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Du sang et des cannibales : vive les comédies musicales !

Mardi 3 mai 2011. Sweeney Todd de Stephen Sondheim au Théâtre du Châtelet. Franco Pomponi (Sweeney Todd), Caroline O’Connor (Mrs. Lovett), Rebecca Bottone (Joanna), Nicholas Garrett (Anthony Hope), Jonathan Best (Le Juge Turpin). 

SWEENEY TODD

C’est une habitude du Théâtre du Châtelet depuis quelques années : se transformer deux ou trois fois par saison en repère de Broadway ou du West End, pour présenter une comédie musicale en anglais, avec des gens qui savent vraiment chanter et jouer la comédie en même temps (voir danser), accompagnés d’un grand orchestre.  

Ce qui est bien avec Sweeney Todd, c’est que ce n’est pas du tout l’archétype de la comédie musicale, avec une jeune fille qui aime un jeune homme qui l’aime, mais que tout sépare, et où tout finit bien avec un choeur qui chante la joie de vivre en toile de fond. Enfin si, il y a bien une jeune première qui chante au balcon face à son bien-aimé, mais pour le reste, on repassera. Chez Sweeney Todd, c’est plutôt du sang, du gore, un nombre de mort-e-s assez élevé, du cannibalisme et une fin très triste. Le tout livré avec moult détails très réalistes. 

Jugez plutôt : Benjamin Barker était barbier à Londres, jusqu’à ce qu’un juge l’envoie au bagne en Australie parce qu’il est amoureux de sa femme. 15 ans plus tard, il revient, pour découvrir que sa femme s’est empoisonnée, et que sa fille Joanna est devenue la pupille du juge, qui après réflexion a bien envie de l’épouser. L’heure de la vengeance a sonné. Benjamin Barker devient Sweeney Todd, et reprend son métier de barbier, dans le dessein de trancher la gorge du juge. Problème : que faire du corps ? Sa voisine, la très judicieuse et amoureuse Mrs. Lovett, lui propose l’idée du siècle. Elle tient une boutique de tourtes à la viande, qui ont un peu de mal à se vendre. Et si on les fourrait à l’être humain, pour voir ?  Gros succès auprès de la clientèle du quartier. Sweeney Todd n’est toujours pas retombé sur son juge, mais comme c’est un brave homme, il veut bien rendre service à sa voisine, et tranche la gorge de ses clients avant d’envoyer leurs corps en cuisine.

SWEENEY TODD

Du sang et du gore, comme je disais. Mais comme dans un film de Tim Burton (qui en a d’ailleurs fait une adaptation), le second degré et l’humour noir prennent délicieusement le pas sur tout. Difficile de ne pas rire à chaque gorge tranchée, toujours accompagnée de puissants jets de sang ; impossible de ne pas chanter avec le choeur l’ode à l’anthropophagie, même si le buffet de l’entracte fait soudainement beaucoup moins envie. On rit comme dans un film d’horreur, jusqu’à ce que la réalité rattrape soudainement la salle à la fin du deuxième acte. Ce n’est plus un conte que l’on voit, mais un homme fou de douleur devenu tueur en série, que rien ne semble arrêter. L’horreur tient lieu de scène finale, avec le sang coulant dans la rigole, et le choeur foudroyant du regard ce public qui a osé rire à l’histoire du “diabolique barbier de Fleet Street“. 

SWEENEY TODD

La troupe est globalement formidable, même si Caroline O’Connor, avec sa truculente et irrésistible Mrs. Lovett, domine le casting. Franco Pomponi était un Sweeney Todd noir et torturé comme il le fallait, mais peut-être un peu trop dans sa posture de ténor rigide tout droit sorti d’un Puccini. 

Niveau mise en scène, c’est du grand classique, avec décors rappelant le vieux Londres et costumes d’époque. Mais ce n’est ni vieillot, ni figé dans le temps. Cette version de Sweeney Todd n’est pas là pour apporter un regard neuf sur cette pièce, mais pour faire découvrir au public parisien ce qu’est un vrai musical. Un genre à part, ni du sous-opéra, ni un spectacle de variétés dont ont l’habitude les maisons de disques françaises. Et il y a encore du chemin à faire, la salle n’était pas bien pleine. Ceux et celles qui était présent-e-s n’ont en tout cas pas boudé leur plaisir, en applaudissant debout. Et si vous alliez faire de même ? 

SWEENEY TODD

Sweeney Todd au Théâtre du Châtelet jusqu’au 21 mai. Tous les jours, des places à 20 euros de première catégorie sont mises en vente 20 minutes avant le spectacle, pour les moins de 28 ans (né-e-s après le 1er janvier 1982), les plus de 65 ans et les demandeur-se-s d’emploi. 

© Photos : Marie-Noêlle Robert

Commentaires (7)

  • J’avais vraiment envie d’y aller mais là je suis conquise!!
    Merci pour ce bel article!

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  • Rah j’avais trop envie d’y aller… Mais je n’ai pas le temps… 🙁 si c’est pas malheureux.
    Dommage que ça n’ai pas plus de succès que cela. Le fait que ça soit en VO joue peut être. Moi au contraire c’est qui m’attire!

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  • @Anne-Laure : Merci ! 

    @Cams : Tout pareil 🙂 Il y a certaines adaptations qui sont très bien faites, comme Le Roi Lion, mais globalement je préfère dans la version originale. C’est assez étrange de vouloir traduire d’ailleurs, comme si on voulait jouer La Flûte Enchantée en français. 
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  • C’est pour vendredi : j’ai hâte !!

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  • @Lili: Hâte de connaître ton avis sur ce spectacle 🙂

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  • J’ai aimé même si je suis plus comédie !
    Je viens que le tarif moins de 28 vaut pour tous ceux qui sont nés après le 1er janvier 82… Ca peut être pas mal ça, car j’ai 28 passés… Donc les spectacles de cette année sont peut-être encore valables pour moi !

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  • @Lili: Oui, c’est pour tous ceux et celles né-e-s après le 1er janvier 82, des places de 1ères catégories à 20 euros, vendues 20 minutes avant de début du spectacle. Méthode à utiliser sans modération pour les Etés de la danse en juillet ! 

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