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Onéguine : épisode 3

Mercredi 21 décembre 2011. Onéguine de John Cranko, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Isabelle Ciaravola (Tatiana), Mathieu Ganio (Eugène Onéguine), Florian Magnenet (Lenski), Muriel Zusperreguy (Olga) et Christophe Duquenne (Prince Gremine).

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Il fallait un peu s’y attendre. Ce troisième épisode d’Onéguine n’a pas atteint les sommets de la soirée McKie/Dupont. Mais entre une soirée inoubliable et un spectacle médiocre, il y a une marge, et cette distribution-ci a montré beaucoup de très belles choses. Une fois encore, la soirée fut globalement réussie, ce ballet est définitivement magique.

Isabelle Ciaravola tient ici l’un des rôles (le rôle ?) de sa vie. Jeune fille en fleur totalement crédible au premier acte, magnifique tragédienne au troisième, elle porte le ballet de bout en bout, et nous fait découvrir l’un des plus beaux et riches rôles féminins du répertoire. Difficile de croire en la voyant sur scène que la retraite va sonner pour elle en 2013.

La danseuse étoile campe d’office une héroïne romantique. Au-delà d’une légère naïveté, c’est déjà un sombre nuage qui semble planer sur elle. Sa Tatiana a un-je-ne-sais-quoi de mélancolique, comme si elle savait déjà que son destin ne serait que malheur. Muriel Zusperreguy apporte un jolie contraste, avec son Olga inscouciante et joyeuse. Si elle n’a pas la profondeur de Myriam Ould-Braham, son personnage n’en est pas moins attachant et charmant.

Le couple qu’elle forme avec Florian Magnenet fonctionne d’ailleurs plutôt bien au premier acte. Lui arrive, toute mèche et sourire ultra-brigte dehors. Déjà tête à claque avant même de danser. Mais force est de constater que cela sied plutôt bien au personnage. On pourrait même dire que le pas de deux avec Olga, si rempli de jeunesse et de tendresse, a été un beau moment. 

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Tout ce parfait tableau est rompu avec avec l’arrivée d’Eugéne Onéguine. Mathieu Ganio se montre d’emblée très investi. Sa vision du personnage est différente des deux autres interprètes, mais non moins intéressante. Onéguine n’est pas tellement cynique, mais plutôt brisé par la vie. Est-ce un chagrin d’amour ? La guerre ? Sa sombre mélancolie l’empêche en tout cas de tomber amoureux et de voir le monde autour de lui. S’il ignore Tatiana, ce n’est pas par impolitesse ou par provocation, c’est que son coeur ne peut pas la voir. Sa lente variation, empreinte de mélancolie, est ainsi l’un des plus beaux moments de la soirée. 

Du 9 au 31 Décembre 2011

Le deuxième acte est malheureusement moins équilibré. Passage toujours délicat, car c’est là qu’Onéguine doit montrer tout son cynisme. Et Mathieu Ganio reste définitivement trop gentil. Son invitation à faire danser Olga ressemble plus à une marque de politesse qu’à une pure provocation. Pas assez chipie, Muriel Zusperreguy n’apporte pas non plus le véritable sel de l’histoire. Passon sur Florian Magnenet, dont le jeu d’acteur se limite vraisemblament à croiser les bras en levant les yeux aux ciels. Veut-il faire un concours avec Mathias Heymann dans Coppélia ? Un danseur, ce n’est pas qu’un beau sourire et des effets de mèches, encore faut-il être interprète. 

Sa variation du deuxième acte ne sera que confirmation. Il se contetera, pour exprimer son désespoir, de regarder d’un air vide loin devant. Il se fait tuer, bon débarras a-t-on presque envie de dire.  

Le troisième acte est un peu plus équilibré. Isabelle Ciaravola est une Tatiana resplendissante, mais froide durant le bal. Son mariage avec Grémine n’est pas d’amour, mais de convention. Et les souvenirs, qu’elle croyait avoir si profondément enfoui, resurgissent d’un coup quand le désespéré Onéguine apparaît.

Le pas de deux final est encore, une fois de plus, resté un moment magique. Mathieu Ganio n’arrive pas forcément à garder la même intensité tout du long, mais il faut le voir, s’agenouiller débordant de regrets aux pieds de Tatiana. Cette dernière le chasse, avant de regretter dans la seconde son geste de sagesse. Et c’est dans un long cris silencieux d’Isabelle Ciaravola, si plein de désespoir et de douleur, que se ferme le rideau. 

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Malgré ces déséquilibres, cette soirée fut néanmoins une fois de plus une réussite. Mathieu Ganio et Isabelle Ciaravola formait un couple en osmose. Leurs pas de deux étaient d’une fluidité comme s’ils les avaient déjà dansés 100 fois, alors qu’il s’agissait de leur première sur ce ballet. Si Mathieu Ganio n’a pas encore la maturité d’un McKie sur ce personnage, il a montré une fois de plus ses talents d’interprètes et sa qualité de danse. Une prise de rôle prometteuse pour lui, je reste déjà curieuse de le voir lors de la prochaine reprise.

Cette chronique était également la dernière de l’année 2011. Quel mois de décembre décidément, j’espère que 2012 nous réservera d’aussi belles surprises. En attendant, je vous souhaite à tous et toutes un très joyeux Noël, et vous donne rendez-vous le 1er janvier ! 

