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Coppélia : épisode 3 et adieux de Patrice Bart

A priori, je n’étais pas parti pour assister aux adieux de Patrice Bart, qui ont eu lieu le 30 mars à Garnier, pour la dernière de Coppélia.

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1) Coppélia, ce n’est pas non plus mon ballet préféré. Et je me disais que j’aurais largement le temps de voir la distribution Gilbert/Heymann/Martinez avant la dernière.

2) J’aime bien le Défilé, mais je ne vais pas en mourir si je le rate de temps en temps (ce n’est pas comme si c’était toujours la même chose d’années en années).

3) Patrice Bart n’est pas forcément la personne la plus chère à mon cœur de tout l’Opéra.

Et voila où en était mes réflexions le 29 mars :

1) Et non, je n’avais pas eu le temps de voir la distribution Gilbert/Heymann/Martine, et c’est tout de même la plus brillante de cette série.

2) Oui, c’est vrai, le Défilé, c’est toujours pareil. Mais c’est tellement beau, pourquoi s’en priver ?

3) A force de rencontres et répétitions, je me suis attachée à Patrice Bart et à son immense connaissance de la danse.

4) Et surtout, d’entendre tout le monde en parler, et savoir que je n’y serais pas, ça m’énervait déjà (je suis faible).

Le 30 mars, me voila donc pleine d’espoir dans la file Pass Jeune. Espoir qui s’est concrétisé à 19h28, avec un troisième rang d’orchestre. Je me suis faite engueulée par le guichetier parce que j’étais contente, allez comprendre.

Le Défilé au troisième rang, je peux vous dire que je m’en suis mise pleins les mirettes. je voyais tout, les têtes, les lignes, les décors du Foyer au fond. Et j’ai beau faire ma blasée, dès que la musique de Berlioz démarre et que la petite puce se lève, la larmichette n’est pas bien loin.

La salle était pleine d’habitué-e-s. A l’applaudimètre, Agnès Letestu, et surtout Dorothée Gilbert, ont remporté le match côté femmes. Chez les hommes, José Martinez a reçu une véritable ovation. Petite pensée pour ce qui est a priori son dernier Défilé. Nicolas Le Riche a aussi eu les faveurs du public.

Et puis il y a eu Patrice Bart. Seul, en costume, il est descendu du Foyer jusqu’au bord de scène. Il y a 54 ans, il était à la place de ces gamins sagement agenouillés au centre, puis aligné sur les côtés dans le corps de ballet, puis sur la lignes des étoiles, avant d’être en coulisses en de crier sur ceux et celles qui n’étaient pas en ligne. Puis hier soir, dernière descente, derniers pas sur scène. 10 minutes d’applaudissement sans discontinuer.

Après 20 minutes pour se remettre de ses émotions, place à Coppélia. Avec une reine : Dorothée Gilbert. La danseuse étoile n’a jamais aussi bien portée son titre, elle était éblouissante et irrésistible. Une technique virevoltante, un rayonnement sur scène, un vrai jeu d’actrice. Mais que demander de plus ? J’ai déjà hâte de sa Juliette.

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José Martinez était également très en forme en Coppélius. Il n’était pas le grand méchant du jour, mais un homme désespéré, dont la douleur l’a rendu fou. Son partenariat avec Dorothée Gilbert était vraiment bon, leur complicité était visible. La danse de cette dernière était fraîche et pétillante, et devenait soudainement beaucoup plus femme et sensuelle dans les pas de deux avec Martinez. Cette Swanilda a fait son choix : au jeune étudiant, elle préfère l’expérience. Elle n’en a pas grand chose à faire de Frantz, un peu désemparé.

Mathias Heymann était ainsi un peu en retrait, et avait du mal à s’imposer dans ce couple. Dès son entrée, il m’a paru fatigué. Certes, c’est la dernière, mais ça ne se voyait pas chez les autres solistes. Et puis il y a eu sa variation du 1er acte. Et ça n’a pas raté, encore une fois j’ai craqué. Ce danseur a de telles facilités, un tel plaisir de danser et une telle fougue que je défie quiconque de lui résister. Eu deux minutes, je lui pardonne tout. Y compris de s’obstiner à faire deux pirouettes de plus que tout le monde quitte à ne pas terminer sa variation en musique, ou d’un jeu d’acteur objectivement pauvre. Je craque et je m’enthousiasme, mais je me suis dit que, peut-être un jour, les belles pirouettes et les grands sauts porté-e-s uniquement par la fougue de la jeunesse commenceront à me lasser.

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J’ai beaucoup aimé le corps de ballet, très en forme, bien plus que dimanche. Les amies m’ont bien fait rire, c’était très enlevé. Le deuxième acte était aussi très réussi, très drôle. L’écossaise et l’espagnole prennent tout leur sens dans les pointes de Gilbert. Seul le pas de deux final, décidément la faiblesse de cette version de Coppélia, ne passe pas, même avec la meilleure volonté du monde.

Pas d’étoile surprise dans le casting, mais quelque petites choses rigolotes. Comme les amies un épis de blé entre les dents, quelques accessoires incongrus, une danse de caractère agrémentée de cris sauvages et d’une Mathilde Froustey coincée en haut de l’escalier, avec un seul livre pour se défendre. 

Et les saluts. Après le trio d’étoiles chaleureusement applaudies, Patrice Bart remonte sur scène pour la dernière fois. Pluie de pétales de roses, comme le veut la tradition pour les adieux. Les étoiles montent sur scène, accompagné de Brigitte Lefèvre, de Francesca Zumbo (partenaire fétiche de Bart), Claude de Vulpian et des maîtres de ballet. De nouveaux, dix minutes d’applaudissement. 54 années entre ces quatre murs et cette coupole dorée. Une vie entière. Que doit-on penser au moment de s’en aller ?

La soirée se termine au Foyer, avec le Petit Rat et beaucoup de gens de l’Opéra. Et le ministre de la Culture aussi, qui vient remettre au héros de la soirée les insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres. Long discours ennuyeux sur un ton digne d’un enterrement. Heureusement que l’on a nos coupes de champagne. Patrice Bart prend ensuite la parole une dernière fois, d’une manière plus brève et plus touchante.

Je ressors de Garnier plus émue que je ne l’avais imaginé.

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© Photo 1 :  Sébastien Mathé / Photos 2 et 3 : Laurent Philippe / Photo 4 : Dansomanie

Commentaires (2)

  • Déborah

    Ca fait plaisir de voir que je ne suis pas la seule à avoir la larme à l’oeil avec le défilé! 😉

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  • @Déborah:Tu es très loin d’être la seule 😉

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