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Le Lac des Cygnes, épisode 2

Sous-titré : Ode à Ouliana Lopatkina.

La soirée du mardi 21 décembre, qui réunissait dans Le Lac des Cygnes à l’Opéra Bastille l’artiste invitée Ouliana Lopatkina, José Martinez et Stéphane Bullion, est bien partie pour remporter la Plume d’Or du spectacle de l’année. Ce fut un véritable enchantement tout du long, touchant, musical, parfois surprenant, hypnotique… Une Belle Soirée, tout simplement.

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Le tout avait bien commencé dès avant le spectacle, par une rencontre blogueuse. Les signes de reconnaissance ont bien fonctionné dans la foule de Bastille, Mimy la souris, Cams, Fab, Pink Lady, moi-même, et un peu plus tard Le Petit Rat avons fait connaissance IRL, comme on dit. Quel plaisir de mettre un visage sur un pseudo, et de continuer en vrai nos conversations webesques. Je vous invite d’ailleurs à aller lire leurs compte-rendus qui ne devraient plus tarder, nous n’avons pas toutes été d’accord sur ce que nous avons vu.

Premier acte. Magnifique corps de ballet. Je ne sais pas s’ils étaient transcendés par la venue d’Ouliana Lopatkina, mais j’ai trouvé ça beaucoup moins froid que lors de la Première. Bien sûr, c’est très solennel, mais ça présage bien de l’histoire, et ne fait que plonger le spectateur dans le drame qui s’apprête à se dérouler. Les déplacements et alignements sont un vrai casse-tête, mais quelle belle scénographie. J’avais lu le programme avant, et fait attention à pas mal de petites choses qui sont autant de symboles, comme la danse des chevaliers dansée uniquement par des hommes.

Au milieu de toute cette gravité, le pas de trois apparait comme une bulle de champagne. Eve Grinsztajn et Ludmila Pagliero sont délicieuse dans leur variation respective. Emmanuel Thibault transporte le public, comme à son habitude. Peut-être qu’il ne sait faire que ça, des pas de trois très brillants, mais OhMonDieu qu’est-ce qu’il le fait bien.

José Martinez n’apparait pas comme un prince torturé, mais plutôt complètement dans la lune. Son rêve le hante, il se demande où est la réalité. C’est très différent de la vision de Karl Paquette, mais pas moins intéressant. Stéphane Bullion, un peu en demi-teinte après sa prestation époustouflante de la première, apparait plus en retrait. Un peu moins dominateur, il faut preuve de plus de tendresse. Leur pas de deux n’en reste pas moins totalement gay friendly, peut-être même plus que dans la version dominant/dominé. Très belle variation de José Martinez, tout en élégance, pour clôturer cette première partie.

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Deuxième acte. là encore, je ne sais pas si c’était la présence d’Ouliana Lopatkina, mais le corps de ballet était excellent. Les parfaits alignements étaient toujours là, l’émotion et le geste habité en plus.

Quand à Ouliana Lopatkina, c’est le plus beau cygne blanc que j’ai vu. Au delà de sa technique, de sa ligne de jambe, de ses bras incroyables, de sa fluidité – tout est legato chez elle, il n’y a aucune cassure -, c’est une Artiste. C’est à dire que le moindre de ses gestes, le moindre dégagé, le moindre mouvement de bras, le moindre penché de tête, le moindre battement de cils, a une raison d’être. Elle les faits, car ils sont nécessaire à l’histoire, ils font partie intégrante de son personnage. Tout, chez elle, est porté par une intention, une émotion. Tout est signifiant. ça n’est pas le cas de tout le monde, mais j’ai en plus beaucoup aimé sa posture un peu cambrée, et ses bras en arrière.

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Le pas de deux avec José Martinez était très touchant, et m’a émue au plus profond de moi. Seul regret (et plus qu’un regret), le violon solo apparemment incapable de jouer juste. Quelle honte, tout de même.

Au niveau des solistes, les quatre petits cygnes ont été comme pour la première un vaste portnawouak, pressants à tout va. Les quatre grands cygnes étaient impérieux.

Troisième acte. Après cette parenthèse enchantée, retour au palais pour la série des danses de caractère, pas mal du tout (même si ce n’est pas la partie que je préfère). J’attends avec impatiente le cygne noir d’Ouliana Lopatkina. Et il est très étrange, mais très intéressant.

La danseuse a pris le parti de faire beaucoup ressembler Odette et Odile. Les bras et les postures sont ainsi exactement les mêmes. Seuls changement, les expressions du visage, et quelques gestes de rejet. Et c’est très troublant. Car dès son arrivée, le public se pose les mêmes questions que Siegfried : mais qui est cette étrange personne, qui ressemble bizarrement à Odette ? Si le prince tombe dans le panneau, le-la spectateur-rice se rend bien compte qu’il y a un problème. Le pas de trois était à cet égard très intéressant, et très différent de ce que j’avais pu voir jusqu’à présent. Seule la variation d’Odile m’a gênée, trop habituée à y trouver du poison à haute dose. Mais quel intéressant parti-pris.