Commentaires (11)

  • Marie-Charlotte

    J’adore Mathieu Ganio, si charmant et gentil et très beau danseur! J’ai beaucoup aimé son Roméo…Quant à Mignonet, ça ne m’étonne pas mais il va falloir faire avec!

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  • Joyeuses fêtes à toi aussi! 🙂

    j’ai vraiment hâte de voir cette distribution! Je suis contente de voir que Mathieu Ganio est convaincant dans le rôle et Isabelle Ciaravola toujours bien en Tatiana.
    Je les verrai le 28 donc Mathieu aura encore eu le temps d’affiner son jeu d’ici là!

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  • jigara

    J’ai beaucoup ri lors de la double diagonale de grands jetés quand la mèche de Florian Magnenet ondulait au rythme de sa course ^^
    Joyeux Noël à toi aussi ! 😀

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  • Audrey

    Je les verrai le 30, je suis bien contente finalement de pouvoir voir une 2e distribution !
    Joyeux Noël à toi aussi !

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  • Laetis

    Super compte rendu! merci! Je n’aurai pas la chance de voir cette distribution hélas.
    j’ai littéralement fondu devant le couple Dupont/Mc kie le 20 décembre. Ce fut une soirée mémorable, si émouvante. J’adore ce ballet que je ne connaissais pas, il est incroyablement romantique!
    Joyeuses fêtes!

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  • dance7

    bonjour,
    Merci pour cette dernière chronique. Oui, un peu mystérieusement, Onéguine est un très beau ballet. Il apporte ce que la danse, les arts ont d’essentiel : l’émotion !
    Cooncentré de vie, l’amour, la cruauté, le cynisme et la fragilité… Oui, les distributions sont très différentes, mais du bonheur dans chacune d’elles. Et il faut bien rêver un peu à la distribution idéale.
    Un grand merci pour ce blog, et souhaitons donc pour 2012 d’aussi belles surprises qu’en 2011. Très bonne année danse à toutes et tous.

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  • Catherine

    @Marie-Charlotte : Je me permets juste une remarque concernant votre message car il me semble que vous êtes tout à fait en droit d’émettre des critiques à l’encontre de M. Florian Magnenet – quoique je les crains quelque peu infondées de par la pauvreté des arguments énoncés que j’ai pu lire à travers l’article – mais la moindre des choses serait de ne pas manquer de respect en “s’amusant” à écorcher son nom de famille…

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  • @ Tous et toutes : Merci ! 😀 J’espère que vos Fêtes ont été réussies.  

    @ Marie-Charlotte : Je fais beaucoup d’effort, mais j’ai encore beaucoup de mal 🙁

    @ Catherine : Premier commentaire de 2012, vous commencez fort ! Le surnom donné n’est pas un manque de respect, c’est une façon de montrer ce que nous inspire un-e danseur-se. La règle ici, c’est que chaque avis est accepté, pourvu qu’il soit exprimé poliment. Marie-Charlotte et moi-même avons le droit de ne pas apprécier Magnenet, et sans même devoir à se justifier. Il s’agit là d’un jugement subjectif, une impression personnelle, qui n’est d’ailleurs pas partagée avec l’ensemble du public, certain-e-e appréciant ce danseur, et ayant fat part de leurs bonnes impressions ici-même.  
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  • Catherine

    @Amélie : Je crains malheureusement que ce surnom soit bien trop péjoratif pour ne pas se manifester comme manque de respect et ce, même s’il peut vous paraître faible… Vous dîtes ne pas être en devoir de vous justifier quant à votre dépréciation de ce danseur mais il me semble, pour ma part, qu’un point de vue – s’il ne demande pas – espère toujours une justification pour qu’il ait quelque valeur et qu’ainsi, les avis différents pouvant se rencontrer au cours d’une discussion – et bien évidemment s’exprimer – puissent enrichir les propos échangés…

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  • dance7

    Très bonne année à toutes et tous, avec de belles émotions danse. L’année 2011 s’est d’ailleurs particulièrement bien terminée avec Oneguine, des moments inoubliables au cours de ce ballet, avec quelques interprétations à couper le souffle. Eh oui, I Ciaravola et M Ganio, une danse magnifique et (plus que) la vraie vie !
    D’ailleurs sur ce blog, pourquoi ne pas prendre une bonne résolution 2012 : ne parler que de ce qui est positif ! Pourquoi perdre du temps sur des critiques très (trop) sévères… Faire partager tout ce que l’on a aimé, oui !!!
    Une mention particulière pour Amélie qui nous fait partager sa passion avec talent !

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  • @dance7:C’est un point de vue intéressant, et le parti pris de certains journaux : on ne parle que de ce qu’on a aimé. A vrai dire, j’aimerais bien, mais les soirées où tout roule ne sont pas si courantes que ça. Et si je devais les attendre pour écrire, ce blog ne serait pas si rempli. 🙂 Et puis quand j’écris une opinion défavorable, il ne s’agit que de mon avis personnel, et ça invite ceux et celles qui ont aimé à venir défendre leur artistes et ou/le spectacle. C’est ça qui crée le débat, et qui rend ce blog vivant. Si je n’écrivais que des choses positives, je crois qu’on s’ennuierait vite 😉

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