Wednesday, May. 31, 2023

Multitudes d’Etoiles pour le Japon

Ecrit par :

1 juin 2011

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Mardi 31 mai 2011. Les Etoiles pour le Japon au Palais des Congrès. Avec un peu ce qui se fait de mieux aujourd'hui sur les scènes internationales de danse.

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(© Photos : Blog A petits Pas, sauf photo 2 (Stanislav Belyaevsky) et 3.

Un gala comme celui qui a eu lieu hier au Palais des Congrès, il n'y en a pas souvent à Paris. Le public n'était d'ailleurs pas là par hasard : Wayne McGregor, une bonne partie du corps de ballet de l'Opéra de Paris (mais peu d'étoiles si je ne m'abuse), des Petits Rats, des habitué-e-s de Garnier... et une foultitude de blogueuses qui n'auraient raté ça pour rien au monde. 

Il y a eu des petits bas lors de ce gala. Des pas de deux assez moyens, 45 minutes d'attente au début sans explication, un programme hasardeux (des danseurs et pianistes pas indiqué-e-s, tiens, Merkuriev est au Mariinsky maintenant ?), deux parties déséquilibrées et un tout un peu long (fini à minuit, certain-e-s ont dû courir pour choper leur RER). Mais il y a eu aussi beaucoup de très beaux moments, qui ont éclipsé ces ratés.

Le gala débute par quelques images du Japon et des villes rasées par la catastrophe, rappelant au public pourquoi il était là. 

Suites de Danses de Clustine ; L'Ecole de Danse de l'Opéra de Paris

Bon, est-ce bien utile d'y aller de son petit commentaire à un mois du concours ? Je sens déjà les réponses enflammées. Pourtant, ils-elles ont bien assuré, ces grands Petits Rats. Débuter un tel spectacle n'avait rien d'évident, surtout avec cette chorégraphie, très technique, très "école française", mais pas forcément très fun. Il y a eu des sourires crispés, mais globalement beaucoup d'assurance et d'envie de bien faire. On sentait les six danseur-se-s déjà pro, et on les voit sans problème l'année prochaine dans le corps de ballet. 

Caroline Osmont et Clothilde Tran-Phat ont été fidèles à elle-même, donc très bien, même si je trouve que ce style n'est pas ce qui va le mieux à la seconde. Belle découverte d'Alizée Sicre, que je découvrais en soliste. Encore une fois, j'ai eu l'impression que le ballet mettait surtout en avant les filles, et que les garçons se contentaient un peu des portés. Mais les trois (Germain Louvet, Jérémy Loup-Quer et Mathieu Contat) s'en sont tous les trois très bien tirés, avec une petite préférence pour le dernier pour son naturel et une certaine musicalité.

La Belle au Bois Dormant de Petitpa ; Maria Kochetkova (San Francisco Ballet) et Sergei Polunin (Royal Ballet)

Un pas de deux très propre, très en place, et absolument sans surprise. Lui semblait crispé et pas forcément à l'aise, elle au contraire affichait sans discontinuer un sourire américain assez énervant. Le pas de deux de gala dans tout son stéréotype, passons. 

Mopey de Goecke ; Friedemann Vogel (Ballet de Stuttgart)

De l'engagement, une musique que j'aime bien, un bon danseur... Joli moment, ça m'a réveillé. 

Friedemann Vogel in Mopey (Ch: Marco Goecke)

La Chauve-souris de Roland Petit ; Olga Esina et Roman Lazik (Ballet de l'Opéra de Vienne)

Très bon choix, même si les ailes du danseur faisait un peu Disneyland. Joli coup de coeur pour Olga Esina, sculpturale dans son académique, mutine et enjôleuse. Une interprétation assumée et du brio. 

Le Cygne Noir pas de deux de Petipa ; Dimitri Gruzdev et Fernanda Oliveira (English National Ballet)

Aoutch, ça fait mal. Un couple pas du tout assorti (ils sont pourtant de la même compagnie), un danseur qui semblait se forcer et une danseuse - certes énergique - mais qui semblait assez faible techniquement. A oublier. 

