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La Belle au Bois Dormant [Ballet de l’Opéra de Bordeaux]

Dimanche 16 décembre 2012. La Belle au Bois Dormant de Charles Jude, par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux, au Grand-Théâtre. Avec Ludmila Konovalova (Aurore, artiste invitée du Ballet de l’Opéra de Vienne), Robert Gabdullin (Désiré, artiste invitée du Ballet de l’Opéra de Vienne), Marie-Lys Navarro (Fée Lilas) et Stéphanie Roublot (Fée Carabosse).

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La Belle au Bois Dormant
ne court pas les rues en France. A Paris, le ballet n’a pas été vu depuis 8 ans. Un peu moins à Bordeaux cependant, où il est donné pendant les Fêtes de 2012 dans la version de Charles Jude.

La première chose qui marque à sortie de cette Belle au Bois Dormant par le Ballet de Bordeaux, c’est la très grande cohésion du spectacle : cohésion de l’œuvre et de la chorégraphie, mais aussi cohésion de la troupe. Tous-tes les danseurs et danseuses sont uni-e-s, allant dans le même sens, coaché-e-s avec la même précision. C’est une phrase un peu facile à écrire, mais c’est pourtant le premier mot qui me soit venu à l’esprit en sortant du Grand-Théâtre. Les Étoiles venaient pourtant de Vienne, mais c’est bien un groupe soudé qui s’est produit sur scène (j’ai l’impression de parler comme un entraîneur de foot. Le collectif les enfants, il faut penser collectif).

La Belle au Bois Dormant, quelque soit sa version classique, n’échappe pas à quelques règles. Dont celles qu’il faut que ça brille, que ça paillette, que ça perruque à toutes les scènes et que ça fasse Versailles Grand Siècle. Pleins de choses auxquelles je suis un peu allergique. Mais il faut bien faire rêver les petits enfants et les nostalgiques des contes de fées, et en y mettant un peu du sien, on peut facilement se prendre au jeu. Cette version de Charles Jude ne tombe d’ailleurs pas trop dans l’overdose, si ce n’est un tsunami de rose au premier acte, et un prologue peut-être un peu dépareillé.

Ce prologue, véritable acte en lui-même en fait, met un peu de temps à démarrer. Marie-Lys Navarro semble un peu crispée dans sa variation de la Fée Lilas, même si par la suite elle tiendra parfaitement son rôle avec beaucoup d’allure. Chacun semble un peu trop soucieux d’être en place, et ce qui doit être un baptême de princesse est un peu scolaire. Il a fallu le vent (ou plutôt la tempête) de Carabosse pour que le spectacle s’anime vraiment, entre son allure androgyne et ses gestes théâtrales. Ça y est, il y a de la magie dans l’air, et elle va rester durant tout le spectacle.

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Le premier acte met cependant lui-aussi un peu de temps à démarrer. Mais tout s’éclaire, et c’est en fait évident, avec l’arrivée d’Aurore. Ludmila Konovalova y est radieuse. Jolie comme un cœur, technicienne sûre d’elle et Princesse sans l’ombre d’un doute, voilà une Belle qui ne manque pas de grâce. Pour pinailler un peu, on pourrait dire qu’elle manque peut-être un peu de subtilité. Son Aurore n’évolue pas vraiment au fil des actes, lorsque cela devrait être la conquête de sa féminité. Et à 16 ans, la Princesse a déjà l’assurance d’une reine au pouvoir. Mais c’est pour pinailler, Ludmila Konovalova rayonne en scène, et offre un superbe adage à la Rose, mené crescendo pour un magnifique final. Et elle n’est même pas Étoile à Vienne ? La troupe autrichienne a décidément de la ressource, vivement cet été !

Le corps de ballet se met pour la suite du premier acte sur le diapason de son Aurore, et tout s’enchaîne avec régal. Les amies virevoltent, c’est de la belle danse, et chacun frémit au retour de la Carabosse. Le ton est exactement là où il faut : nous sommes dans un conte de fées, il ne faut pas prendre tout ça trop au sérieux, mais la barrière de la caricature n’est jamais franchie.