La coda a été gâchée par l’orchestre, qui a fait une énorme bourde de rythme, prenant trop vite au début, et ralentissant à fond après. Dommage, même si les 32 fouettés ne sont pas forcément ce qu’Ouliana Lopatkina réussit de mieux. La fin, comme à son habitude m’a saisi. La musique, la perfidie de Rotbbart – malgré sa variation un peu ratée que je passerais sous silence -, l’intensité dramatique, me saisissent à chaque fois.

Quatrième acte. Et là, nous avons touché au Sublime… Un véritable moment de grâce. La danse des 32 cygnes, pétrie de mélancolie, est magnifique.

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Ouliana Lopatkina est redevenue un cygne blanc, faite de désespoir, de résignation, d’amour et de pardon. Le pas de deux avec José Martinez est bouleversant. L’intensité dramatique monte, je sens une boule dans ma gorge, jusqu’à ce qui a été pour moi le point culminant de cette représentation : Odette, en haut des marches, mourant à petit feu, en train de regarder Rotbbart et Siegfried se livrer une dernière bataille.

Noir. Les applaudissements crépitent en même temps que les flashs des appareils photos (qui n’ont d’ailleurs pas arrêté durant toute la représentation, malgré de nombreuses demandes). Même quand la lumière revient, les applaudissements continuent. Grande dame de la danse jusqu’au bout des saluts, Ouliana Lopatkina s’incline face au corps de ballets, dans une sublime et éminemment respectueuse révérence.

Après s’être échangées leurs impressions respectives, les blogueuses se transforment en groupies, et se plantent dans l’entrée des artistes. Qui mettront d’ailleurs du temps à venir. Mimy renonce. José Martinez arrive, il dansera avec Emilie Cozette à la place d’Agnès Letestu les 24 et 27 décembre. Le Petit rat bat en retrait également. Trois minutes plus tard, Ouliana Lopatkina arrive enfin, et prend le temps de signer les programmes des quelques balletomanes qui restent. Déjà mon deuxième pour moi, mais quand on aime, on ne compte pas.

Commentaires (8)

  • Fab

    Très belle soirée et contente d’avoir fait ta connaissance ! Je crois que je ne pourrai pas aller voir Gillot/Bullion mais si jamais tu y vas, je compte sur toi pour nous faire un débrief de cette distribution :). D’ici là, passe de bonnes fêtes de fin d’année.

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  • Compte-rendu rapide et efficace, j’admire ^^
    Ce ne sera pas mon spectacle de l’année (Anna Karéniiiiiine de Boris Eifman- comment ça, je deviens lourde ?) mais une très bonne soirée tout de même.
    Détail, mais je plussois ce que tu dis d’Emmanuel Thibault (un jour peut-être on nous le distribuera dans des rôles d’étoiles, c’est croire au prince charmant, m’enfin…).

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  • shana

    de passage sur ton blog que j’aime beaucoup lire!
    je sens que je vais avoir une soirée parfaite : Cozette, Martinez sur les genoux, et Pech… ](*,)
    mais bon, quand je lis tes commentaires sur le corps de ballet
    ce sera lui ma vedette, lundi!
    bravo pour tes articles, délicieux à lire!!! =D>

    Shana

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  • oui Shana, le corps de balais en lui-même vaut tout le spectacle. Je suis sure que Benjamin Pech peut faire quelque chose d’intéressant en Rothbart.

    Sinon, tout a été dit sur la représentation d’hier. Magique et inoubliable. Il n’y a rien à ajouter!

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  • ahhhh trois minutes!
    je me suis consolée aux associés où tout le monde était réunis après le spectacle.
    moi je suis pour aussi le 31 ou à une autre date pour voir Gillot…
    organisons nous!

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  • @Fab : Compte sur moi 😉 Et bonnes fêtes à toi aussi.
    @ Mimy : Mais non tu n’es pas lourde, tu me rends juste jalouse d’avoir raté ce spectacle. 😆
    @ Shana : Merci beaucoup ! Et comme dit Cams, même si Odette n’est pas transcendante, le corps de ballet et le duo Siegfried/Rotbbart font tout de même passer une bonne soirée.
    @ Le Petit Rat : je ne sis aps là le 31, je vais essayer de voir Gillot le 3. Il faut vraiment qu’on se reprogramme une autre soirée blogueuse. 😀

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  • Je voulais faire un AR Barcelone/Paris pour la voir mais c’était vraiment impossible alors tant pis. Je vais sagement attendre une tournée du Marinski à Barcelone ou une période à laquelle je pourrai me déplacer plus facilement.
    Et puis je suis vraiment dégoûtée. Je devais venir sur Paris la semaine qui arrive et j’avais prévu de longues heures d’attente, d’espoir, de ruse pour dégoter une place de dernière minute pour le Lac des 29 et 31 et paf, les annulations de vols quotidiennes Barcelone-Paris m’ont découragées et j’ai changé mes billets. Je suis donc d’autant plus friande de tes compte-rendus vu que je ne pourrai pas voir par moi-même.

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  • @Alice: La neige a eu l’air de te causer des problèmes 🙁 J’espère que tu pourras te déplacer bientôt. Et pour le Lac, il y aura encore au moins un compte-rendu à venir, la prestation Gillot/Bullion lundi prochain.

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