Sinatra Suite de Tharp ; Igor Zelensky (Mariinsky) et Tatyana Gorokhovaz (Ballet de Novossibirsk)

Une femme en tenue année 20, un homme en smoking, et des chansons de Sinatra. Le début me semble un peu tristounet, je m'attendais peut-être à un peu plus de brillant. Et puis je me suis laissée prendre au jeu, à la belle complicité entre les deux danseurs, et à un certain humour qui les a gagné au fur et à mesure. J'ai hâte de découvrir l'oeuvre dans son entier aux Etés de la Danse.

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Light de Béjart ; Julien Favreau et Katya Shalkina (Béjart Ballet Lausanne)

L'un des meilleurs moments de la soirée. Si l'on sentait avant chez chacun des couples une certaine tension au début, il n'en n'a rien été des danseurs du Béjart Ballet Lausanne. Dès la première seconde, ils étaient présents, comme lors d'un vrai spectacle. En osmose. Un très beau duo.

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Le Corsaire de Petitpa ; Ashley Bouder (New York City Ballet) et Jason Reilly (Ballet de Stuttgart)

Ahhh, enfin un vrai pas de deux de gala : du brillant en veux-tu en voilà, et en évitant le sourire crispé. On comprend tout de suite pourquoi Ashley Bouder est une petite star : on la remarque dès ses premiers pas sur scène, elle devient tornade lors de ses manèges de piqués, et toujours avec un petit sourire l'air de dire "Pffiou, mais c'est tellement facile tout ça". Difficilement résistible. Lui aussi n'a pas démérité, un jeune fougueux bondissant dans toute sa splendeur. Un pas de deux qui a terminé en beauté une première partie un peu terne.

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La Dame aux Camélias de Neumeier ; Marijn Rademaker et Suejin Kang (Ballet de Stuttgart)

L'un des gros coup de coeur de la soirée, dans mon top 3. La Dame aux Camélias pour des danseurs du Ballet de Stuttgart, c'est un peu leur grand tube, une part de leur ADN. La grande difficulté dans ce type de gala, c'est d'arriver à instaurer quelque chose avec un pas de deux sorti de son contexte. D'autant plus dur lorsqu'il s'agit d'un extrait dramatique, arrivant en plus à la fin de l'histoire. Marijn Rademaker et Suejin Kang y ont parfaitement réussi. En seulement quelques minutes, ils ont su nous raconter la passion, le drame et le déchirement du couple. Un très beau moment.

Two de Russell Maliphant ; Carlos Acosta (Royal Ballet)

Et bien, c'était on ne peut plus différent que la version dansée par Sylvie Guillem il y a quelques mois. Etait-ce parce que j'étais beaucoup plus près ? J'ai été en tout cas complètement captivée. Il faut voir Carlos Acosta, bien baraqué, vivre dans son petit carré de lumière. On pourrait tomber dans un truc très esthétisant, et pas du tout. Il transcende chaque seconde, et l'on retient son souffle. Love U Carlos. 

Le Spectre de la Rose de Fokine ; Igor Kolb (Mariinsky) et Elena Kuzmina (Eifman Ballet)

Et bien, c'était pas mal du tout. J'ai eu au tout début un peu de mal à me faire au style d'Igor Kolb, et puis je me suis laissée prendre au jeu. C'est une rose enjôleuse, qui prend véritablement un malin plaisir à perturber la jeune fille. Cette dernière était très gracieuse, et a très bien joué la belle endormie pendant le pas de deux. Etait-ce un rêve, la réalité, les derniers effets de la fête ? Une belle ambiance, un peu mystérieuse et romantique. Réflexion personnelle au passage, décidément, ce bonnet à fleur, ça ne va à personne. 

Adagio de Miroshnichenko ; Andrey Merukriev (Bolchoï)

Quelle surprise de voir Andrey Merukriev dans une chorégraphie néo-classique, quelques semaines après l'avoir vu bondissant dans Don Quichotte. Il danse les deux aussi bien décidément, même si j'ai moyennement accroché à la chorégraphie, assez basique (gestuelle contemporaine sur une musique classique, plus fait pour mettre en valeur la ligne et les pectoraux du danseur, torse-nu et moulé dans un collant blanc). 

