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L’Histoire de Manon : épisode 3

Dimanche 13 mai 2012. L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Clairemarie Osta (Manon), Nicolas Le Riche (Des Grieux), Stéphane Bullion (Lescaut), Alice Renavand (La maîtresse de Lescaut), Stéphane Phavorin (Monsieur de G.M.) et Viviane Descoutures (Madame).

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Il est difficile de séparer cette dernière représentation de L’Histoire de Manon des adieux de Clairemarie Osta. Dans chacune de ses variations, il y avait l’idée que c’était pour la dernière fois. Toutefois, comme cela reste globalement ma meilleure Manon, cette matinée vaut le coup d’y revenir.

Ma meilleure Manon je disais, car sûrement la plus équilibrée. Il y avait ici véritablement un quatuor, Manon-Des Grieux-Lescaut-La Maîtresse, et même un quintette en y incluant Monsieur de G.M., et non pas un couple star avec quelques seconds rôles autour.

Isabelle Ciaravola, incarnation-même de la volupté, semble une Manon assez inégalable à l’Opéra. Toutefois, Clairemarie Osta a su en faire un personnage très intéressant, avec une belle évolution. Sans tomber dans le total glamour, l’Etoile montre un personnage déjà séductrice au premier acte. Là encore, Manon est déjà clairement une femme, qui connait les hommes, et aiment bien tester son pouvoir sur eux. C’est là que l’interprétation d’Aurélie Dupont diverge, cette dernière incarnant plus une jeune fille bien plus innocente. Les deux histoires sont intéressantes à raconter, mais le personnages joué par Isabelle Ciaravola et Clairemarie Osta reste peut-être plus proche du roman initial.

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Le premier acte reste dominé par Lescaut, incarné pour cette dernière par un Stéphane Bullion très en forme. Si sa première variation m’a fait moins d’effet que quand dansée par Jérémiiiiiie Bélingard, sa présence tout au long du spectacle marque le personnage sur cette série. La dimension incestueuse avec sa soeur est gommée, pour un véritable rapport d’autorité. C’est un chef de bande, qui voit dans sa sœur un bon moyen de se faire de l’argent. C’est aussi un jeune homme qui aime les plaisirs de la vie, et là-dessus, son partenariat avec Alice Renanavand fonctionne à merveille.

Cette dernière est beaucoup moins sage que ses collègues qui l’ont précédée dans le rôle de la maitresse. Jolie comme un cœur au premier abord, elle se révèle beaucoup plus canaille et moins éduquée dans ses manières. Il y avait aussi un petit air de Kitri dans ses sissonnes, message subliminal pour décembre prochain ?

Quant à Nicolas Le Riche, il était assez difficile de l’imaginer en jeune étudiant naïf de la vie. Pourtant, le danseur s’est surpassé, démontrant, s’il fallait encore le faire, son si grand talent d’interprète. Sa variation était comme une sorte d’hommage à sa partenaire, tout en retenue respectueuse. Leur pas de deux restaient aussi de vrais grands moments. Bien sûr, il y a avait plus chez eux la tendresse d’un vieux couple que la passion amoureuse de la jeunesse. Je ne suis même pas bien sûre qu’ils nous racontaient vraiment L’Histoire de Manon. Mais qu’importe finalement, cela restait de très beaux moments de danse, intense, en véritable osmose.

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Stéphane Bullion
et Alice Renavand ont de nouveau brillé au deuxième acte. Le premier a décidément des dons d’humoriste qu’il ferait bien de développer. Il a réussi, sans en faire des tonnes, à vraiment me faire rire lors de sa variation bourrée, rajoutant quelques petites mimiques comme un rot étouffé du meilleur effet. Il suffisait de le suivre à la jumelle, jamais son personnage d’ivrogne ne s’est relâché, même lorsque la lumière n’était pas sur lui.

Clairemarie Osta a une nouvelle fois brillé. L’on voit vraiment chez elle l’indécision de son personnage. Déjà dans le premier acte, elle laissait un long cheminement pour se laisser convaincre par son frère. Là encore, la décision de partir avec Des Grieux n’est pas facile à faire, cette Manon n’est décidément pas un personnage romantique comme les autres. Stéphane Phavorin en G.M. est lui un vrai vicieux, comme on en voit dans les personnages de roman. Le manipulateur, c’est plutôt lui dans l’histoire.

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Le troisième acte, qui ne commence toujours moi qu’une fois dans les marécages, fut véritablement porté par Nicolas Le Riche. Transcendé par l’instant, il fut tout simplement déchirant lors du final. J’avais presque envie de monter sur scène pour aller le rassurer. Non Nico, ta femme n’est pas morte, tout est pour de faux, elle fait semblant. J’avais la chance d’être très près de la scène et de pouvoir en profiter au maximum, mais c’est vrai que ces dix dernières minutes m’ont serré la gorge.

Je suis ainsi plutôt contente de terminer de cette manière cette découverte de L’Histoire de Manon, qui m’avait quelque peu laissée sur ma fin au début de la série. Il me manque toutefois de voir la version du du Royal Ballet, véritable référence pour les balletomanes averti-e-s.

Commentaires (2)

  • Fab

    Merci pour ce compte rendu! J’avais vu cette distribution lors de la Première et j’avais beaucoup aimé le couple Renavand/Bullion, notamment ce dernier, que l’on imagine pas vraiment dans un rôle comique. Et pourtant, il est très convaincant en Lescaut, ne lâchant jamais son personnage d’une semelle. Quant au couple Osta / Le Riche, ce devait être un moment exceptionnel pour eux. Et puis, voir sa femme mourir sur scène, ce n’est quand même pas donné à tout le monde!

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  • @Fab: J’ai spécialement fait attention à Stéphane Bullion après avoir lu ton commentaire sur la première !

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