Changement de décors pour le deuxième acte, qui met surtout en valeur Marie-Lys Navarro et Robert Gabdullin. La première tient son rôle avec beaucoup d’autorité, sachant raconter clairement l’histoire tout en y apportant ce qu’il faut de magie. Lui a un peu plus de mal à prendre possession de la scène, sûrement plus petite que celle de Vienne. Et sa première variation est un peu longuette. Le Prince Désiré n’est en fait que meilleur Prince que lorsque qu’il se trouve en compagnie de son Aurore. Et Robert Gabdullin se révèlera surtout au troisième acte. Que chacun sur scène semble d’ailleurs attendre avec impatience. A peine le Prince arrivé, à peine le baiser déposé, hop, tout le monde est debout frais et fringuant, prêt à en découdre. J’avoue avoir encore en tête le réveil magique d’Élisabeth Maurin dans les années 1990, où tous les danseurs semblaient s’éveiller d’un long songe tout en douceur. Ce fut cinq secondes de pure poésie, à côté de quoi chaque autre Réveil semble un peu lourdeaux.

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Tant pis pour la délicatesse du baiser, car ce troisième acte fut effectivement un vrai régal. Ludmila Konovalova et Robert Gabdullin furent plus brillants que jamais, aimant visiblement danser ensemble, Prince et Princesse parfaits. Toute la troupe montra, non seulement ses qualités d’ensemble, mais qu’elle avait aussi de la ressource pour les solistes. Si quelque uns montraient encore une certaine fébrilité sur scène, la plupart ont assuré leur numéro de virtuosité avec panache. En tête : Claire Teisseyre en Saphir (et elle n’est pas encore titulaire, alerte talent), Laure Lavisse en Rubis (nommée Soliste depuis), et le magnifique duo de l’Oiseau Bleu, le bondissant Neven Ritmanic et la délicieuse Sara Renda, fine, précise et musicale. La Chatte bottée fut plus sexy de jamais, entourée de ses chatons remportant le Grand Prix de la choupitude, et le Chaperon Rouge – Louise Djabri poursuivi par le Loup Guillaume Debut -, se tailla la part du lion dans les éclats de rire.

C’est justement ce que j’aime dans La Belle au Bois Dormant : cette virtuosité technique implacable doublée d’une fantaisie irrésistible. C’est un conte, nous savons que ce n’est pas vrai, mais nous avons le droit de retombe en enfance le temps d’une représentation.

La Belle au Bois Dormant, jusqu’au 31 décembre au Grand-Théâtre de Bordeaux.

Commentaires (3)

  • Elle

    C’est exactement ce que j’ai pensé en voyant cette Belle de Bordeaux ! Que de plaisir de voir cette compagnie désireuse de bien danser ENSEMBLE et surtout réussir à le faire
    J’ajouterais que c’est proprement fascinant de les voir aller de personnage en personnage (ils sont peu nombreux), sans que cela ne nuise au déroulé de l’histoire. Claire Teisseyre est une fée, puis une amie, puis dans le rêve, puis un merveilleux saphir , Neven Ritmanic est chevalier, puis valse, puis ami du prince avant de danser ce tonitruant Oiseau Bleu ! Saluons au passage les danseurs supplémentaires de talent que s’offre l’Opéra de Bordeaux !

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  • @ Elle : Moi aussi ce turn-over m’a impressionnée ! Surtout que sur scène, on n’aperçoit à aucun moment la fatigue ou la course que cela doit être en coulisses. C’est décidément une compagnie que j’apprécie.

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  • Aventure

    Etant de Bordeaux, je connais assez bien cette compagnie, que je vais voir fréquemment. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas monté La Belle, et j’ai bataillé pour trouver une place, tout était complet le jour de l’ouverture des ventes…
    Déjà, je trouve la production particulièrement belle, costumes et décors sont féériques à souhait. J’ai eu le plaisir de voir les deux étoiles Igor Yebra (magnifique comme d’habitude, particulièrement en forme ce jour-là) et Oksana Kucheruk (qui s’est surtout libérée au deuxième acte). Un couple superbe, on passe généralement une très bonne soirée avec ces deux-là !
    Un peu déçue d’avoir raté la Fée Carabosse de Marc-Emmanuel Zanoli, je pense que cela devait valoir le détour !
    Complètement d’accord pour Claire Teisseyre, mais mon coup de coeur personnel est allé au Rubis de Mika Yoneyama, très belle. Pour le duo de l’Oiseau Bleu j’ai pu admirer Ashley Whittle que je découvrais et Marina Guizien toujours aussi précise… Et j’ai adoré Louise Djabri et Ludovic Dussarps, très complices sur le Chaperon Rouge.
    Si vous avez l’occasion, ne ratez pas Coppélia cet été, ce ballet convient particulièrement à la troupe, (si vous avez Mr Yebra et Mlle Kucheruk, ils y sont particulièrement à l’aise) et la transposition dans les années 50 est très réussie !

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