Grand Pas de Deux de Spuck ; Mikhail Kaninskin et Elisa Carrillo Cabrera (Ballet de l'Opéra de Berlin)

Pastiche des grands pas classiques que je voyais pour la première fois, et qui m'a beaucoup plus. C'est l'histoire d'un danseur classique, très classique, à l'ego légèrement surdimensionnée, et qui se passerait bien de sa partenaire qui-veut-bien-faire-mais-un-peu-godiche. Le couple avait l'humour qu'il fallait, sans tomber dans la sur-caricature, et une sacrée technique (derrière le rire, c'est un pas de deux qui a l'air difficile). Beaucoup de rythme et de clin d'oeil, une chorégraphie très efficace et parfaite pour ce genre de gala, très applaudie.

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Caravaggio de Bigonzetti ; Shoko Nakamura et Michael Banzhaf (Ballet de Berlin)

J'ai assez moyennement apprécié la chorégraphie, encore un néo-classique basique (pas mal de pièces se ressemblaient dans ce gala). Mais rien à dire sur les deux danseurs, très bons et très investis. Il y a décidément du niveau du côté de Berlin.

Thaïs de Petit ; Lucia Lacarra et Marlon Dino (Ballet de l'Opéra de Munich)

Je ne connaissais rien à ce ballet, ni ce que ça racontait. Pas grave, Lucia Lacarra est tellement ravissante, gracieuse, musicale et enjouée qu'on oublie le reste. Son partenaire n'a pas démérité, loin de là, mais mes yeux n'ont été attirés que par cette si belle ballerine. Elle aussi, on comprend pourquoi c'est une star. Beau moment.

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Les Indomptés de Brumachon ; Jiri Bubenicek (Ballet de Dresden), Otto Bubenicek (Ballet de Hambourg) et Jon Vallejo (ballet de Dresde)

Encore une fois, j'ai eu un peu de mal avec la chorégraphie, et la musique spécialement casse-bonbon. Mais les deux frères, et leur partenaire oublié dans le programme, savent danser et occuper la scène. Une présence magnétique, et c'est vrai pour le public, un côté étrange à voir évoluer côte à côte deux danseurs qui se ressemblent traits pour traits. Un beau trio, une complicité évidente, une belle danse, il faudrait être difficile pour ne pas succomber.

Les Enfants du Paradis de Martinez ; Isabelle Ciaravola et Mathieu Ganio (Ballet de l'Opéra de Paris)

J'aime beaucoup Mathieu Ganio, j'aime beaucoup Isabelle Ciaravola, j'aime beaucoup leur couple sur scène, j'aime beaucoup José Martinez, et je suis prête à défendre Les Enfants du Paradis. Mais il faut le reconnaître, ce pas de deux était bizarre, et sans grande logique. J'ai l'impression qu'il a été un peu rafistolé, avec des petits bouts pris de-ci de-là. Malgré tout, il se passe toujours quelque chose avec ces deux-là sur scène.

Don Quichotte de Petipa ; Evgenia Obraztsova (Mariinsky) et Andrey Merukriev (Bolchoï)

Là, je vais faire ma grande difficile. Au vu du casting et de l'extrait choisi, je m'attendais à un feu d'artifice. Et si les deux danseurs se sont donnés à fond, il manquait un petit truc, un je-ne-sais-quoi pour se laisser totalement emporter. Etait-ce Evgenia Obraztsova, par moment irrésistible mais qui en faisait parfois un peu trop, Andrey Merukriev moins à l'aise qu'il y a 15 jours, une complicité par forcément éclatante dans le partenariat... Je fais ma difficile, parce que c'était très bien, avec multitudes de sauts vertigineux, de doubles fouettés, beaucoup d'entrain et de plaisir d'être sur scène. Damned, c'est l'effet post-Bolchoï qui continue ? 

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Tous les danseur-se-s sont revenus saluer sur scène, une rose à la main. Un final assez émouvant, mais qui n'a pas eu le droit à un deuxième rappel de la part du public (globalement assez froid). Le spectacle s'est terminé très tard, vers minuit, et beaucoup semblaient être pressés de partir. Trois minutes après la fin, il n'y avait déjà plus grand monde à la sortie. Malgré les nombreuses affiches dans le métro, malgré les flyers distribués à l'entrée des théâtres depuis un mois, et surtout malgré l'affiche plus que prestigieuse de ce gala, avec tous ces grands noms, la salle n'était pas pleine. Le public parisien me déçoit par moment. 

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Amélie Bertrand

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