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Rodin par Russell Maliphant

Mercredi 1er février. Le Projet Rodin de Russell Maliphant au Théâtre de Chaillot, avec Tommy Franzen, Thomasin Gülgeç, Dickson Mbi, Ella Mesma, Carys Staton et Jenny White.

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Dans l’exposition Danser sa vie, qui se tient au Centre Georges Pompidou, il y a quelques statuettes de Rodin. C’est étrange, il s’agit de statues inertes, et pourtant elles semblent encore en mouvements et riches d’expressivités.

Dans sa dernière création, justement appelé le Projet Rodin, Russell Maliphant s’est inspiré de l’œuvre dansante du sculpteur. C’est étrange, les six danseurs et danseuses qui interprètent cette pièce sont bien des êtres humains, et pourtant leurs gestes semblent figés et vides de toutes expressions.

C’est en tout cas l’impression donnée par la première partie du ballet, qui laisse ainsi perplexe. Le chorégraphe voulait rendre hommage au sculpteur, et il semble avoir dénaturé son œuvre. Trois femmes servent de porte-manteau, tenant de larges tissus blancs qui recréent un atelier d’artiste. Trois hommes prennent des pauses et montrent leurs muscles. Bien appétissants pour la gent féminine/gay, mais singulièrement vides de sens. La sculpture-beauté-esthétique sans émotion, voilà qui semble être le contraire de l’œuvre de Rodin.

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Alors que le public commence doucement mais sûrement à sombrer, Russell Maliphant met enfin ses danseurs en mouvement. Réaction réactionnaire ? J’attends d’un ballet, aussi contemporain soit-il, qu’il danse. Le Projet Rodin met bien 30 minutes avant de danser.

Et pourtant, quand Russell Maliphant arrête de jouer au scénographe pour redevenir chorégraphe, voilà que cela frise la magie. Soudainement, deux statues-danseurs prennent vie pour un magnifique combat. Les sauts sont aériens et puissants, les torsions à l’extrême, la tension haletante. 10 minutes tout juste de fulgurance avant l’entracte, le public à peine réveillé peut se rendormir.

La deuxième partie, libérée de ses draps blancs pour un décor plus simple, reste plus intéressante. Parce que ça danse plus aussi, CQFD.
La danse du début est belle, rendant hommage au hip hop dont sont issus la plupart des interprètes, mais un peu déconnectée du sujet principal. Cela se raccroche un peu par la suite, en retombant dans l’idée des statues qui prennent vie. Avec parfois de magnifiques réussites, comme le solo de Dickson Mbi, ou le duo d’hommes-araignées jouant sur un plan incliné, assez bluffant.

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On regrette pourtant la sous-utilisation des danseuses, qui ne paraissaient pourtant pas moins douées que leurs collègues masculins. Absentes dramaturgiquement de la première partie, un seul solo féminin est présent dans la deuxième. Une femme, vêtue d’un voile comme une statue antique, se dévêt lentement. En soi, le passage est très beau. Il fait référence à une certaine érotisation du corps de la femme dans la sculpture, et plutôt d’une belle manière. Mais pourquoi se limiter à ça ? Dans le Projet Rodin, les statues hommes ont le droit de prendre vie, de bouger et de penser. Les statues femmes doivent rester des objets.

Bien sûr, dans l’art, les modèles féminins ont souvent été cantonnées à ce rôle : des poses yeux baissés, dans l’attente, passives. Un chorégraphe du XXIe siècle aurait pu essayer de dépasser le cliché.

Le Projet Rodin de Russell Maliphant, au Théâtre de Chaillot jusqu’au 10 février. Places de 11 à 32 euros.

Commentaires (2)

  • Les clichés ont la vie dure partout. Même en danse 🙁

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  • petitvoile

    Première partie ratée, la seconde s’y retrouve avec le danseur Maliphant de DV8 qui réussit bien son coup ! Notons aussi une très bonne musique et une bonne distribution des hommes; les filles sont en-dessous et sous-utilisées mais le projet convenait-il au savoir-faire de hip-hoppeuses? Allez, restent quelques très belles images !

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