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La Belle au bois dormant – Amandine Albisson et Florian Magnenet

Ce ne fut pas à l’image de la représentation, mais cette dernière de La Belle au bois dormant a commencé par une grosse déception. Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann sont remplacé-e-s in extremis dans les rôles principaux par Amandine Albisson et Florian Magnenet. Dur, quand la représentation n’est attendue que pour ces deux Étoiles, quand les commentaires sont dithyrambiques, quand je ai moi-même nommé la distribution “S’il n’en fallait qu’une”, quand le plaisir de les voir en scène a démarré dès le début de la journée. Prendre des places pour la dernière, quel danger aussi à l’Opéra de Paris. Le danseur s’est blessé lors du cours du matin, mais l’annonce n’intervient que juste avant la levée du rideau. Réactivité, quand tu nous tiens…

Amandine Albisson - La Belle au bois dormant

Amandine Albisson – La Belle au bois dormant

Mais malgré cette forte désillusion et les cinq premières minutes à soupirer, la magie du spectacle l’a finalement emporté. Cette série a décidément du cachet. La fatigue du marathon de décembre a laissé quelques traces, et les alignements étaient un peu moins parfaits. Mais le brio, le charme, l’envie de danser et l’enthousiasme restaient intacts chez chacun des artistes sur scène. Le prologue fut ainsi tout à fait charmant, autour de sept fées toutes plus brillantes les unes que les autres (Marie-Solène Boulet, Léonore Baulac, Aubane Philbert, Laura Hecquet, Marion Barbeau, Sabrina Mallem et Héloïse Bourdon). Loin de lasser, ces sucreries se savourent décidément de mieux en mieux au fil des représentations.

Le premier acte fut porté par Amandine Albisson rayonnante, sans peur et sans reproche. La jeune Première danseuse avait envie de briller, de montrer ce qu’elle savait faire, de prendre possession de la scène. Elle l’a fait parfois au détriment de la finesse et du style, mais son personnage avait tout de même de quoi séduire. Et sur les quatre représentations vues, ce fut bien la seule où l’adage à la rose ne fut pas un moment de stress pour lez public (“Aïe la pointe… Ouch l’attitude… Tiendra tiendra pas ?“), mais un vrai moment de flirt (“Toi tu es mignon… Mais toi aussi tu es mignon… Et toi, quelle belle fleur as-tu à ton bras“). Loin d’être timorée, Aurore est une princesse d’aujourd’hui, qui n’a pas peur du sexe opposé.

Amandine Albisson, l'adage à la rose - La Belle au bois dormant

Amandine Albisson, l’adage à la rose – La Belle au bois dormant

Le problème fut qu’Amandine Albisson a eu du mal à faire évoluer son personnage de princesse conquérante. Elle semblait ainsi ne plus savoir sur quel pied danser au deuxième acte, ne sachant comment prendre ce virage de la poésie et du lyrisme un peu mystérieux. Et si techniquement sa prestation resta sans accroc, elle manquait clairement de magie pour laisser flotter ce parfum si particulier de la vision. Dommage, car la danseuse avait très bien su jouer là-dessus pour sa Sylphide en juin dernier.

Concernant le Prince, qui reste tout de même le centre de cet acte, Florian Magnenet a réussi une jolie entrée. Loin du surjeu dont il a parfois l’habitude, il est allé dans la sobriété, ce qui sonne bien plus juste et lui va beaucoup mieux, surtout qu’il a naturellement une belle allure d’aristocrate. Mais malheureusement, le danseur semblait bien trop à la peine techniquement pour tenir sur la durée, plus concentré sur les difficultés à passer (et pas toujours passée) que sur les tourments intérieurs de Désiré. Le couple a aussi eu du mal à se mettre en place. Si Florian Magnenet est en général un bon partenaire, sachant mettre en valeur la danseuse, Amandine Albisson l’a un peu trop regardé de haut. Comme si elle trouvait qu’il n’était pas vraiment à sa hauteur et ne méritait pas un grand intérêt. C’est peut-être vrai, mais dommage de ne pas jouer le jeu, l’Aurore et le Désiré du soir manquait cruellement de complicité.

Florian Magnenet - La Belle au bois dormant

Florian Magnenet – La Belle au bois dormant

Avec ça, il ne fallait pas s’attendre à des miracles pour le dernier acte. Le pas de deux s’est déroulé sans accroc ceci-dit, mais il ne fut pas l’apothéose d’un passage merveilleux. Amandine Albisson s’enferma un peu dans un sourire victorieux permanent. La Belle au bois dormant, un ballet sans histoire ? Justement non. C’est la vie qui se déroule, la jeune fille qui devient adulte, et il faut savoir faire exister cette évolution.

