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Don Quichotte, Maria Yakovleva et Denys Cherevychko [Ballet de l’Opéra de Paris]

Samedi 24 novembre 2012. Don Quichotte de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Maria Yakovleva (Kitri, Etoile invitée du Ballet de l’Opéra de Vienne), Denys Cherevychko (Basilio, Etoile invitée du Ballet de l’Opéra), Laura Hecquet (la Reine des Dryades), Mathilde Froustey (Cupidon), Allister Madin (le Gitan), Christophe Duquenne (Espada), Héloïse Bourdon (la Danseuse de rue), Guillaume Charlot (Don Quichotte), Hugo Vigliotti (Sancho Pança), Stéphane Phavorin (Gamache) et Alexis Saramite (Lorenzo).

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En voilà une jolie représentation ! Pas une mémorable, pas une à couper le souffle, mais un sympathique moment de danse, et c’est déjà pas mal.

Don Quichotte, dans la version de Rudolf Noureev, fait son retour sur la scène de l’Opéra. Mes derniers souvenirs de cette version dataient de 2002, autrement dit toute une époque. Mon dernier DQ, comme ont dit dans le jargons des balletomanes anonymes (nouvelle association dont il faudrait que je vous parle), c’était celui du Bolchoï, deux fantastiques représentations. La barre était haute, mais les deux versions sont tellement différentes que la comparaison est un peu difficile à faire.

Cette vision de Noureev n’est pas parfaite. Il y a un prologue un peu long et un premier acte qui se transforme vite en une suite de numéros un peu indigestes. Le corps de ballet est toujours aussi sage, toujours aussi élégant, même au milieu d’une place grouillante de Barcelone. On aimerait un peu plus de fougue et un peu moins de retenu, mais le cœur y était toutefois, et chacun-e sur scène s’appliquait à rendre le tout vivant. La troupe a été bien aidée par toute une série de seconds rôles truculents, sachant amener le sel et l’enthousiasme que demande ce genre de ballet. L’argument est mince, il faut tenir autrement que par la tension dramatique.

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Maria Yakovleva
et Denys Cherevychko, deux Étoiles du Ballet de l’Opéra de Vienne, ont assuré les rôles principaux lors de cette soirée. Et avec un certain panache, même si on ne peut pas parler totalement pour moi d’une ultime révélation. En tout cas pour elle. Lui m’a séduite dès son entrée en scène. Il a tout : le charisme, la fougue de la jeunesse, la virtuosité, l’envie de prendre des risques, et un petit côté désarmant de choupitude à jouer les gros dragueurs, avant de revenir tout penaud dans les bras de sa fiancée. Ce n’était pas forcément parfait dans les plus grands sauts, mais qu’importe, le plaisir de la danse était là.

Maria Yakovleva n’a pas démérité non plus : pétillante, survoltée, elle apparaissait comme une Kitri idéale. Mais un petit côté “Je suis en démonstration” ma empêchée d’être complètement séduite. Était-ce l’envie de bien faire ou le trac de se retrouver sur la scène de l’Opéra de Paris (qui, sans tomber dans le mépris provincial, représente tout de même un challenge pour une danseuse de Vienne)… Elle semblait comme manquer d’une certaine spontanéité. Maria Yakovleva a tout de même assuré le spectacle, et réveillé un premier acte tombant doucement mais sûrement dans la somnolence.

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Maria Yakovleva
a en fait été bien plus merveilleuse en Dulcinée. Impériale dans la scène de la Vision, elle apportait ce qu’il fallait de lyrisme, de poésie, alliés à une technique tout en finesse. Ce passage a d’ailleurs été le plus réussi du spectacle. grâce à l’Étoile, mais aussi aux deux solistes. Laura Hecquet autoritaire en Reine des Dryades, Mathilde Froustey mutine et redoutable de style en Cupidon. Ce trio a sûrement dû se former au hasard, par le gré des blessures des autres, mais le hasard a du bon. Ces trois personnalités se complétaient très bien, apportant l’une le lyrisme, l’autre le piquant, la troisième l’élégance, et bien suivies par un corps de ballet motivé.

