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Cendrillon : épisode 1

Lundi 28 novembre. Cendrillon de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Dorothée Gilbert (Cendrillon), Nicolas Le Riche (L’acteur vedette), Karl Paquette (Le producteur), Nolwenn Daniel et Alice Renavand (Les deux sœurs), Simon Valastro (La mère) et Alessio Carbone (Le professeur).    

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Depuis quelques temps, lorsque l’on sort du ballet classique de l’Opéra de Paris, il vient souvent cette réflexion. “C’est bien. C’était même parfois très bien. Mais…“, avec quelques variantes.

Variantes numéro 1 : “C’est bien. C’était même parfois très bien. Mais cette distribution était vraiment inégale“.

Variante numéro 2 : “C’est bien. C’était même parfois très bien. Mais ça manquait un peu de conviction, c’était un peu mou, pas très brillant“.

Variante numéro 3 : “C’est bien. C’était même parfois très bien. Mais ce couple est bizarrement assorti. Il-elle-s sont très bien séparé-e-s, et ensemble, ça ne marche pas du tout“.

Variante numéro 4 : “C’est bien. C’était même parfois très bien. Mais le corps de ballet était étrange. Pas toujours en place, et assez transparent alors qu’il est beaucoup sur scène“.

Cette soirée de Cendrillon est pour sa part un très bon combo de la variante 2 et 4, saupoudrées de la numéro 1.

Pour ce qui est de la reprise de Noureev, je ne la trouve pas si dépassée que ça. C’est une vision des années 1920, forcément surannée, mais qui peut être charmante si elle est prise avec un certain recul.

C’est toute la difficulté de cette sorte de ballet. Il faut évidemment éviter le sur-jeu, et être vraiment sincère dans son interprétation. Mais savoir aussi garder une certaine distance : tout ça n’est que du théâtre, un conte de fée, fait pour s’amuser avant de retrouver la vraie vie.

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La seule chose qui me gêne dans cette version, pour terminer vite fait sur cette problématique, se concentre sur l’horloge. Si je lis bien le programme, il s’agit pour le producteur de montrer à Cendrillon que le temps passe, et que c’est maintenant qu’elle doit faire du cinéma. Soit, une femme a une date de péremption, après 40 ans, merci d’aller voir ailleurs. Mais alors, pourquoi s’en aller des studios de cinéma ? Au contraire, l’horloge doit lui rappeler qu’elle doit en profiter.

Bref, gros questionnement sur l’utilité de cette horloge au deuxième acte. Et encore plus sur les costumes des danseurs à ce moment-là. Les douze pauvres garçons semblaient être dans un véritable état de souffrance, surtout que leurs parures ont été accueillies par quelques rires de la part du public.

Mais reprenons le cours des choses, nous avons dit un ballet conte de fée, sans se prendre au sérieux. Sauf qu’au premier acte, tout le monde a très envie de se la jouer drame, Dorothée Gilbert comprise. Il est vrai que, sur le papier, le scénario ferait un très bon Zola : une jeune fille innocente battue par ses sœurs et rejetées par son père alcoolique.

Mais le public est là pour rêver, pas pour pleurer, et ce choix du très sérieux est déstabilisant… voir ennuyeux. Le premier acte s’étire ainsi à n’en plus finir, pas aidé par un corps de ballet mou du genou, et par un Karl Paquette qui a du mal à trouver sa place de producteur-bonne fée.

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Heureusement, Dorothée Gilbert est ce qu’elle est, et il en faut peu pour que sa vraie nature reprenne le dessus. Une bonne variation bien difficile, des claquettes, un chapeau, et là revoilà dans toute sa splendeur. Dommage, ses claquettes n’étaient pas en musique, on ne peut pas tout avoir que voulez-vous.

Le deuxième acte est heureusement beaucoup plus réjouissant. En grande partie grâce à Nicolas le Riche. Nico le Grand, Nico le Magnifique, je ne sais pas encore trop comment l’appeler, je ne lui ai toujours pas trouvé de pseudo.

Il y a des danseurs, comme ça, qui sont un peu magique. Sa présence illumine non seulement la scène, mais aussi tous-tes ceux et celles qui l’entourent, galvanisant toute la troupe en un seul saut. Le rôle de l’acteur-vedette est un peu creux ? Il en fait un personnage désarmant de gentillesse. Tout coule de source.

Dorothée Gilbert est pour sa part beaucoup plus à l’aise dans le rôle de la jeune première que de celle de la souillon. Radieuse, mutine, elle illumine également les studios de cinéma, d’une façon aussi naturelle que désarmante. Comme attendu, son partenariat avec Nicolas Le Riche fonctionne très bien, et le public succombe face à ce véritable petit couple de conte de fée.