Ce fut donc, comme souvent dans ces cas-là, le corps de ballet et les seconds rôles qui prirent le pouvoir pour faire vivre ce dernier acte. Et avec, là encore, un certain brio. Les pierres précieuses furent emmenées par les très en forme Sabrina Mallem (décidément partout dans cette série) et Julien Meyzindi. Jennifer Visocchi et le bondissant Daniel Stokes furent mignons à croquer en duo des chats.

Mais c’est, et de très loin, l’Oiseau bleu de François Alu qui souleva les foules. Peut-être n’a-t-il pas encore l’ultime finesse de Mathias Heymann (et c’est vraiment pour pinailler). Mais pour la première fois, au-delà de l’étonnante virtuosité, j’ai vu sur scène un oiseau. Non pas un danseur qui danse merveilleusement bien, mais véritablement un oiseau qui prend son envol. Il fallait le voir sur scène, même quand ce n’était pas son tour, sa façon de bouger les bras comme des ailes qui se déploient. Chez lui, la virtuosité prend tout son sens car constamment portée par une formidable intelligence du mouvement. Il en a éclipsé à l’applaudimètre sa partenaire Marion Barbeau, pourtant délicieuse de musicalité, qui mériterait bien elle-aussi des rôles un peu plus consistants.

François Alu en Oiseau bleu (avec Valentine Colasante) - La Belle au bois dormant

François Alu en Oiseau bleu (avec Valentine Colasante) – La Belle au bois dormant

Dernière oblige, les artistes ont truffé de petits jokes cette représentation. Aurore reçut des sucettes en forme de coeur à la place des fleurs, un passager clandestin fut retrouvé dans la barque et la Fée Lilas eut besoin d’une carte routière pour retrouver le chemin du château (qui visiblement se situe en Bretagne). Des petites choses invisibles pour les néophytes mais drôles comme tout pour les plus habitué-e-s. Une belle façon de conclure cette convaincante et charmante série de La Belle au bois dormant, qui semblait comme le début d’un nouveau souffle.

 

La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Amandine Albisson (Aurore), Florian Magnenet (Désiré), Nicolas Paul (le Roi), Christine Peltzer (la Reine), Juliette Gernez (la Fée Lilas), Nolwenn Daniel (Carabosse), Bruno Bouché (Catabulte), Marion Barbeau (Princesse Florine) et François Alu (l’Oiseau bleu). Samedi 4 janvier 2014.

Commentaires (4)

  • Cyril

    Ah c’est marrant moi j’ai trouvé une tension abolue dans le public et sur scène pour l’adage à la rose. J’ai cru qu’elle allait tomber 3 fois!

    Le prince en difficulté, c’est vrai… et le sourire ultra figé d’Aurore… Pas de quoi me faire avaler la déception du changement de distribution.

    Mais alors François Alu!!! Incroyable!!! Tout à fait d’accord, on voyait un oiseau!!!

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    • karine

      je suis d’accord avec Cyril, j’ai tremblé pour chaque équilibre de l’adage à la rose. je n’ai trouvé du charisme ni dans Amandine, ni dans Florian. mais c’est peut-être dû à la grande déception de ne pas voir Myriam et Mathias…
      en revanche, j’ai été éblouie par les fées, les pierres précieuses et bien sûr l’oiseau de feu !

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      • karine

        l’oiseau bleu, pas l’oiseau de feu… :p

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  • annette

    Un duo de remplacement très décevant (quand on attend des virtuoses) qui nous ennuie pendant trois heures à essayer d’exister, quelle tuile d’être la juste ce jour ! a peine croyable que ces danseurs si faibles en émotions soient à ce grade dans la troupe , aucun engagement , aucun effort pour comprendre l’évolution des personnages, rien que des pas…. plus tristes les uns que les autres ou on tremble d’inquiétude de savoir si ca va bien se passer ou non. Heureusement qu’il a les autres danseurs pour nous rappeler qu’on est quand même à l’opéra. De t très rès belles fées et Pierres précieuses. Des chats et Un oiseau bleu de toute beauté ,qui réveillent, le public ne se trompe pas et l’applaudiomètre est là pour le rappeler.

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