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Le féminisme mal dansé de Pietragalla

Marie-Claude Pietragalla est en ce moment de retour au Palace pour son solo La Tentation d’Eve. Un bonne occasion pour se lancer (enfin) dans mon compte-rendu de la soirée du 2 février (un mois après, il n’est jamais trop tard).

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La chorégraphie semble être en ce moment la voie royale – et presque obligatoire – de reconversion pour un-e danseur-se. Une évolution logique, un chemin tout tracé. Sauf qu’être chorégraphe n’est pas le même métier. Tout le monde n’a pas forcément la fibre pour se lancer. En quittant le Ballet de Marseille, Marie-Claude Pietragalla s’est mise à son compte, ce qui passe pour elle forcément par créer ses propres ballet. 

Sauf que Marie-Claude Pietragalla n’est pas une chorégraphe, et La Tentation d’Eve en est une preuve cruelle. Elle est une danseuse au plus profond d’elle-même, une artiste qui a des choses à dire, une personne charismatique, un certain talent pour la mise en scène et le visuel. Mais elle ne s’est pas une chorégraphe. Elle ne sais pas mettre ses pas en forme, les utiliser au mieux pour dire quelque chose, trouver son propre style.

Un mois après, j’ai le souvenir de l’avoir vu constamment gigoter sur scène, la bouche grande ouverte (manie assez répandue en ce moment et qui m’énerve à un point certain), mais de ne pas vraiment danser. Et de beaucoup de répéter. Les gestes étaient saccadés, toujours pareils, comme si elle ne savait plus vraiment danser ou utiliser ses formidables capacités. Ce qui est faux, comme elle le montre lors de rares moments de danse (rahhhh, ces développés). Une danse creuse, sans inventivité et style.

Marie-Claude Pietragalla a pourtant beaucoup de choses à dire, et c’est ce qui est encore plus dommage. Ce n’est pas une danseuse qui fait de l’effet, c’est une  artiste, avec un propos. J’ai ainsi vraiment aimé le fond de La Tentation d’Eve, beaucoup plus féministe que ne le reconnait sa créatrice dans ses interviews.

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Tout commence avec la pomme. Une grosse pomme rouge, visiblement très lourde, que Marie-Claude Pietragalla/Eve pousse avec beaucoup de difficultés sur scène. La faute, le péché originel qui pèse sur toutes les femmes depuis le début de la civilisation. Dès le début, la femme est sous l’emprise, celle du mariage (étrange danse avec un vile blanc) et de la maternité.

La femme ensuite va changer. Petit à petit, elle va prendre quelques attributs aux hommes : l’armure (Jeanne d’Arc), le pouvoir (Catherine de Médicis), la scène (la femme artiste). Elle devient même une working girl accomplie à la fin, occupant un grand fauteuil dans un large bureau. Sauf que la pomme est toujours là. Malgré les changements de costumes, rien n’y fait. Il y a l’espoir au début de chaque changement, une certaine ivresse à conquérir quelque chose, puis la résignation, s’apercevoir que la faute originelle, la chape de culpabilité, pèse toujours sur la femme. La working girl perd finalement pied, et laisse sa place à Eve, qui toujours, des siècles après, souffre à pousser devant soi la grosse pomme rouge.

Visuellement, il y a quelques belles choses tout de même, surprenantes tout du moins. Ainsi, Marie-Claude Pietragalla a toute une danse avec une marionnette, enfilée sur sa main. Cette dernière devient un personnage à part entière, complètement détachée de son corps. L’effet est assez saisissant. A retenir également, un passage où elle danse avec un masque blanc, la Catherine de Médicis, ou toute la scène autour de Barbara. Ce qui me fait penser qu’elle est peut-être plus metteuse en scène.

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Marie-Claude Pietragalla se donne corps et âme dans ce spectacle, ultra-charismatique, et tient toute la scène à elle seule pendant plus d’une heure. Mais le plus important, les pas, la façon de s’exprimer, ne sont là pas. Malgré le propos, la danse est creuse.

L’artiste a l’air d’être une danseuse entière à 200 % qui a beaucoup de choses à dire. Lorsqu’elle fait un spectacle, elle donne tout, du plus profond d’elle même, et ne peut donc peut-être pas laisser la chorégraphie à quelqu’un d’autre. C’est très frustrant, parce qu’avec ce propos, l’énergie de la danseuse, mais avec un-e autre chorégraphe, ce spectacle aurait pu être vraiment formidable.

Commentaires (2)

  • Pietra et Guérin étaient mes références quand j’étais petite. Qu’est-ce qu’elles ont pu me faire rêver toutes les 2! Elles ont étoilé mon enfance et mon adolescence. Rien que d’y penser ça me fait quelque chose.
    Je n’ai aucune nouvelle de Guérin, juste de merveilleux souvenirs.
    Quant à Pietra je rêve de la voir danser à nouveau. Mais vraiment danser.

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  • @Alice:Moi aussi, Pietra était l’une de mes danseuses modèles, c’était vraiment la star des cours de danse, avec le couple à la scène qu’elle formait avec Patric Dupond. Pour Isabelle Guérin, je crois qu’elle est partie aux Etats-Unis et a fondé une famille.

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