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Il en suffit ainsi de peu pour que tout le monde joue le jeu. Karl Paquette arrive enfin à trouver sa place, et les deux sœurs et la mère s’amusent. Les seconds rôles de caractère sont aussi interprétés avec beaucoup de conviction et de drôlerie. Alessio Carbone (Le professeur) Yann Saïz (Le metteur en scène) et Erwan Le Roux (L’assistant), c’est aussi grâce à eux que le charme opère. Même le corps de ballet, brouillon et déjà fatigué, trouve un peu de vigueur, même s’il reste dans l’ensemble transparent.

Le troisième acte se déroule également de la plus charmante des façons, malgré quelques longueurs. Les danses de caractère apparaissent néanmoins assez convenues, mais pour le coup, j’accuserai plutôt la chorégraphie. La course-poursuite n’en reste pas moins amusante, et l’on pourrait même dire, parfois, vraiment drôle.

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Le pas de deux final est long, très long, sûrement trop long. Mais si plein de tendresse entre Cendrillon et son Prince Charmant que cela n’a pas trop d’importance. Rien de mieux que de quitter la salle sur une jolie impression, tant pis pour le reste.

Commentaires (11)

  • petitvoile

    Le souci des claquettes pas en musique pour les spectateurs est malheureusement quasi sans solution dans ce type de salle immense avec orchestre dans la fosse et claquettes sur scène, il a sa cause dans la différence de vitesse de résonance du son. Même si la danseuse prend le risque de devancer la musique et que le chef d’orchestre prend lui le risque de suivre l’écho des claquettes qu’il reçoit, selon la place du spectateur dans la salle l’effet sera différent.

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  • Estelle

    ” Les douze pauvres garçons semblaient être dans un véritable état de souffrance, surtout que leurs parures ont été accueillies par quelques rires de la part du public. “
    Moi qui ne vais pas voir le ballet je serais vraiment curieuse de savoir ce qu’ils portaient pour les faire “souffrir” !!??

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  • elendae

    Tu es bien consciente, Amélie, que tu t’exposes avec ce billet à te faire maudire par tous les inconditionnels de Nicolaaaas qui n’auront pas la possibilité de voir leur Etoile préférée dans ce ballet…
    Avec ton grand flair, tu avais choisi l’unique date où il aura dansé (plus d’1mn30, j’entends).
    J’avoue moi-même t’avoir (très brièvement, bien sûr) détestée à la lecture de cet article, sachant que j’ai une place pour samedi soir, et sachant qu’il est peu probable que je puisse finalement voir Nicolaaaas, si ce n’est peut-être au centre d’imagerie médicale à côté de chez moi (et croisons les doigts pour que ce ne soit pas trop grave…) 😥

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  • Libellule

    Eh oui, à 40 ans, on n’est plus aussi robuste.. J’ai vu Nicolas Le Grand pendant 1min30, oui oui, une mauvaise réception, trois petits tours et puis s’en va…. Malheur…. Florian Magnenet, c’était bien, oui, bien. Mais c’est tout.
    En revanche, je ne partage pas tes réserves sur le corps de ballet. Peut-être, oui, qu’il n’était pas à l’aise dans des parties trop enjouées, les filles du défilé de mode par exemple.
    Dorothée Gilbert a été incroyable, c’est incontestablement LA surprise de la soirée (hormis la variation de claquettes :/)…. Je ne suis pas une inconditionnelle fan, mais hier soir, elle m’a emportée. Et je l’ai presque mieux aimée en souillon qu’en actrice de cinéma (j’ai trouvé qu’elle en faisait trop).
    Et l’horloge était géniale ! Quelle idée =) Le comique n’était pas si gênant que ça… Mais je comprends, on aime ou on n’aime pas.
    Pour terminer, une mention spéciale aux passages de corps de ballet et rôles masculins, notamment lorsqu’ils se mettent en quête de Cendrillon qui a disparu. L’un des plus beaux moments !

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  • luciole

    Je suis allée voir cendrillon le 30. J’appréhendais de voir MAG avec sa carrure imposante et elle a été magnifique, c’est vraiment une grande, elle a une telle expressivité et c’est justement ce qu’il faut dans ce ballet très théatral. Les deux soeurs sabrina mallem et amandine albisson étaient géniales. que ce doit être dur de faire semblant de mal danser !! Magnenet m’a moins convaincu, je l’ai trouvé trop terrien et assez raide, il ne tend pas trop ses pieds. on dirait karl paquette. mais le couple fonctionnait bien. les 3 actes de 45mn sont passés à toute vitesse, les gens semblaient s’étonner de la fin d’un acte. J’avais vu le ballet à la télé et je ‘lavais trouvé assez kitch mais là en le voyant en vrai, j’ai été transportée. Pour finir MAG a tellement travaillé ses attitudes et ses expressions que je croyais parfois voir aurélie dupont… une distribution finalement très interessante !

