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La Dame aux camélias – Agnès Letestu et Stéphane Bullion

La dernière de La Dame aux camélias n’était pas juste les adieux d’Agnès Letestu (même si bien sûr la plupart du public était venu pour ça). C’était aussi une belle soirée de danse, où tous les interprètes – reine de la soirée ou non –  étaient au plus juste.

Agnès Letestu n’est pas une tragédienne, comme peut l’être Isabelle Ciaravola. Sa Marguerite vit les choses dans l’instant, dans le moment présent, sans trop se préoccuper – du moins au début – des conséquences. Ce qui en fait un personnage très changeant, et d’autant plus intéressant.

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Au théâtre, elle apparaît véritablement enjouée, sans nuage sur son front. Puis petit à petit, une autre facette du personnage  apparaît : amoureuse, troublée, humble, presque pure, qui ne peut plus faire semblant. Agnès Letestu ne joue pas une partition cependant. Les changements dans son personnage se font par rapport à ceux et celles qui sont en face d’elle. Et c’est là le point fort de cette distribution. Tous les danseurs sur scène dansaient non seulement très justement leur rôle, mais les dansaient ensemble. Chacun apportait sa touche, avec les autres, grâce aux autres. Et c’est peut-être ce qui a le plus manqué aux autres distributions.

La tragédie se jouait ainsi plus par le personnage d’Armand, interprété par Stéphane Bullion. Héros romantique, un peu noir, il semble déjà croire que cela va mal se terminer alors qu’il vient tout juste de rencontrer Marguerite. C’est lui le tragédien. Armand a parfois du mal à exister face à la force de Marguerite, il était ce soir un vrai personnage. Naïf et désespéré au premier acte, il prend véritablement toute son ampleur au deuxième, avant de tomber dans le cynisme au troisième. Chaque détail compte, la démarche un peu titubante et bourrée lors du bal, un geste retenu, un regard… C’est comme ça qu’un personnage prend de l’épaisseur. (soit di en passant, mais avec qui va danser Stéphane Bullion maintenant ? Il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a en face de lui une grande interprète).

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Eve Grinsztajn en Manon donne des regrets de ne pas l’avoir vu en Marguerite. Vulgaire au théâtre, elle devient le Destin au deuxième, pour une confrontation magistrale. Impériale sans trop en faire, elle jouait à jeu égal avec Agnès Letestu. Ce n’est plus un simple fantôme, un personnage dont on se demande parfois l’utilité. C’est elle qui souffle les décisions à Marguerite, et l’a fait aussi prendre conscience des réalités, de ce qu’elle est.

À côté, Michaël Denard incarne la Sagesse. Peut-être est-il aussi amoureux de Marguerite, peut-être que, s’il n’était pas vieux, il tomberait amoureux lui aussi. Mais il aime encore plus son fils. Il n’était pourtant pas question d’autoritarisme dans le pas de deux avec Agnès Letestu, il y avait au contraire une certaine douceur. Presque pas de persuasion, plus un retour à la réalité.

Armand est la Tragédie, Manon le Destin, Monsieur Duval la Sagesse… ne manque plus que Gaston Rieux (Nicolas Paul) et Prudence (Nolwenn Daniel) pour l’humour, dont la gentille grivoiserie amène une note de fraîcheur bienvenue dans le deuxième acte. Lénore Baulac vient compléter ce beau tableau, autant enfant gâté que lumineuse en Olympia.

Et pourtant, malgré ces sept interprètes, le public arrive à trouver le temps de s’ennuyer. Le ballet est bavard et de bons interprètes ne font finalement que le souligner encore plus. Si l’acte II reste équilibré, entre tension dramatique, charmante partie de campagne et personnages en constante évolution, le troisième acte s’étire en longueur. Mais pourquoi tant de blabla quand le black pas de deux a tout dit ? Marguerite n’en finit décidément plus de mourir.

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La Dame aux camélias de John Neumeier, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Agnès Letestu (Marguerite), Stéphane Bullion (Armand), Eve Grinsztajn (Manon), Christophe Duquenne (Des Grieux), Nicolas Paul (Gaston Rieux), Nolwenn Daniel (Prudence), Lénore Baulac (Olympia), Laurent Novis (Le Duc), Christine Peltzer (Nanine) et Simon Valastro (le Compte de N). 

Commentaires (3)

  • En plus des adieux d’Agnès Letestu, cette soirée a été pour moi la découverte d’Eve Grinsztajn. J’ai beaucoup apprécié son charisme et son interprétation toute en charme vénéneux.

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  • Joelle

    Malgré les petits défauts évoqués, cette soirée fut vraiment sublime… J’espère que’Agnès Letestu sera à nouveau invitée à fouler les planches du Palais Garnier ou autre temple parisien de la Danse.
    Pour Stéphane Bullion, il faudrait maintenant lui confier Eve G., mais elle est beaucoup plus petite qu’Agnès ! Cela va lui faire bizarre ! 🙂 Mais elle fut sublime dans ses deux rôles de La Dame aux Camélias !

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  • a.

    Même si je l’ai vu entourée d’un autre couple principal, je souscris à tous ces commentaires sur Eve (euh… je n’écris pas son nom de famille pour ne pas l’escamoter) : j’ai été sidérée de son jeu, de l’évolution frappante (au sens de la densification de l’émotion) de son personnage. J’ai hâte de la voir dans un grand rôle… espérons… car jusqu’alors je l’avais vue danser des rôles secondaires, sans grande densité, et n’étais pas plus emballée que ça… mais là, j’ai compris pourquoi elle est parfois portée aux nues!

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