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Gala des Etoiles du XXIe siècle, cru 2012

Dimanche 23 septembre 2012. Gala des Etoiles du XXIe siècle, au Théâtre des Champs-Elysées. Avec Julien Lestel et Gilles Portes (compagnie Julien Lestel), Aki Saito et Wim Vanlessen (Ballet Royal de Flandre), Victoria Jaiani et Fabrice Calmels (Joffrey Ballet), Rasta Thomas (Rock the Ballet), Hélène Bouchet et Thiago Bordin (Ballet de Hambourg), Polina Semionova (American Ballet Theatre) et Dmitri Semionov (Ballet de l’Opéra de Berlin), Jason Janas et Jumaane Taylor (New York Tap Stars). 

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Les éditions du Gala des Etoiles du XXI siècle se suivent et ne se ressemblent pas forcément. L’année dernière, l’affiche était composée d’abitué-e-s sur des chorégraphies oscillant entre grands classiques et nouveautés pas très inspirées. En 2012, place à des danseurs et danseuses différents. Moins de tutus, mais du Forsythe, du Neumeier, du Béjart et même du Rihanna. Choc des cultures ? On peut le dire, mais le mélange a bien fonctionné, et la soirée fut très agréable.

En général, dans ce genre de galas, on s’extasie sur la belle danse et le charisme des Étoiles invitées. Pour l’émotion pure, on repassera, prendre un extrait de ballet et le danser had hoc, sans intro ni conclusion, enlève en général toute possibilité de sentiments. Sauf qu’il y a des artistes qui, en deux secondes, en un regard, arrivent à instaurer une ambiance sur scène et à raconter une histoire.

Ce week-end, c’était le cas d’Hélène Bouchet et Thiago Bordin, du Ballet de Hambourg. Ils ont dansé deux extraits des ballets de leur maître, John Neumeier. Ce fut l’Adagietto de La Cinquième Symphonie de Mahler en premier partie, et surtout un pas de deux d’Illusions-like Swan Lake lors de la deuxième. Je ne connais pas ce ballet, je ne sais pas de quoi ça parle, mais cet extrait n’a pas été loin de me mettre les larmes aux yeux. En quelques minutes, Hélène Bouchet et Thiago Bordin nous ont tout raconté. Cette histoire d’amour, elle doit prendre fin, malgré les hésitations, malgré les supplications. Lui finit à genoux, les mains jointes en une prière inutile, elle sen va en piétinés, déjà les remords prenant le pas sur la raison. (Message subliminale pour l’Opéra de Paris, serait-il possible de les inviter pour La Dame aux Camélias en septembre prochain ?).

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Autre ambiance, autre couple, celui venu tout droit du Joffrey ballet, formé par Fabrice Calmels et Victoria Jaiani. Les deux chorégraphies présentées ne m’ont pas forcément emballée, mais ce duo fut une belle découverte. Lui a une allure assez sculpturale, très grand et assez compact, très terrien. Elle est une petite bombe d’énergie, et là encore, une belle complicité les unit. Si leur duo Age of innocence d’Edward Liang n’était pas vraiment d’un grand intérêt chorégraphique, cela a en tout cas permis de voir ce que ce couple était capable de faire, et donner envie d’en voir plus. La suite, ce fut After the Rain de Christopher Wheeldon, long duo sur une musique assez planante de Pärt. Wheeldon n’est pas non plus ma tasse de thé, mais la véritable complicité artistique a fini par m’emporter, et ce duo fut un vrai beau moment de danse. (Message subliminale pour les Etés de la danse, serait-il possible d’inviter le Joffrey Balllet en 2014 ?).

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Et c’est là, à la fin de cette deuxième partie du gala, qu’a eu lieu le choc culturel. A peine les dernières notes de Pärt finissaient-elles qu’un tout autre son sortait des enceintes. “Just gonna stand there and watch me burn / Well that’s alright because I like the way it hurts…“. Non, le public du très chic Théâtre des Champs-Elysées ne rêve pas, il s’agit bien de l’un des tubes d’jeunes de l’année, un duo entre Rihanna et Eminem. Pas de doute, Rasta Thomas est entré en scène.