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  • vano

    Finalement j’avais entendu tellement de critiques sur cette version de Noureev que j’ai été agréablement surprise. Beaux costumes, beaucoup d’humour (je ne connaissais pas Noureev sur ce mode), décors impressionnants (ça change des cordes …) et musique envoûtante tout comme dans Roméo. C’est effectivement un bon moment, une bulle de savon, rien de trop sérieux et Dorothée Gilbert a le sourire et le pétillant pour.
    Dommage que la chorégraphie ne soit pas plus dansée, plus technique, plus flamboyante.
    Dommage que “beau Nico” se soit volatilisé après avoir jeté sa citrouille dans la fosse d’orchestre, moi qui voulais le voir une dernière fois dans un rôle classique et ne pas rester sur mon mauvais souvenir de son Caligula … mais c’est un autre débat !
    Ah si, et puis dommage de payer 62 euros pour me retrouver au 2ème balcon et assister au ballet “vu du ciel” … déjà que je n’aime pas Bastille … mais c’est aussi un autre débat !

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  • vano

    J’oubliais : si on veut autre chose, il y a Cendrillon Kelemenis ce soir à Reims …

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  • @ Petitvoile : Merci de la précision 🙂 Du fin fond de mon parterre, ce décalage était franchement gênant.

    @ Estelle : Et bien ils avaient une espèce d’académique blanc avec de grosses taches de couleur et noir façon léopard… avec par-dessus un string bleu. Les danseurs avaient l’air d’avoir un certain mal à l’assumer.

    @ Elendae : Alors là c’est clair que je ne vais pas me plaindre 😆

    @ Libellule : Oui, c’est vrai que la course-poursuite du 3e acte était aussi pour moi une réussite. Je n’ai pas vu Magnenet sur ce rôle, je ne doute pas qu’il la remplacé Le Riche avec beaucoup de professionnalisme, mais ça ne joue pas dans la même cour.

    @ Luciole : MAG n’a plus forcément la carrure d’une pure ballerine classique, mais sa personnalité emporte toujours le tout. Je me rappelle de sa Paquita, dubitative au début, transportée au final.

    @ Vano : Bastille devient tout simplement impraticable… Autant il existe toujours des solutions de replis à Garnier, autant Bastille est devenu objectivement hors de prix.

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  • Melodiz

    Bonjour à tous, quelques impressions sur ce ballet que j’ai vu le 29 novembre avec MAG/Magnenet/Mallem et Albisson, entre autres.
    Ce n’est qu’une opinion, mais c’est comme ça, je n’ai pas aimé ce ballet. On ne peut pas dire que j’ai passé une mauvaise soirée, loin de là, des choses sont à louer par ailleurs mais je n’ai pas accroché.
    Ce qui m’a le plus gêné en fait c’est au niveau de la danse pure : chorégraphie simpliste (mais où est Noureev ?) et manque de flamboyance de façon générale (MAG mise à part).
    D’autre part, j’ai déploré des longueurs dans ce ballet (le passage des claquettes n’était pas franchement convainquant, les variations espagnole, chinoise etc, bien fades, le pas de deux final soporifique…) ce qui fait que j’avais plutôt hâte que le ballet finisse ou alors qu’arrive THE danse… qui n’est pas arrivée, au final.
    Maintenant les points positifs selon moi (je vous l’avais dit, je n’aurai pas tout jeté dans ce ballet ;)) : beaux solos et belle théâtralité de MAG, superbe passage des heures (ah enfin de la chorégraphie ! Ok je suis dure), les deux soeurs et la mère extra, jolis décors (on s’y croirait), musique transportante, idée du Cendrillon hollywoodien intéressante…

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  • La distribution que j’aurais adoré voir. Je suis bien déçue ne pas avoir pu m’organiser pour voir Cendrillon cette saison encore, je me rabats sur les critiques que je trouve sur le net! Je suis costumière et j’ai travaillé sur les retouches des costumes de Cendrillon, il y a quelques semaines. Je viens de faire un article à propos des costumes et y ai mis un lien vers danses avec la plume. Pour le voir :
    http://www.fils-en-c.fr/2011/12/09/

    Merci pour ce blog très intéressant, j’y viens régulièrement depuis que je l’ai découvert (notamment pour les résultats du coucours interne, le suspense était à son comble!)
    Cécile

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  • @Fils en C: Merci pour le lien ! Votre expérience est passionnante à lire. 🙂

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