me bluffe souvent depuis le début de la saison. Il fait ici une véritable proposition artistique, qui peut dérouter parce qu’elle n’est pas celle à laquelle on s’attend. Mais c’est ça qui est intéressant en même temps.

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Plus qu’un empereur sanguinaire, fou et violent, Stéphane Bullion nous joue un prince freudien, accablé par son mal-être et ses démons intérieurs. Finalement, le monde extérieur n’a que peu d’importance face à ses refoulements œdipiens, il se tue lui-même. J’aime bien cette vision, différente, et qui n’en fait pas moins quelqu’un de vraiment fou et violent. Mais violent envers lui-même, et donc seule ombre à son interprétation, je ne comprends pas bien pourquoi le peuple recule de terreur devant lui à la fin.

Clairemarie Osta est une Lune sublime. Le rôle a été fait pour elle, c’est à n’en pas douter. Elle a déjà le physique de la Lune, avec son visage rond, elle en fait quelque chose d’immatérielle, un peu mutine, mais perplexe face à la folie de Caligula qui se dévoile peu à peu. Très humaine en fait. Eleonora Abbagnato est une Caesonia séductrice et séduisante, qui préfère peut-être l’orgie des sénateurs à son mari. Aurélien Houette est impeccable en Chaera, s’opposant à Caligula avec beaucoup de force et charisme.

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Seul Nicolas Paul en Mnester n’a pas su me toucher. Je ne sais pas si c’est lui, ce rôle du pantomime mal utilisé, la musique électro-planante vraiment pénible ou les trois à la fois, mais j’ai eu du mal. Je me suis accrochée pourtant, j’ai abandonné la lutte à la moitié de sa première partie, et a passé le temps en lisant mon programme avec mon iPhone (c’est mal) (j’en ai vu pleins à l’orchestre qui faisaient pareil) (dénoncez-vous).

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Le Incitatus de Mathias Heymann m’a également ennuyé, je l’ai trouvé trop premier degré, et à l’extrême limite du ridicule par moment. Heureusement que ce passage était très court (l’étoile y est vraiment sous-employé). Je n’ai pas trop compris à quoi cela servait dans la dramaturgie, si ce n’est à montrer que Mathias Heymann avait de belles jambes, qu’il faisait de beaux développés et qu’il sautait très haut. Mais tous les goûts sont dans la nature, et ce passage est le seul qui a récolté des applaudissements (beaucoup de fans dans la salle ?).

Donc, qu’est-ce qui m’a finalement fait ressortir de la salle avec cette impression mitigée ? Tout simplement une chose : la chorégraphie. J’ai trouvé ça très convenu, très démonstratif et très attendu. Nicolas Le Riche a voulu faire un mélange de styles, mais sait-il vraiment où il va ? Et hop, une belle arabesque bien faite, et hop un décalé en dedans pour montrer que oui, c’est un rebelle, il peut se détacher des codes classiques. Rien de neuf sous le soleil, ni de follement transcendant, heureusement que la scénographie sauve le tout. Je voue limite un culte à Nicolas Le Riche en tant que danseur (qui a dit “Limite ?”), mais en tant que chorégraphe, il ne m’a pas impressionnée plus que ça.   

Voila, le vrai souci dans Caligula, ce sont en fait les pas. C’est tout de même problématique lorsqu’on parle d’un ballet.

© Photos : Laurent Philippe / Opéra national de Paris

Commentaires (6)

  • Fab

    J’ai vu la même distribution que toi à la Générale et globalement, je suis plutôt d’accord (ça t’étonne ? 😉 Clairemarie Osta est évanescente à souhait, A.Houette et E.Abbagnato charismatiques. J’ai bien aimé S. Bullion et j’attends de le revoir la semaine prochaine pour me faire une idée définitive. En revanche, j’ai apprécié l’Incitatus d’Heymann. Sur Mnester et les figures, je n’avais pas non plus vraiment accroché mais j’ai revu Caligula hier avec une autre distribution. Stéphane Bullion incarnait cette fois-ci Mnester. Il a un tel visage hiératique, une telle intensité que ça fonctionnait à merveille. Ganio était plutôt bien en Caligula. Très belle danse, vraiment, impeccable mais pas fan de son interprétation. L. Pujol a assuré en Lune même si, pour moi, elle n’a pas l’évanescence de Clairemarie Osta.

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  • elendae

    Finalement je trouve qu’on est plutôt d’accord !! Hormis le rôle d’Incitatus et la présence de Stéphane Bullion. De toutes façons, encore une fois, c’est très subjectif. Et puis je crois que je percevrais très différemment ses performances si je le voyais moins souvent. Il faut que j’arrive à me mettre dans un état d’esprit, avant la prochaine représentation, où je me dirai “voyons ce que cette belle Etoile a à nous offrir ce soir” et non pas “bon, alors, c’est encore Stéphane Bullion, groumph, j’aurais préféré voir X ou Y que je connais peu, m’enfin ça aurait pu être pire”…
    C’est quoi un décalé en dedans ??

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  • @Fab : Je suis vraiment curieuse de voir le Mnester de Stéphane Bullion, ça peut donner totalement autre chose.

    @elendae : Je vois très bien ce que tu veux dire, je ressens la même chose pour certains danseurs que je voie trop souvent. Un “décalé en dedans”, je ne sais pas trop si c’est une appellation officielle, mais pour moi, c’est un dégagé ou un petit développé, la jambe levée en dedans, et l’appuie du corps décalé par rapport à la jambe de terre.

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  • elendae

    Merci pour la précision !
    J’ai regardé les 30 dernières minutes de Caligula sur le medici.tv, j’ai pu constater que Stéphane Bullion gagne vraiment à être suivi de près ! =D>
    Malheureusement de l’amphithéâtre où je suis souvent placée on perd pas mal en intensité…

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  • ginger

    je crois n’avoir jamais vu un danseur aussi beau; un visage de dieu (grec) et un corps sculptural, un vrai Michel Ange.
    ce garçon est incroyable.

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  • @Tous : je vois que le direct de Caligula hier, avec Bullion dans le rôle titre, a fait son petit effet 😀

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