Au final, cette Vision donc un beau tableau, musical, équilibré, avec beaucoup de saveur. Elle avait en plus eu droit en guise de prélude à un campement de gitans tout aussi savoureux, même si d’une bien autre façon. En chef, Allister Madin a rayonné sur scène, apportant toute sa saveur à une scène parfois longuette. Brillant et virtuose, il semblait danser avec une pancarte “Hey, ne m’oubliez pas, moi aussi je peux danser Basilio“. Il compensait un certain manque d’homogénéité du quatuor censé apporter tout l’humour du ballet. Guillaume Charlot (don Quichotte), Hugo Vigliotti (Sancho Pança), Stéphane Phavorin (Gamache) et Alexis Saramite (Lorenzo), étaient très bien chacun dans leur rôle, et plutôt drôles. Mais tous dans une veine différente, ce qui manquait singulièrement de cohérence, et surtout faisait à peine sourire (du moins pour le public adulte. Les enfants de la salle, eux, se sont bidonnés).

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L’acte trois démarre un peu comme la fin de l’acte 1 : une successions de numéro un peu fatigués, menés par Héloïse Bourdon qui ne faisait pas vraiment dans la dentelle. Mais tout s’oublie avec le mariage. Maria Yakovleva est plus rayonnante que jamais, Denys Cherevychko plus bondissant que jamais (sa variation était un vrai régal. C’est la Legris Touch !), et tout le corps de ballet semblait pris d’un regain de fougue. Une belle fin, pleine d’enthousiasme, d’où l’on ressort le sourire aux lèvres et oubliant un peu les passages plus ratés.

Don Quichotte tout de même, en tout cas dans cette version, c’est un ballet qui ne pardonne pas. Une variation un peu moins en place, un ensemble un peu moins bien coaché, et l’Espagne de pacotille retombe comme un soufflé. La compagnie semblait être un peu dans un entre-deux. De beaux passages, d’autres plus ennuyeux. On sent qu’il s’en faut de peu pour que tout soit enthousiasmant… ou vaguement barbant du début à la fin, comme cette si tristounette Bayadère d’avril dernier. De quel côté va-t-elle pencher au fur et à mesure des représentations ? Réponse pour ma part le 8 décembre, avec les très attendu-e-s Mathilde Froustey et Pierre-Arthur Raveau.

Don Quichotte par le Ballet de l’Opéra de Paris, jusqu’au 31 décembre à l’Opéra Bastille.

P.S. : François Alu est désormais titulaire sur le rôle de Basilio. Il le dansera les 17, 19 et 23 décembre avec Alice Renavand. Courrez-y !

Commentaires (3)

  • Sissi

    Merci pour le compte-rendu de cette distribution (que je n’ai pas pu voir). J’adore le ballet Don Quichotte très plaisant à regarder (en dehors du prologue trop long) et on en ressort en général le sourire aux lèvres. Je vais également voir le 8 décembre la représentation avec Mathilde Froustey et Pierre-Arthur Raveau et le lendemain au programme les démonstrations, j’ai hâte de lire vos impressions ! J’ai également craqué pour découvrir François Alu en espérant qu’il n’y aura pas de changement dans les distributions.

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  • Joelle

    et bien ils n’étaient pas si en forme que cela le 3 décembre dernier… Les deux stars ne dansaient vraiment pas ensemble, elle allant plus vite et lui en décalage.
    Par rapport à la première du 16 novembre, il n’y avait pas photo, du moins en ce qui me concerne et mes amies accompagnatrices du 3 décembre ont également noté ce décalage incongru, même si le spectacle restait très beau dans son ensemble et agréable à regarder.

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  • a.

    eh bien! oui! courons-y!
    – c’est un coup de bol, mais je verrai cette distrib inattendue et c’est tant mieux!

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