La Source : épisode 2
Ecrit par : Amélie Bertrand
Mardi 1er novembre 2011. La Source de Jean-Guillaume Bart, par le Ballet de l'Opéra de Paris au Palais Garnier. Avec Charline Giezendanner (Naïla), Florian Magnenet (Djémil), Laura Hecquet (Nouredda), Aurélien Houette (Mozdock), Allister Madin (Zaël), Aurélia Bellet (Dadjé) et Emmanuel Hoff (Le Khan).
Ce compte-rendu a un peu tardé décidément. Mais lorsque la représentation est moyenne et lisse, c'est assez difficile de s'atteler à la tâche. Je préfère une bonne grosse déception, où la review permet d'évacuer sa colère comme une thérapie.
Lancée en plein milieu de la série, cette distribution était assez étrange du point de vue des commentateur-rice-s. Pour ceux et celles qui avaient vu la première distribution (Pagliero/Paquette), Charline Giezendanner est apparue comme un ange de légèreté. Pour les autres, comme moi, qui étaient sous le charme de Princesse Myriam, cette soirée paraissait bien fade. A croire qu'à l'entracte, Elendae, Joël, Laura et moi n'avions pas vu le même ballet. Et je ne parle même pas du livret, compris très différemment selon les casts.
Le premier acte est toujours un enchantement. Certes, les danses de caractère sont toujours sages. Certes les nymphes ne savent toujours pas s'aligner. Mais il y règne malgré cela un parfum de merveilleux dont on ne se lasse pas. Allister Madin, jeune elfe malicieux, n'y est pas pour rien. Plus enfantin qu'Alessio Carbone, il joue de son personnage avec beaucoup d'humour.
Le couple Laura Hecquet/Aurélien Houette est là aussi une réussite. Très investie, la première offre une prestation juste, et sa scène de la mélancolie est réellement émouvante. Elle ne pense pas (encore) à se rebeller contre l'ordre établi, mais quelque chose au fond lui dit que, malgré ce que lui assène son frère, la vie qui l'attend n'est pas une vie rêvée. C'est peut-être là que se cache la modernité dans ce livret. En général, ce genre de personnage ne se pose pas de question, jusqu'à tomber amoureux. Ici, Nouredda est triste parce qu'on lui impose un choix. Et si elle finit par se rebeller, ce n'est pas par amour, mais pour décider d'elle-même.
Aurélien Houette, propulsé Mozdock à la dernière minute, est lui-aussi, sans en faire trop, très convainquant dans le rôle du guerrier.
Si déception il y a, cela vient des deux rôles principaux. Lancer des jeunes et des gens non étoilés est une bonne idée en soi, mais je ne suis pas sûre que Charline Giezendanner soit le meilleur choix. Très crispée, elle a semblé être dominée par le ballet tout au long de l'acte, ne parvenant jamais à prendre le pouvoir. Certes, ses variations furent propres, mais à aucun moment une âme de soliste n'a semblé percer. Peut-être n'était-elle pas prête, peut-être n'était-elle pas faite pour cela... Mais sa place de sujet n'est pas apparue comme scandaleuse au regard de cette soirée.
Florian Magnenet était assez épuisant de mièvrerie, ce qui était à prévoir. Le rôle de Djémil n'est pas d'une grande complexité, encore faut-il être sincère dans ses gestes. Autant Josua Hoffalt avait réussi à lui donner de la candeur toute adorable, autant Florian Magnenet manquaot cruellement de crédibilité. Et a même eu du mal à passer certaines failles techniques.
Le deuxième acte était un peu sur le même modèle. Le passage des Odalisques restait un petit délice, le retour de Zaël aussi. Laura Hecquet était encore une fois parfaitement juste dans son interprétation, sachant montrer une vision personnelle de son personnage, sans surjouer. Elle est pour moi celle qui a le mieux compris le rôle de Nouredda, plus complexe qu'il n'y paraît. Si elle a les gestes d'une princesse, son âme est indépendante, sans même qu'elle le sache au début. Le rejet du Khan la touche, non pas par orgueil personnel, mais parce qu'elle a failli à sa tâche. Et cet incident, au lieu de la déprimer, lui donne le courage de s'imposer, et de rejeter des deux points sont frère et ses conseils.
Là encore, le jeune couple s'est laissé happer par les autres. Charline Giezendanner s'est plutôt bien sorti des difficultés techniques, en particulier du pas de deux avec le Khan. Mais rien ne semble être lié, ses pas sont enchaînés avec comme seul soulagement celui d'avoir un pas complexe de moins à faire.
Seul le final a semblé la pousser à donner un peu d'émotion. Mais là encore, cela tombe à côté. Pour sa variation finale, Charline Giezendanner a choisi d'être une héroïne romantique, passionnée, montrant l'intolérable combat qui se passe en elle (partir ou mourir ?). Un choix respectable, mais absolument pas cohérent avec ce qu'elle avait fait avant, où elle cherchait plutôt à jouer la nymphe irréelle. Le Djémil de Florian Magnenet n'a semblé décidément ne rien comprendre à ce qui se passsait, le pauvre, on ne peut pas pour le coup l'accuser de manipulation. Laura Hecquet s'est réveillée comme dans un songe, se laissant porter par ce nouvel amour...
Au final, la soirée n'a pas été convaincante pour les deux jeunes premiers, contrairement à l'oeuvre en elle-même qui prend de plus en plus de saveur. Je l'aurai bien vu une troisième fois, mais les défections de Vincent Chaillet et Mathias Heymann m'ont fait renoncer au couple Ludmila Pagliero/Karl Paquette. Vivement une reprise (apparemment en 2013-2014) pour savourer encore une fois cet enthousiasmant ballet.
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