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Cirque pour un chapiteau

Mercredi 3 octobre 2012. Géométrie de Caoutchouc d’Aurélien Bory à la Villette. Avec Pierre Cartonnet, Mathieu Bleton, Raphaëlle Boitel, Olivier Boyer, Sarah Cosset, Cécile Fradet, Nicolas Lourdelle et Marlène Rostaing.

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Et si le renouveau de la danse contemporaine se cachait plutôt sous les chapiteaux du cirque ? Après tout, le cirque contemporain, comme il s’appelle, veut dépasser le genre de l’exploit physique pour mettre la technique au service du histoire. C’est on ne peut plus danse tout ça. C’est ce qui me pousse à aller en ce moment vers ce genre de spectacle. Géométrie de Caoutchouc d’Aurélien Bory, découvert cette semaine, est un intéressant travail sur les corps et la poésie, quelque chose donc de très proche de la danse, tout en s’installant intimement dans l’histoire du cirque. Un entre-deux plutôt plaisant.

Le matériel star du spectacle Géométrie de Caoutchouc, c’est le chapiteau. Vous entrez dans le grand, et vous vous trouvez face à un petit, au milieu de la scène. Ce sera le terrain d’exploration des huit artistes. Leurs aïeux passaient un certain temps à les monter et les démonter. Installer son chapiteau, le défaire, était presque une partie intégrante du spectacle. C’est ce geste dont va se servir Aurélien Bory. Les danseurs et danseuses vont apprivoiser le chapiteau, avant de le démonter en mille morceaux (pour mieux le reconstruire ?).

Le spectacle commence par des jeux de lumière. Le chapiteau blanc devant nous est visiblement habité. Les artistes y sont à l’intérieur, et s’amusent à former des ombres sur la toile blanche. Après un petit instant d’appréhension (et si c’était comme ça pendant une heure ? Certain-e-s chorégraphes contemporains peuvent faire bien plus conceptuel), on se laisse gagner par la poésie de l’instant. Les corps se transforment en oiseaux volant au sommet du chapiteau, des course-poursuite s’organisent, un petit monde prend vie derrière la toile et raconte une jolie histoire fantaisiste.

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Puis place à plus de réalité. Les artistes affrontent le monde extérieur, sortent de leur cocon blanc, et semblent découvrir pour la première fois leur habitation vue de l’extérieur. Commence alors un fascinant numéro de contorsion autour des fils de fer attachant le chapiteau. Les couples hésitent, cherchent leur équilibre. Ils veulent grimper sur le toit, se trompent, tombent, s’entraident. Les artistes sont d’une souplesse incroyable, et déroulent leurs figures sans en avoir l’air. On est ici dans l’esprit de la danse : la technique est au service d’une histoire, d’un imaginaire, on ne doit donc pas s’apercevoir de la difficulté. C’est exactement le cas ici, surtout que la chorégraphie d’Aurélien Bory ne cherche pas à jouer sur le spectaculaire. C’est en y regardant de plus près que l’on se rend compte que non, vraiment, une personne à peu près normale n’est pas capable de se tordre et retordre ainsi.

Après l’hésitation, place enfin à la découverte, et à l’ivresse qui en découle. Les huit artistes ont réussi, ils ont grimpé au sommet du chapiteau, et ont apprivoisé l’objet. Place à la fête en apesanteur. Les danseurs et danseuses se jettent dans la toile blanche, glissent ou font semblant de presque tomber pour mieux se relever. Ils se passent le mouvement, et donnent une drôle de chorégraphie aérienne, tout en sauts et en rebonds. Mais le cirque à l’ancienne n’est pas bien loin. Grâce au jeu des projecteurs, le spectacle se passe aussi dans les airs, sur les murs du vrai chapiteau. Les ombres des artistes s’y dessinent, comme les trapézistes, cette image que l’on a tous dans la tête lorsque l’on pense au cirque de l’enfance. Passé et présent se mêlent pour insérer le spectacle dans la tradition circassienne, se séparant ainsi un peu de la danse.

Le chapiteau doit ensuite être détruit, maintenant qu’il a été utilisé de fond en comble. Et c’est là que le spectacle perd un peu de sa force. Le chorégraphe se concentre plutôt sur l’outil, en oubliant un peu le travail des corps. On est dans un moment plus visuel, avec le toit du chapiteau qui s’envole et se dégonfle. Mais l’idée de la matière ne va pas vraiment au bout, et reste curieusement déconnectée des acrobates. Il reste des belles images, mais on attend quand même que ça se passe. Dommage.

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Malgré la fin qui traîne, c’est un joli spectacle tout de même, ouvert sur un imaginaire poétique avec plein de belles idées. Les enfants devraient aimer, s’ils sont bien prévenus qu’ils ne verront pas de clowns et autres jongleurs.

Géométrie de caoutchouc, jusqu’au 28 octobre à l’Espace Chapiteau du Parc de la Villette.

Commentaires (1)

  • Superbe article et très belle entreprise. La représentation bouleverse les lois du genre et met en question l’essence même de notre art ! Pour nous, qui sommes une école de cirque à Lyon, ce spectacle est une profonde source de réflexions !

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