Le leader de Rock The Ballet avait déjà présenté un petit solo en première partie, sur le célèbre Bourdon de Rimsky Korsakov. J’avale une mouche, regardez ce que fait mon ventre avec, hahaha. Mais là, ça ne plaisante plus. Rasta Thomas arrive comme une rock star, et joue l’amour déchiré jusqu’au bout. Il n’a pas l’élégance distingué des autres danseurs, sa chorégraphie est d’un creux abyssal, surtout que cela devait être un duo. Mais Rasta Thomas s’en fout, il est là pour faire le show, et il le fait. Il enchaîne les pirouettes sur les impros du rappeur, il se roule par terre sur les vocalises de Rihanna, il y va totalement décomplexé, et enchaîne les figures ébouriffantes. L’Étoile assise à côté de moi fait la moue, mais le public est en complet délire.

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Alors pourquoi pas ? Le concept de Rock the Ballet est plutôt sympathique, mais amené entre du Béjart et du Forsythe, cela ne semblait pas sonner très bien. Moi-même je fus l’une des premières à pouffer en entendant la chanson. Mais voilà, ça marche, et même plus que bien. Après tout, Rasta Thomas est un très bon danseur, il est charismatique et donne vraiment tout ce qu’il a. Et au final, il ne s’est pas si mal intégré que ça au gala. Beaucoup plus en tout cas que le duo de tap dance Jason Janas et Jumaane Taylor. 2013, c’est l’année du Sacre, alors pourquoi pas des claquettes sur la musique de Stravinsky ? Oui, pourquoi pas… mais ça ne marche pas. En se calant sur la musique, le duo fait perdre toute cette délicieuse rythmique aux claquettes, sans arriver à se fondre dans la partition. Aucune référence au Sacre n’est également à trouver dans la chorégraphie, voilà juste des tap dance sur du Stravinsky, sans autre démarche artistique. Rester dans la veine Gene Kelly aurait sûrement fait plus d’effet.

Passons également sur le duo d’ouverture Les Ames Frères, par Julien Lestel et Gilles Portes. Rien n’a changé depuis la dernière fois, c’est esthétisant, photogénique, et magnifiquement ennuyeux. La véritable ouverture s’est plutôt faite avec le duo venu de Flandre, Aki Saito et Wim Vanlessen. Admirables de précision dans la Sonate N5 de Maurice Béjart, ils ont conclue magnifiquement ce gala avec le mythique pas de deux dIn the Middle, Somewhat Elevated de Forsythe, formidablement enlevé. Cette chorégraphie, c’est magique, ça marche à tous les coups.

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Au milieu de tous ces extraits néo-classiques, la danse académique a toutefois été représentée, et pas par n’importe qui : Polina Semionova, nouvelle star de l’American Ballet Theatre, et son frère Dmitri Semionov (Ballet de l’Opéra de Berlin). Voilà un grand classique, Le Corsaire. Il ne fallait ni chercher la surprise, ni l’originalité, encore moins l’émotion. Mais ils sont tellement beaux tous les deux, si jolis, si glamour, si souriants, si craquants, on ne se prive pas comme ça d’une petite gourmandise. Dmitri s’envole dans son manège de grands jetés et Polina assure les triples fouettés de façon on ne peut plus adorable avec sa robe qui tourbillonne.

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Cette dernière revient d’ailleurs en deuxième partie, mais en jean et gilet noir pour Alles Waltzer. La chorégraphie est absolument insipide, on dirait son clip pour Grönemeyer, mais son sourire est toujours aussi mignon. Quitte à choisir toutefois, j’aurais préféré un autre pas de deux, histoire de m’extasier encore un peu sur son frère. (Message subliminale à nouveau pour l’Opéra de Paris, serait-il possible de l’inviter – lui, pas elle – sur Don Quichotte cet hiver ?).

Toute ce joyeux monde revient enfin pour un final légèrement kitch sur Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf. Les hommes portent, les femmes grands écarts, Polina Semionova a remis sa jolie robe qui tourbillonne et Rasta Thomas envoie des baisers à la foule. La salle est debout.

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