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L’ode à la nature du Legend Lin Dance Theatre

Jeudi 17 novembre 2011. Chants de la destinée de Lee-Chen Lin, par le Legend Lin Dance Theatre.

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Entre La Source et Cendrillon, avant un Forsythe et après une Trisha Brown, il est parfois intéressant de tenter des expériences. Quelque chose de nouveau, qui fait un peu peur sur le papier, mais soyons curieux-se-s, poussons les portes de l’inconnu.

Le Théâtre de Chaillot programmait le spectacle parfait pour ce genre de recherche : Chants de la destinée du Legend Lin Dance Theatre, compagnie de Taiwan.

“Croyant en une résonance entre les humains, les esprits et les dieux, la chorégraphe invite dans sa pièce le chant du chamane à accompagner ce conte autour d’une rivière mystique et d’un mystérieux aigle“, comme nous dit le petit papier du programme. Effectivement, ce genre de discours apporte plus de la méfiance qu’un véritable entrain. 

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Il faut dire qu’un certain nombre de spectacles ont allégrement pioché dans les codes de ce genre pour en faire des choses ultra-clichées, entre scènes d’une lenteur exaspérante et ambiance pseudo zen. Chants de la destinée va très (très) (vraiment très) lentement, les décors sont une évocation de la nature, et le propos porte sur la relation entre Elle et les humains. Mais il s’agit ici d’un spectacle véridique, basée sur une culture non encore dénaturée par les clichés. Revenir à la base des choses.

Il serait mentir de dire que le temps ne paraît pas long. Même avec son esprit ouvert, il est facile de se perdre dans cette cérémonie dont les codes nous échappent, et où les artistes semblent si loin de nous, dans un autre monde. 

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Il y a d’abord cette histoire de temps, qui n’est plus le même. La première partie peut-être ainsi vue comme une sorte de procession, où chaque personne travaillant la terre vient rendre hommage à la Nature. Chacun avance, très lentement, mais toujours en mouvement. Cela donne l’impression étrange de ne pas bouger. Mais si le regard se perd un peu, s’attarde sur un détail, il est tout surpris, lorsqu’il revient à la scène générale, de voir que tout a changé.

Il faut ainsi prendre le temps de s’adapter à cette nouvelle temporalité. La deuxième partie est plus concentrée sur le solo d’une femme, mi-déesse mi-oiseau. Un étrange et long solo, qui se termine en scène d’amour avec un guerrier (ou un Dieu, je ne sais pas trop, le chef en tout cas). Ce passage pourrait être ce qui se rapproche le plus de ce que nous entendons par danse, tant la maîtrise du corps est totale.

Le troisième passage choque d’abord par son changement d’ambiance. Après 1h30 de marche lente sur une musique douce (je crois que vous aurez saisi le rythme global de la pièce), quelle chose étrange de voir ces cinq guerriers s’affronter et se courir après, sur fond de percussions de plus en plus fortes.  

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Et quelle chose encore plus bizarre que ce combat final entre deux guerriers. Le rythme lent a repris sa place. Ils ne se touchent pas, ne bougent presque pas. Mais l’attitude de leur dos est on ne peut plus guerrière. La sensation pour le public est assez étrange. Il est impossible de rester attentif-ve durant les 30 bonnes minutes de cette dernière partie. Le langage esthétique est trop nouveau pour un regard non exercé, et l’esprit vagabonde facilement. Mais l’impression globale reste forte. Chants de la destinée, c’est aussi une histoire d’images, de tableaux. Beaucoup de personnes, en partant, évoquaient ainsi le travail d’un-e peintre.

Sur scène, une fois le rideau relevé, la chorégraphe et la troupe se saluent mutuellement. Leurs torses s’abaissent (encore et toujours) lentement, d’une absolue humilité. Le retour au rythme du métro est rude.

Chants de la destinée du Legend Lin Dance Theatre, jusqu’au 18 novembre au Théâtre de Chaillot. De 23 au 26 Novembre à la Maison de la Danse de Lyon.

Commentaires (2)

  • osmoz

    J’ai assisté à ce sublime spectacle hier soir et comme vous je me suis sentie trés éloignée et ignorante de leurs codes, mais j’ai ressenti tout au long de cet univers décapant un tissage de sentiments profonds dégagés de tous aprioris, tels que nous les entendons.
    j’ai voyagé dans un univers presque divin tant la perfection et la maitrise des mouvement et des corps étaient surprenantes pour ne pas dire irréelles et j’ai moi aussi eu beaucoup de mal à revenir à la réalité de la vie, c’était comme un envoûtement de 2h10mn passées comme un souffle, un pur moment de grâce
    J’ai adoré. Brigitte

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  • @osmoz:Merci de votre message 🙂 Il y avait une authenticité rare tout au long du spectacle, et c’est ce qui a fait la saveur de la soirée, malgré des passages obscures pour notre culture. Il était impressionnant de voir le public si concentré, très peu de départ en cours de routes ont été notés.

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