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Rain : épisode unique

Lundi 23 mai 2011. Rain d’Anne Teresa De Keersmaeker par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Juliette Hilaire, Sarah Kora Dayanova, Laurence Laffon, Christelle Granier, Charlotte Ranson, Amandine Albisson, Caroline Robert, Florian Magnenet, Adrien Couvez et Marc Moreau.

Pré-générale, donc répétition, donc compte-rendu à prendre avec le recul nécessaire.

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Il y a des ballets que l’on aurait aimé aimer. Parce qu’il s’agit d’une oeuvre dense et complexe, d’une belle danse, parce que l’engagement des danseur-se-s est total, parce que la musique est superbe. Et pourtant non, rien n’y a fait. Malgré mes efforts, ma concentration et ma bonne volonté, je suis restée totalement hermétique à Rain. L’heure et les 10 minutes du ballet ont été horriblement longues. Et d’une façon totalement irrémédiable, puisque dès la première minute, j’ai senti que cela allait être difficile.

Tout avait pourtant bien commencé : un décor attirant, fait d’un large rideau de fines cordes blanches – comme un rideau de pluie – disposé en grand cercle sur la scène, une lumière solaire et une fosse d’orchestre particulière, remplie par les 18 musicien-ne-s et chanteuses de l’ensemble Ictus. La musique de Steve Reich démarre, lancinante, entêtante, et les dix danseur-se-s arrivent sur scène. Mais si la partition résonne tout de suite comme formidable, la danse apparaît dès les premiers pas comme vaine, d’une façon assez stupéfiante. 

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C’est toujours l’histoire de ce mystérieux mur de verre, celui qui se construit parfois entre la scène et le public. Celui qui empêche absolument tout sentiment d’arriver au-à la spectateur-rice. Ce soir-là, il était bien présent, et des plus solides. C’est très étrange, l’impression de voir des danseur-se-s bouger, se laisser tomber, se parler, mais sans que quoi que cela ait le moindre sens. Pourquoi cette course, pourquoi ces gestes ? Et pourquoi si long ? Un vide de sens absolu pendant une heure, c’est dur. Et ce, malgré des artistes visiblement très investis et une danse pleine.

Chose curieuse, le mur de verre s’est posé juste entre la scène et la fosse d’orchestre. Les danseur-se-s étaient ainsi à des années lumières de moi, mais je me suis prise la musique en pleine face. Mes oreilles ont été hypnotisées pendant une heure, c’était beau, je n’avais juste qu’à fermer les yeux pour passer un bon moment. Consolation un peu maigre lorsqu’il s’agit de danse.

Si je suis bien la chorégraphe, elle a voulu construire son ballet en symbiose avec la musique. D’un point de vue purement visuel, c’est plutôt vrai. La musique de Steve Reich est répétitive, c’est-à-dire qu’elle répète la même rythmique tout du long, mais que pourtant jamais une mesure ne ressemble à sa voisine, ne serait-ce que par une minuscule note en plus, un contre-chant ou l’utilisation particulière d’un instrument. Pour la danse, les hommes et le femmes avaient chacun une séquence, redonnée, transformée. Une chorégraphie répétitive sur le papier, mais qui, comme la musique, n’était jamais pareil. Un système qui a marché pour la première, qui en a reçu une force supplémentaire, et qui a raté pour la seconde, où l’on n’en retient que la répétition.

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A force de parler de la musique, je me demande si le problème ne vient pas d’elle. Qu’elle est trop forte justement (dans le sens de l’intensité, pas du volume de décibels bien sûr)J’imagine le gros trip pour les danseur-se-s d’évoluer sur scène enveloppé-e-s d’un tel rythme. Mais n’en ont-il-elle-s pas trop profité justement, au risque de ne pas savoir prendre le dessus ? Les gestes paraissaient si petits par rapport à ce qu’on entendait, presque écrasés. Était-ce par ce que c’était la première fois ? Était-ce parce que, malgré la polyvalence de la compagnie, ils-elles n’ont pas (encore) réussi à s’emparer de ce style ? Un belle musique est en générale la force supplémentaire d’un ballet. Ici, elle semblait être son pire ennemi, tant le fossé s’agrandissait entre ce que l’on entendait, et ce que l’on voyait. 

Pour être honnête, il y a eu un moment de répit. Un pas de trois, avec Charlotte Ranson en soliste. Un instant lumineux, où tout d’un coup tout s’éclaire, tout prend place, et l’on est frappé par l’évidence du geste. Trois minutes sur une heure 10.

J’en suis ressortie avec l’étrange impression que cela aurait dû fonctionner, qu’il y avait tous les ingrédients pour. Et puis finalement, non. 

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