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May B, la signature Maguy Marin

Jeudi 29 novembre 2012. May B de Maguy Marin, au Théâtre du Rond-Point. Avec Ulises Alvarez, Romain Bertet, Kaïs Chouibi, Laura Frigato, Françoise Leick, Mayalen Otondo, Lia Rodrigues, Ennio Sammarco, Jeanne Vallauri et Adolfo Vargas. 

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Le chemin d’un-e chorégraphe à travers sa carrière est parfois fascinant, encore plus l’effet qu’il produit sur nous. Faces, l’une des dernières créations de Maguy Marin, m’avait non seulement laissée de marbre, mais aussi prodigieusement agaçée. May B, son œuvre de 30 ans, m’a touché en plein cœur et surprise à chaque instant.

May B, c’est l’histoire d’une foule, d’un groupe dans la foule. Ils sont ensembles, mais voudraient vivre séparément. Ils sont séparés, et ne demandent qu’à revenir ensemble, quitte à parfois se bagarrer. C’est l’histoire de la solitude que l’on cherche à meubler par tous les moyens, mieux vaut être mal accompagné-e que seul-e, surtout autour d’un gâteau d’anniversaire.

Entre la danse et le théâtre, May B n’est pas tendre avec la nature humaine. Les corps ici ne sont pas magnifiés, encore moins laissés à leur état naturel. Ils sont salis, dénaturés, vieillis. Chaque danseur et danseuses est recouvert d’un grossier maquillage blanc, parfois habillé d’une tunique les grossissant à outrance. Entre leur tenus défroqués tâchées au mauvais endroit et les mines de clowns un peu fous, on a un peu l’impression de débarquer dans un hospice pour vieux à l’abandon. C’est la déchéance de l’humanité, qui n’arrive plus à s’élever, et suit les autres comme un mouton.

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Ce n’est pas très optimiste comme situation, et pourtant. Au fur et à mesure des gestes, une formidable humanité nait de ces dix personnages. Malgré leurs faiblesses, malgré leur laideur, quelque chose comme de l’attachement nait entre eux et le public. Après un long moment plus ou moins dansé, une sorte de procession d’au revoir se met en place. Chacun avec sa valise entre et sort, continuant son petit bout de chemin, pas complètement désespéré finalement, sur la lancinante musique de Gavin Bryars (aussi utilisé quelques années plus tard par William Forstyhe pour Quintett, avec un tout autre effet).

May B, c’est l’humanité comme on n’aime pas la regarder, dans ses mauvais jours, ces moments d’égoïsme et d’égarement. C’est peut-être pour cela que la pièce touche profondément. Elle montre ce qu’on ne veut pas voir, tout en y insufflant de l’humanité, et même de l’espoir (si, si) pour rendre ça supportable. Après tout, il n’y a pas vraiment de fin, le chemin continue. Et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, non ?

Cette pièce m’a fait pensé à 1980 de Pina Bausch, vu l’année dernière. Les deux ballets ont d’ailleurs été créés à quelques mois d’intervalle. C’était aussi une histoire d’humanité, sur un mode bien plus joyeux je vous l’accorde. Mais tout aussi poétique, d’une autre façon. Les deux chorégraphies marquaient une empreinte certaine du théâtre. May B a d’ailleurs été créée sous les conseils de Samuel Beckett, mais je ne connais pas assez l’auteur pour y déceler les références. La danse n’est plus le but ultime, c’est un mélange de saynètes, d’occupation de l’espace, sans qu’il y ait non plus du texte. Les deux chorégraphes ont ensuite creusé très loin cet aspect, mais de façon différente. Faces, d’ailleurs, n’est plus de la danse, mais une série de micro-scènes figées, et manquant cruellement d’humanité. On ne peut pas faire des chef-d’œuvres à tous les coups.

May B de Maguy Marin, jusqu’au 1er décembre au Théâtre du Rond-Point.

Commentaires (2)

  • a.

    je ne suis pas entièrement d’accord avec vous sur l’interprétation de ce ballet – mais d’accord pour dire qu’il est vraiment bien!
    J’y vois davantage une veine beckettienne, absurde et désespérée, qui tendrait à dire qu’il n’y a plus rien à tirer de l’existence, si ce n’est cette attente sans objet, cet ennui viscéral, cette contemplation du rien. S’il y a quelque chose d’extraordinaire dans ce ballet c’est à la fois le rôle de la scène, dont on ne peut pas s’enfuir et qui est le lieu même de la vie ; et la capacité qu’a eu Maguy Marin à montrer ce que Beckett pensait qu’on ne pouvait montrer que dans le langage : l’absurdité de l’existence.
    Tout cela fait de ce ballet un chef d’œuvre : cad une œuvre qui dit la vérité.

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  • @a.:Très juste la phrase de conclusion ! Je crois que je connais trop mal Beckett pour vraiment comprendre May B sur le fond, j’aurais dû réviser avant 😉

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