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Incidence chorégraphique à Sens

Samedi 25 février 2012. Incidence chorégraphique au Théâtre de Sens, avec des solistes du Ballet de l’Opéra de Paris. 

Chronique et photos signées d’Elendae.

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La troupe de danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris, menée par Bruno Bouché sous le nom d’“Incidence Chorégraphique”, remporte un franc succès au fur et à mesure de ses pérégrinations, de la banlieue parisienne à Israël, en passant, en ce samedi 25 février 2012, par Sens.

Sens, sous-préfecture du département de l’Yonne, 30.000 habitants, appartient presque à la banlieue parisienne mais reste tout de même assez éloignée de la capitale pour qu’y subsiste un réel caractère provincial d’une facture particulièrement humide (l’Yonne, c’est avant tout un fleuve, et donc une vallée) et morne (je parle d’expérience, j’y ai grandi). Sens possède cependant une belle cathédrale de style gothique flamboyant, un hôtel de ville arborant une fier gaulois doré, et un mignon petit théâtre à l’italienne construit au début du XIXè siècle, avec scène microscopique, plafond peint en bleu ciel parsemé de quelques modestes chérubins, et foyer de poche au papier-peint fatigué.

La salle était remplie lorsque le spectacle s’ouvre sur la pièce pour dix danseurs bien nommée Ouverture de José Martinez, créée en 2008 pour le Junior Ballet du Conservatoire National Supérieur de Paris. J’avoue avoir eu toutes les peines du monde à me concentrer pendant ces dix premières minutes, distraite par les chuchotements de mes voisines (le public sénonais étant enthousiaste, mais dissipé), et focalisée sur l’exiguïté inhabituelle de la scène qui me semblait contraindre fortement les danseurs-ses. Fort heureusement, aucun d’entre eux ne s’est encastré dans un pilier.

Vient ensuite Nun’Komm der Heinden Heiland, chorégraphie de Nicolas Paul interprétée par Muriel Zusperreguy évoluant gravement sur du Bach. Cela a un petit parfum de Pina Bausch et c’est fort agréable à regarder, mais la pièce ne se justifie peut-être pas en soi : je l’aurais davantage imaginée au sein d’un tableau plus vaste, comme un personnage dans une des scènes de, par exemple, Orphée et Eurydice.

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Nous découvrons ensuite Alexandre Gasse, que j’ai peu l’habitude d’observer (ce qui est dommage, il est charmant), et Charline Giezendanner dans Thaïs, chorégraphié par Yann Saïz. Mon intérêt a réellement commencé à s’éveiller à ce moment-là, le pas de deux étant empreint de douceur, de triste tendresse et Charline, en particulier, y était magnifique, lumineuse et démontrant en particulier un travail du haut du corps très gracieux. Son partenariat avec le jeune coryphée était un peu hésitant parfois, les portés sont nombreux et difficiles, mais j’ai vraiment apprécié leur duo.

Suivi ensuite le petit chef-d’oeuvre de Bruno Bouché, Bless – Ainsi soit-il. J’avais déjà eu l’occasion de le voir lors de la soirée Danseurs-ses-chorégraphes en janvier 2011, avec les mêmes interprètes, Erwan Leroux et Aurélien Houette. Je ne suis pas certaine que l’oeuvre aurait la même force avec d’autres danseurs, sans Erwan Leroux si touchant dans sa fragilité, son désespoir ou sa faiblesse et sans Aurélien Houette en ange blanc magnétique, énigmatique, sculptural et terrible. Monsieur Elendae, qui ignorait le sujet ayant inspiré cette oeuvre (La lutte de Jacob avec l’Ange), y a vu une représentation d’une passion contrariée qui ne s’assume pas et qui met en scène deux hommes tour à tour attirés ou repoussés l’un par l’autre. Cela se discute mais le duo est en tous cas très sensuel.

Bless_-_Ainsi_soit-il-Aurelien-Houette_Erwann-LeRoux.jpg

Nous retrouvons après l’entracte Aurélien Houette (le Comte) et Muriel Zusperreguy (Garance) pour un pas de deux tiré de l’acte II des Enfants du Paradis. (A cette occasion, une coiffeuse nécessaire à la chorégraphie remplit à peu près la moitié de la scène.) J’ai de l’affection pour ce ballet de José Martinez, mais cet extrait sorti de son contexte laisse un peu froid, et il faut avouer que je préfère Aurélien Houette torse nu qu’en costume trois pièces.

Changement radical de style puisque nous enchaînons avec In the middle, somewhat elevated, de William Forsythe, sur une musique électro de Thom Willems. J’apprécie toujours énormément de voir danser Yann Saïz qui possède à mon sens de rares qualités de musicalité, d’élégance et de justesse d’interprétation. Son partenariat avec Aurélia Bellet fonctionne très bien et cette danseuse peu souvent mise en avant fait montre de très jolies lignes, de splendides développés et d’une belle énergie. Le couple a reçu une véritable ovation de la salle, qui aurait été ravie d’un petit rab’ de Forsythe…

In_the_middle__somewhat_elevated_Yann-Saiz_Aurelia-Bellet.jpg

La soirée se termine cependant par Timeless d’Arantxa Sagardoy, danseuse et chorégraphe espagnole proche de José Martinez. Elle fait évoluer cinq danseurs (Aurélien Houette, Yann Saïz, Daniel Stokes, Alexandre Gasse, Erwan Leroux) vêtus de jeans et de chemises de couleurs dans un climat de bonne humeur, d’amitié virile et de complicité, jusqu’à l’irruption d’une Amandine Albisson impériale traversant lentement la scène : ces messieurs semblent alors perdre tous leurs moyens et se retrouvent au sol, comme des pantins désarticulés. C’est plutôt frais et amusant, mais ça ne décolle pas vraiment. La faute à la musique très envahissante et trop connue, même si pas forcément des plus adaptée au ballet : moitié Goran Bregovitch, moitié Perpetuum mobile de Penguin Cafe. Des photos des répétitions sont à voir sur la page Facebook de la chorégraphe.

La troupe a été très chaleureusement applaudie lors des saluts, même si une partie du public aurait pu être a priori décontenancée par ce programme plutôt moderne et sans le moindre tutu. Je retournerai pour ma part dès que possible à la prochaine représentation d’Incidence Chorégraphique à portée de Paris !

Commentaires (3)

  • genoveva

    Quel film de danse a eu l’oscar à Hollywood ? je ne trouve l’information nulle part ! Merci.

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  • @genoveva: Vous parlez de Pina de Wim Wenders ? Il était nominé en Meilleur documentaire, mais na rien eu.

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  • elendae

    Bon je m’attendais à recevoir des tomates pourries après avoir dit que Sens était une ville morne et que la scène du théâtre était minuscule, mais il semblerait que les Sénonais ne lisent pas ton blog (ou sont complètement d’accord avec moi) ^^
    Je suis très honorée en tous cas d’avoir été publiée ici, j’ai l’impression d’avoir décroché une tribune dans le Times ! 😆

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